Ex-libris
Un ex-libris ou exlibris[1] (du latin ex libris meis, « faisant partie de mes livres ») est une inscription figurant à l'intérieur d'un ouvrage, par laquelle le propriétaire marque nommément sa possession[2].
À partir de la fin du XVe siècle, en Europe, l'ex-libris prend la forme d'une gravure, tirée à part, et traditionnellement issue de la taille douce. Elle peut mentionner éventuellement le nom du propriétaire, ses armes, sa devise[2] ou divers symboles et motifs de son choix. Il s'agit donc d'une gravure personnalisée qu'un collectionneur ou bibliophile colle sur le contre-plat (l'intérieur de la couverture) ou sur la page de garde de ses livres, comme marque d'appartenance.
Par extension, on nomme parfois ex-libris manuscrit la mention à la main du nom du propriétaire du livre, même si l'on préfère parler plutôt dans ce cas de marque de possession[3].
Les tampons encreurs, et autres cachets à l'encre directement tamponnés sur les ouvrages ne sont pas considérés comme des ex-libris par les bibliophiles puisqu'ils dégradent les ouvrages et leur font perdre toute valeur marchande[4] (d'où leur emploi par les bibliothèques publiques, pour dissuader les vols).
Historique
modifierL'usage de marques d'appartenance sur les livres est aussi ancien que celui des livres eux-mêmes. Le British Museum de Londres conserve une des tablettes bleues en argile vernissée qui habillaient les boîtes de cèdre dans lesquelles le pharaon Aménophis III conservait ses papyrus. Cette tablette constitue l'une des premières formes d'ex-libris et remonte au règne d'Amenhotep III (1388–1351 av. J-C.)[5]. Au Moyen Âge, on notait parfois à la main le nom des propriétaires des manuscrits sur les premiers feuillets.
L'ex-libris proprement dit apparaît au XVe siècle, lorsque l'invention de la gravure permet de reproduire des images en plusieurs exemplaires. La mode consistant à se faire graver un ex-libris représentant ses armoiries se répand alors dans toute l'Europe, et plusieurs grands graveurs l'illustrent. Dürer aurait gravé la marque du célèbre humaniste Willibald Pirckheimer. La technique de l'ex-libris passe alors en Suisse et arrive en France au début du XVIe siècle. Un des plus anciens ex-libris gravés français est celui de Jean Bertaud, de La Tour-Blanche en Périgord[6]. Au XVIe siècle, les ex-libris héraldiques européens sont souvent de grand format.
Aux XVIIe et XVIIIe siècles l'usage de l'ex-libris se généralise parmi les propriétaires de livres, essentiellement l'aristocratie et la grande bourgeoisie. L'ex-libris héraldique, figurant les armoiries du propriétaire et souvent son nom, devient la norme et on observe plusieurs styles régionaux. La gravure au burin reste la seule technique employée pour réaliser les ex-libris. Au XVIIIe siècle le format tend à se réduire et on trouve quelques ex-libris gravés à l'eau-forte, même si le burin reste la règle.
Les ex-libris ont connu un nouvel essor au XIXe siècle, avec le développement de la bibliophilie dans le sillage de Charles Nodier. Des bibliophiles ne disposant pas d'armoiries se font alors graver des ex-libris avec des motifs artistiques, de fantaisie ou des symboles représentant leurs goûts ou leur identité. Toujours gravé principalement au burin, l'ex-libris se diversifie donc au-delà de l'héraldique. Plusieurs bibliophiles font dessiner leur ex-libris par des artistes en vogue, pour ensuite les donner à graver à un graveur spécialisé.
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Un imposant ex-libris gravé au burin du début du XVIe siècle, par Israhel van Meckenem
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Un ex-libris héraldique français du XVIIIe siècle, gravé au burin
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Ex-libris gravé de Louise-Adélaïde de Bourbon (1696-1750), reprenant ses armoiries
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Un ex-libris héraldique du XIXe siècle, gravé pour Rachel Beer, aux armes Sassoon, avec des éléments décoratifs
Contenu de l'ex-libris
modifierL'élément graphique principal d'un ex-libris est généralement soit les armoiries du propriétaire, timbrées ou non, soit un dessin allégorique ou symbolique. L'ex-libris comporte aussi, le plus souvent, le nom ou, parfois, les initiales du propriétaire ; il peut aussi être signé par l'auteur du dessin et/ou de la gravure. Un ex-libris peut comporter une devise ou une citation chère au propriétaire du livre, ou sa fonction, ou ses titres.
Depuis le XVIe siècle, la technique la plus traditionnellement utilisée pour la gravure d'ex-libris est la gravure au burin, mais il est arrivé que d'autres systèmes moins prestigieux, tels que la xylographie ou plus récemment l'offset, aient été employés pour imprimer des ex-libris à moindre coût. La création d'ex-libris est intimement liée à l'art de la gravure héraldique.
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Un ex-libris classique du XVIe siècle.
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Elisabeth Sophie Marie von Schleswig-Holstein-Norburg.
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Abbé de Mellarède.
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Eduard Ludwig Gabriel von Müller.
