Mukuamu Prince LLM 2023
Mukuamu Prince LLM 2023
Faculté de droit
RESUMÉ
Aujourd'hui plus qu'hier, la médiation suscite l’intérêt tant des chercheurs, des praticiens, que
des politiques. Cet intérêt se matérialise notamment par les différents cadres juridiques dont elle
bénéficie dans plusieurs législations. Afin de promouvoir la médiation au sein de ses États
membres, L’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) a
adopté le 23 novembre 2017 un Acte Uniforme relatif à la Médiation (AUM). Après avoir
adopté depuis plus de deux décennies un Acte uniforme sur l’arbitrage, l’organisation régionale
confirme sa volonté de promouvoir les modes alternatifs de règlement de conflits dans le
domaine du droit des affaires. Cependant, l’AUM est un instrument juridique particulier attendu
qu'il est le premier de son genre à s’appliquer également aux domaines non encore régis par le
droit OHADA. Toutefois, si la médiation tend à se développer de plus en plus, il convient de
prendre garde à ce que cette évolution, notamment en ce qui concerne son encadrement légal,
ne conduise pas à sa dénaturation. Voilà l’un des défis auquel est également soumis le
législateur OHADA.
ABSTRACT
Today, more than ever, mediation is attracting the interest of researchers, practitioners and
politicians alike. This interest is notably materialized by the different legal frameworks it
benefits from in several legislations. In order to promote mediation within its member states,
the Organization for the Harmonization of Business Law in Africa (OHADA) adopted on
November 23, 2017, a Uniform Act on Mediation (UAM). After adopting a Uniform Act on
Arbitration more than two decades ago, the regional organization confirms its desire to promote
alternative dispute resolution in the field of business law. However, the AUM is a special legal
instrument as it is the first of its kind to apply also to areas not yet governed by OHADA law.
However, if mediation is tending to develop more and more, care should be taken to ensure that
these developments, in particular with regard to its legal framework, do not lead to its distortion.
This is one of the challenges to which the OHADA legislator is also subject.
II
INTRODUCTION
En 2017, l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires a adopté un
nouvel acte uniforme portant sur la médiation (AUM) qui s’érige comme instrument normatif
harmonisé pour les 17 États qui la composent. Compte tenu de l'ancienneté de la notion de
médiation, on serait tenté d’affirmer que cet instrument intervient bien tardivement. En effet,
si l’engouement autour de la médiation laisse transparaître un effet de mode faisant croire qu’il
s’agit d’une notion récente, le fait est que ses origines sont bien plus anciennes 1.
A. Portrait historique :
Il est possible de remonter à des époques anciennes de notre histoire pour observer des pratiques
qui s'apparentent à la médiation. Jacqueline Morineau remonte au cinquième et sixième siècle
avant notre ère et fait un parallèle avec la tragédie grecque 2. Elle identifie des points de
comparaisons essentiellement dans le procédé de ces deux représentations qui mettent en avant
l'accueil du conflit ou de la souffrance, la prise en compte du non-dit, le langage ou le drame
comme technique de communication 3.
S’il est vrai qu’une comparaison peut être faite entre diverses pratiques anciennes et la
médiation, il est important de préciser que la conception contemporaine de la médiation aurait
des origines bien moins lointaines.
Une partie de la doctrine identifie la médiation comme étant une pratique d’origine américaine
(Amérique du nord)4. Les prémisses de la médiation auraient été identifiées dans les sociétés
d’Amérique du Nord où, en 1974 et pour la première fois, est mise en place une première
expérience de médiation pénale dans la province d’Ontario par les minorités protestantes (les
mennonites) guidées par une philosophie pacifiste 5. En 1974, ils créèrent dans la foulée the
Victim Offender Reconciliation Program, un programme qui porte des valeurs et des techniques
1
DION Nathalie, De la médiation, 2ème édition, mare et martin, 2018, p.18.
2
MORINEAU Jacqueline, L’esprit de la médiation, Érès, « Trajets », 2010, p. 77 et s. En ligne : https://www-
cairn-info.gutenberg.univ-lr.fr/l-esprit-de-la-mediation--9782865866588.htm
3
Id.
