Agnès Souret, première « Miss France »
"Nous avons montré nos poilus. Nous montrerons nos roses"
Maurice de Waleffe, fondateur de Paris-Midi, est l’initiateur du premier concours de beauté organisé en France à l’échelle nationale. Il est organisé par Le Journal et la société industrielle cinématographique Éclair. Il s’agit, en cette période d’après-guerre, de mettre à l’honneur la beauté française en utilisant les salles de cinéma pour proposer un concours ouvert à toutes les classes sociales.
Ainsi, dès le 14 décembre 1919, Maurice de Waleffe annonce en une du Journal la tenue du concours. Ce qui intéresse le journaliste est « l’image de ces quarante-neuf Françaises que les cinémas vont répandre dans tout l’univers, comme un démenti éclatant à ceux qui osent mettre en doute l’éternelle jeunesse de notre race. Nous avons montré nos poilus. Nous montrerons nos roses. Quand un rosier produit de pareilles fleurs, il est vivace ! »

L’organisation de l’élection
Les modalités du concours sont détaillées dans Le Journal du 15 décembre. Quarante-neuf jeunes femmes seront sélectionnées par un jury. À partir du 20 février 1920, leurs photographies seront projetées dans les salles des grands cinémas de France à raison de sept candidates pendant sept semaines. Les spectateurs voteront pour élire une finaliste par semaine. La plus belle femme de France sera désignée à l’issue d’un ultime scrutin. À partir du 13 février, Le Journal publie chaque jour à la une le portrait d’une candidate. Chaque participante est ainsi mise à l’honneur avant la projection de sa photographie dans les salles de cinéma.
Le 10 mai 1920, Agnès Souret, dix-huit ans, est proclamée « plus belle femme de France ». Née à Bayonne d’un père basque et d’une mère bretonne, cette « fleur de nos Pyrénées brûlantes, atténuée par les brumes de l’Armorique, réalise l’idéal en demi-teinte qu’on appelle le charme français ». Les prix reçus par les candidates sont détaillés dans Le Journal du 13 mai.

À l’issue du concours, le quotidien propose à ses lecteurs un album de photographies des candidates et des cartes postales.
La réception du concours
Le concours, parfois moqué pour sa frivolité, est défendu avec ardeur par Maurice de Waleffe dans Le Journal du 7 janvier 1920. Il en appelle aux précédentes représentations artistiques de la beauté féminine. Le concours permettra, selon l’auteur, de définir l’idéal esthétique des années à venir.

Cependant, dès le 14 mai, Le Gaulois et Le Temps mettent en cause la validité du concours de même que la légitimité du « suffrage universel ». Fanny Clar dénonce dans Le Populaire du 22 mai la vacuité du concours et met en garde la jeune lauréate : « Je vous épargne la description de ce que vous serez un jour. Mais soyez sûre que le deviendront comme vous, les laides et les sottes, les journalistes, les sages et les fous ».
Le Miroir du 6 juin met à l’honneur Agnès Souret en tenue de bain dans une galerie de photographies, entre une autruche pondeuse et des poussins jumeaux :

Elle y est décrite comme une délicate jeune fille de dix-huit ans, d’un père « de race bretonne, sa mère d’origene basquaise ».
Le Populaire du 2 novembre, dans son article « M. Millerand contre Mlle Agnès Souret », se moque du Président de la République récemment élu et du journal Excelsior qui propose à ses lecteurs en une du 31 octobre de choisir la photographie officielle du Président parmi une sélection de quinze portraits : « Agnès Souret que Le Journal avait proclamée « la plus belle femme de France », a, de par Excelsior, une rivale… »

La courte carrière d’Agnès Souret
La « plus belle femme de France » connaît une renommée nationale. Ce titre lui ouvre les portes du cinéma et elle tourne dès le mois d’octobre 1920 dans Le Lys du Mont Saint-Michel de Henry Houry.