Collections
modifierLes ex-libris anciens peuvent faire l'objet de collections. Ils sont recherchés aussi bien collés dans le livre que séparément. Certains bibliophiles attachent plus de valeur à un livre porteur d'un ex-libris rare, tout particulièrement si celui-ci désigne un ancien propriétaire célèbre ou ayant eu une bibliothèque remarquable, soit pris isolément, détachés des livres : dans ce cas, on les recherche pour la qualité esthétique du travail de gravure.
En France, une des collections les plus remarquables d'ex-libris est celle de l'Association française des collectionneurs d'ex-libris, déposée à la Bibliothèque bénédictine et municipale de Saint-Mihiel.
Une autre forme de collection : les bibliophiles faisant graver plusieurs ex-libris différents pour orner leurs propres livres. Par exemple, l'entomologiste belge Albert Collart (1899-1993) avait fait exécuter deux cents ex-libris différents à son nom, dont : un à la libellule, un à l'insecte volant posé sur un petit tronc mal ébranché, un aux deux idoles posées sur une planche et au livre avec abeille posée sur la tranche d'un livre épais intitulé Ex-libris ; un à la femme noire, chasseuse de papillons, etc.[7]
Certains livres portent le nom de leur (ancien) propriétaire en <<queue du dos>> du livre. Parfois c'est l'emplacement que le relieur choisit pour signer son livre.
Quelques concepteurs et graveurs d'ex-libris
modifier- Henri Bacher
- George Ball
- André Ballet
- René Barande
- Nicolas Chalmandrier
- Daniel Chodowiecki
- Auguste Donnay
- Michel Fingesten
- Robert Forrer
- Suzanne Gauthier
- Roger Guit
- Walter Helfenbein
- Fernand Khnopff
- Valentin Le Campion
- Francis Davis Millet
- George Minne
- Armand Rassenfosse
- Léo Schnug
- Pino della Selva
- Mark Severin
- Charles William Sherborne
- Herman Teirlinck
- Émile-Henry Tilmans
- Louis Titz
- Andrew Kay Womrath
Notes et références
modifier- Selon les rectifications orthographiques du français en 1990, la graphie soudée exlibris, c'est-à-dire sans trait d'union ni espace, doit être privilégiée.
- « Ex-libris », définition sur cnrtl.fr.
- Christian Galantaris, Manuel de bibliophilie, préf. de Michel Déon, Paris, Éd. des Cendres, 1997. Une mention du nom du propriétaire en queue du dos d'un livre peut également être considérée comme un ex-libris manuscrit mais c'est plus souvent l'endroit réservé à la signature du relieur
- « « Cachet », in Dictionnaire du bibliophile »
- (en) Joann Fletcher, Egypt's Sun King. Amenhotep III, Londres, Duncan Baird Publishers, 2000), p. 131 (ISBN 9781900131094).
- Ex-libris datée circa 1529 - lire en ligne sur Gallica
- André Lawalrée, « Collart (Albert Désiré Clément Hubert) », Biographie belge d'Outre-Mer, vol. 9, , col. 52-56 (lire en ligne, consulté le ).
Voir aussi
modifierBibliographie
modifier- Germaine Meyer-Noirel, L'ex-libris. Histoire, art, techniques, Paris, Picard, 1989, 264 p., ill.
- Archives de la Société française des collectionneurs d'ex-libris, Paris, 1894, 1re année, 1902, 9e année, 1904, 11e année
- Auguste Poulet-Malassis, Les Ex-libris français depuis leur origine jusqu'à nos jours, 1875 (en ligne).
- Albert Dujarric-Descombes, « Le premier ex-libris périgourdin (1529) », dans Bulletin de la Société historique et archéologique du Périgord, tome XXVII, 1900, p. 59-62 (en ligne), et « Ex-libris périgourdins (de Bourdeilles - de la Cropte) », dans Bulletin de la Société historique et archéologique du Périgord, 1910, t. 37, p. 410-412 (lire en ligne)
- Sander Pierron, Les Dessinateurs belges d'ex-libris, 1906 (en ligne).
- Henri Liebrecht, Les Ex-libris, 1910 (en ligne), conférence faite à la Maison du livre de Bruxelles.
- J. Wiggishoff, Dictionnaire des dessinateurs et graveurs d'ex-libris français, Paris, 1915.
- Charles Lafon, « Les ex-libris et fers de reliure périgourdins antérieurs à la période moderne », Société française des collectionneurs d'ex-libris et de reliures artistiques, Paris, 1936, republié dans Bulletin de la Société historique et archéologique du Périgord, 1941, tome 68, p. 280-298 (lire en ligne)
- « Ex-libris », in Dictionnaire de l'Enssib, 2014 (en ligne).
- Benjamin Linnig , Nouvelle série des bibliothèques et d'ex-libris d'amateurs belges, Editions G. Van Oest, Bruxelles, 1910.
Articles connexes
modifierLiens externes
modifierCollections thématiques
modifier- Ex-libris d'artistes français du XIXe siècle
- Ex-libris d'amateurs d'échecs
- Ex-libris de bibliophiles dauphinois
Associations d'amateurs
modifier- Association française pour la connaissance de l'ex-libris
- (en) Association américaine de créateurs et collectionneurs d'ex-libris