4
ANCEL Pascal, BLANC Gérard, COTTIN Marianne, GOUT Olivier, RIVIER Marie-Claire, HAUBRY Xavier,
LAWSON-BODY Latékoué, POURRET Jean-Louis, SAYN Isabelle, « Les modes alternatifs de règlement des
conflits : un objet nouveau dans le discours des juristes français ? », [Raport de recherche] Mission de recherche
droit et justice. 2001, p. 21. En ligne : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01050858/document
5
FAGET Jacques, Médiations. Les ateliers silencieux de la démocratie, Toulouse, Érès, « Trajets », 2010, p. 36.
En ligne URL : https://www-cairn-info.gutenberg.univ-lr.fr/mediations--9782749212326.htm
2
basées sur la responsabilisation des individus face aux conflits, l’abandon de la posture
stigmatisante de la procédure contradictoire et celle de la justice rétributive et punitive pour
adopter une posture promouvant la réconciliation et la restauration des liens sociaux. C’est dans
ce contexte que naît le courant de restorative justice (justice réparatrice) porté pour la première
fois par Howard Zehr, dont l’objectif était de mettre en avant des techniques de résolution de
conflits pénaux fondés sur des valeurs telles que le respect, la responsabilité, la restauration ou
la guérison qui sont des valeurs considérées comme opposées à celles qu’on retrouve dans la
justice étatique6. Peu à peu, ce courant a gagné d'autres régions du Canada mais aussi les États-
Unis et plus tardivement l’Europe.
L’évolution aux États-Unis de la médiation coïncide avec l’émergence des nouvelles techniques
de résolution de conflits, dont l’ambition est d’apporter des solutions alternatives face aux
limites de la justice étatique critiquée entre autres pour sa lenteur, son coût et son formalisme
accru. En 1980, cet ensemble de mécanismes est regroupé sous le nom d’alternative justice
resolution dont la médiation deviendra un des éléments de campagne. Ce courant connaît une
expansion dans certains pays tels que la Grande-Bretagne, la Nouvelle Zélande, l’Australie
entre autres en raison des facteurs qui tiennent à la langue et à la culture juridique partagée par
ces États.
La France connaîtra également cette vague vers les années 1990, avec l’introduction de
l’expression « modes alternatifs de règlements de différends ou de conflits » 7 qui est la
traduction du concept anglo-saxon ou américain d’ « alternative dispute resolution » 8. En effet,
une partie de la doctrine cristallise l’apparition de la médiation en France vers le XXème siècle
provenant des pratiques américaines9. Un des indicateurs qui conforte cette affirmation est
l’absence d’emploi du substantif « médiation » dans le vocabulaire juridique avant 1980 qu’il
s’agisse du législateur, de la jurisprudence, ou de la doctrine 10.
6
J. FAGET, préc., note 5, p.38.
7
Un vif débat existe dans la doctrine à propos de l’interchangeabilité des termes litiges, conflits et différends pour
représenter fidèlement le contexte dans lequel les modes alternatifs s’appliquent. CADIET Loïc, « Panorama des
modes alternatifs de règlement des conflits en droit français », R.L. R., 2011, p.148. En ligne :
https://www.ritsumei.ac.jp/acd/cg/law/lex/rlr28/CADIET2.pdf
8
Id. p.147.
9
J. FAGET, préc., note 5, p. 53.
10
TEXIER Pascal, « La Médiation Sous Le Regard De l'Anthropologie Historique Du Droit », Colloques et Débats,
La médiation - aspects transversaux, Avril 2009, Limoges, France, p. 2. En ligne : https://hal-unilim.archives-
ouvertes.fr/hal-01865700
3
Sur ce point une nuance doit être apportée, car si la majorité de la doctrine reconnaît à la
médiation des origines américaines, il existe une minorité qui se détache de ce point de vue.
C’est également le point de vue de Michèle Guillaume-Hofnung qui considère que la médiation
contemporaine n’est pas originaire d’États-Unis 11. Les origines de la médiation ne sont pas à
chercher dans un développement des techniques américaines de résolution de conflits, mais
plutôt dans une construction socioculturelle inhérente à chaque société civile.
En ce qui concerne le contexte africain, les origines de la médiation ne sont pas clairement
abordées par la doctrine. Les rares références originelles de la médiation sont faites de manière
indirecte par des comparaisons avec des pratiques traditionnelles des sociétés ancestrales
africaines. La pratique de règlement de conflit des sociétés traditionnelles de l’Afrique
subsaharienne la plus évoquée est sans nul doute « la palabre ». Ainsi la médiation est vue
comme un cadre juridique qui encadre une tradition déjà existante : « La large définition de la
médiation, en incluant les règlements amiables « traditionnels », donne un cadre légal uniforme
à ce mode ancien de règlement des différends pour améliorer les conditions d’accès à la justice
et la possibilité de multiplier les voies de recours »12.
La palabre africaine peut être définie comme « une institution précoloniale africaine qui illustre
la philosophie communale africaine, basée sur la démocratie et le consensus entre l’ensemble
des membres de la collectivité »13. Il est vrai que par certaines caractéristiques de cette
institution, il est possible de trouver des concordances entre elle et la médiation.
Comme la médiation, l’arbre à palabre est un processus démocratique impliquant une technique
de communication qui passe par le langage. Tout comme la médiation, il est une technique
pacifique de règlement de conflits en ce sens qu’il privilégie la reconstruction des liens entre
les individus plutôt que de stigmatiser une partie en désignant un vainqueur et un vaincu.
L’arbre à palabre se rapproche encore plus de la médiation dans son objet, puisque ce dernier
11
GUILLAUME-HOFNUNG Michelle, La Médiation, Paris cedex 14, Presses Universitaires de France, « Que
sais-je ? », 2020, p. 9. URL: https://www-cairn-info.gutenberg.univ-lr.fr/la-mediation--9782715404946.htm
12
BLOHORN-BRENNEUR Béatrice, La médiation pour tous dans l’espace OHADA et en Afrique de l’Ouest.
Théorie, pratique et cadre juridique de la médiation, L’Harmattan, 2018, p.40
13
SECK M. Mamadou, « L’arbre à palabres: une institution traditionnelle communale africaine au service des
travailleurs sociaux », p.1. En ligne : https://aifris.eu/03upload/uplolo/cv4702_2320.pdf consulté le 1 juillet 2022
à 20h58.
4
ne se résume pas seulement à régler un conflit, mais consiste aussi à accorder aux individus
composant le groupe l’occasion de faire part de leur point de vue et de discuter du
fonctionnement de la communauté. De ce point de vue, l’arbre à palabre permet également de
prévenir les conflits comme le fait la médiation.
Le dernier point de concordance est la présence d’un tiers garant du processus. Puisqu’en effet,
les processus de discussion autour de « l’arbre à palabre » sont supervisés par un des notables
du groupe qui, en fonction des coutumes, a soit une fonction politique, soit une fonction
religieuse ou incarne les deux en même temps. Ce qui rappelle la place du médiateur dans la
médiation.
Cependant, ce rapprochement entre la médiation et l’arbre à palabre peut présenter des limites
d’une part, en rapport avec l’idéologie culturelle qui sous-tend chacune des deux pratiques et
d’autre part, en raison de la particularité du processus qu’est la médiation.
En effet, chaque société a développé, à un moment donné de son histoire, des techniques propres
pour régler les différends. Cependant, Jacques Faget affirme que le développement de la
médiation fut observé uniquement dans les démocraties occidentales 14. L’idéologie de la
médiation telle que développée dans ces sociétés trouverait son fondement sur des valeurs de
type individualiste15. En d’autres termes, la médiation s’est premièrement établie dans les
sociétés où les individus ont été considérés comme étant des sujets autonomes, rationnels, et
personnellement responsables de leurs actes16. Par conséquent, ce modèle de médiation
s’imbriquerait difficilement dans les sociétés où l’individu est l’émancipation de sa
communauté, qu’il ne s’identifie pas en dehors de celle-ci. En tant que telle, « ces sociétés à «
identité individuelle » s’opposent à des sociétés plus traditionnelles à « identité collective »,
dans lesquelles l’individu ne se définit pas en tant que sujet libre et indépendant mais avant tout
par son appartenance à une famille, un groupe, une ethnie, une culture qui l’enveloppe »17.
14
J. FAGET, préc., note 5, p. 54.
15
Id. p.58.
16
Id.
17
Id.
5
d’un pouvoir décisionnel dont on pourrait faire le parallèle avec celui du juge ou de l’arbitre,
alors que la médiation se caractérise notamment par l’absence de pouvoir du médiateur18.
La médiation n’est pas pour autant totalement inconnue du continent Africain. Avant son
encadrement juridique par l’AUM, elle a souvent été évoquée dans le domaine du droit
international et de la politique. Après la vague de l’indépendance des années 60, certains États
africains ont connu des décennies de fortes turbulences en raison des crises internes. Ces fortes
turbulences ont occasionné entre autres des crises de légitimité, des instabilités politiques et
sécuritaires entraînant des coups d'États, des guerres civiles ou des guerres internes. Les
organisations régionales africaines ont souvent eu recours à des tentatives de rapprochement
entre les antagonistes dont les dénominations varient (facilitation, bons offices, ou médiation).
La Southern African Development Community (SADC) a par exemple nommé en 1999 un «
médiateur principal » dans le conflit armé impliquant les différentes milices qui occupaient la
République Démocratique du Congo après la chute du régime de Mobutu19.
18
M. GUILLAUME-HOFNUNG, préc., note 11, p. 3.
19
KIBANGULA Trésor, « De Mandela à Kodjo, le bal des facilitateurs en RD Congo », Jeune Afrique, Septembre
2016, article disponible en ligne: https://www.jeuneafrique.com/353770/politique/de-mandela-a-kodjo-bal-
facilitateurs-rd-congo/ consulté le 05/07/2022 à 15h14.
20
METOU Brusil Miranda, « La médiation de l’Union africaine dans la résolution des crises internes de ses États
membres. », Revue québécoise de droit international /Quebec Journal of International Law / Revista quebequense
de derecho internacional, volume 31, numéro 2, 2018, p.41. En ligne : https://www.erudit.org/fr/revues/rqdi/2018-
v31-n2-rqdi05230/1068664ar/
21
Radio France Internationale, « Tensions entre la RDC et le Rwanda : une rencontre prévue entre Félix
TSHISEKEDI et Paul KAGAME », RFI, Juillet 2022. En ligne : https://www.rfi.fr/fr/afrique/20220705-tensions-
entre-la-rdc-et-le-rwanda-une-rencontre le 05/07/2022 à 16h00.
6
Plusieurs raisons peuvent être évoquées pour justifier cet enthousiasme pour la médiation. Le
professeur Walid Ben Hamida identifie deux principales raisons aux succès de la médiation :
Le recul des procédures concurrentes et les vertus de la médiation 22.
Aux États-Unis par exemple, la vague qui a entraîné l’instauration de l’ADR a été motivée par
le besoin de contourner « l’hyper-judiciarisation d’une société dont les procès (frais judiciaires
et honoraires d’avocats) atteignent parfois des coûts exorbitants [...] » 24 notamment dans le
domaine des affaires. Le coût de la procédure judiciaire n’est pas le seul facteur à la promotion
des ADR dont la médiation fait partie. Un rapport de recherche du Centre de Recherches
Critiques sur le Droit - CERCRID affirmait ce qui suit :
22
Le « recul » est employé dans ce contexte, non pas pour désigner un désintérêt du justiciable à l’égard du système
judiciaire, mais plutôt pour identifier la perte d’ascendance de ce mode face à la montée des autres modes
alternatifs. HAMIDA Wallid Ben, « Rapport introductif, L’état de la médiation », dans HAMIDA Wallid Ben et
BOSTANJI Sami (dir.), la médiation dans toutes ses formes, édition A. PEDONE, 2018, p. 3.
23
P. ANCEL, et al., préc., note 4, p. 41.
24
N. DION, préc., note 1, p.45.
7
Cependant, parmi les modes alternatifs de règlement de conflits, la médiation doit également
son succès au recul de l’arbitrage qui, pendant longtemps, a été considéré comme le mode
alternatif26 par excellence. Tout d’abord, la médiation prend le pas sur l’arbitrage en raison de
son caractère multisectoriel, mais également pluridisciplinaire en ce qui concerne le droit. En
effet, l’arbitrage a connu un succès dans les domaines du commerce international et de
l'investissement alors que son recours en dehors de ce champ s'avérait limité. L’arbitrage n’est
pas éligible pour certaines matières telles que le droit pénal, le droit de la famille ou encore le
droit administratif27. Précisons tout de même qu’en matière de droit public, certaines
législations admettent l’usage de l’arbitrage lorsque celui-ci est « international »28.
En ce qui concerne le deuxième facteur, le principal atout de la médiation qui la distingue des
autres modes dits « alternatifs » sont ses vertus. Tout d’abord, la médiation est connue comme
une technique de résolution à caractère « expansionnel »29. Cela s’explique par la capacité
qu’elle a à s’appliquer à des domaines bien plus larges comparativement à l’arbitrage. Ensuite,
la médiation devrait également son succès à ses valeurs qui font d’elle une technique de
25
P. ANCEL, et al., préc., note 4, p. 41.
26
Le terme « alternatif » ne doit pas prêter à confusion. Il est employé dans ce contexte pour décrire la justice
privée que l’arbitrage caractérise contrairement à la justice étatique. Cependant, l’arbitrage n’est pas alternatif à la
justice étatique en ce qui concerne son mode décisionnel puis qu’il est également un mode juridictionnel.
27
W.B. HAMIDA, préc., note 22, p.3. Cette tendance semble de plus en plus s’inverser puisque le recours à
l’arbitrage est de plus en plus encouragé même dans des domaines entre particuliers, et notamment en droit de la
famille sous certaines conditions. LEROYER Anne-Marie, « Arbitrage en droit de la famille », lettre de l’AFA
nº27, mai 2018. En ligne : http://www.afa-arbitrage.com/?wysija-
page=1&controller=email&action=view&email_id=540&wysijap=subscriptions
28
Le terme « international » désigne l’arbitrage qui « met en jeu les intérêts du commerce international ».
JARROSSON Charles, La notion d'arbitrage, Paris, L. G. D. J., 1987, XIII-407 p. 22.
29
W.B. HAMIDA, préc., note 22, p. 4.
8
résolution axée sur une démarche consensuelle et restaurative30, mais également sur un
processus confidentiel. Enfin, le succès de la médiation serait également dû à la grande place
qu’occupe l’autonomie des parties face à la résolution des conflits 31. Cette autonomie offre aux
parties une importance considérable dans la gestion du conflit. La verticalité du jugement laisse
place à l’horizontalité de la relation 32, le caractère coercitif d’une procédure judiciaire laisse
place à la volonté des parties.
Si on se rapportait à la réalité des États africains, il est possible d’identifier les mêmes raisons
à l’origine d’un avènement de la médiation dans l’espace OHADA. D’abord concernant le recul
des modes concurrents, le système judiciaire est sans doute une institution qui génère beaucoup
de critiques. En effet, le système judiciaire des États d’Afrique fait l’objet d’une abondante
littérature dont l’exposé dans le cadre de cette étude serait d’une pertinence mineure.
Indépendamment des nuances entre les auteurs, le discours autour de ce sujet connait un
dénominateur commun : « la justice en Afrique, celle du moins représentée par le service public
« officiel », tel que mis en place par l’État, souffre en permanence de maux et d’insuffisances
incontestés »33. Bien qu’il s’agisse ici d’éviter une généralisation, les principaux maux souvent
pointés du doigt sont « les pratiques judiciaires discriminatoires, la polarisation, la corruption,
le fonctionnement opaque, les lenteurs et le coût de l’accès à la justice [lesquels] marginalisent
de nombreux justiciables »34.
L’arbitrage, qui fera l’objet plus loin d’une analyse particulière dans le contexte du droit
OHADA, connaitrait également un recul face à la médiation. Ce recul peut notamment
s’observer à travers les statistiques des centres de médiation et d’arbitrage au sein des États-
membres35 qui affichent une préférence des justiciables au recours à la médiation.
30
N. DION, préc., note 1, p. 43.
31
W.B. HAMIDA, préc., note 22, p. 4.
32
N. DION, préc., note 1, p. 43.
33
DU BOIS DE GAUDUSSON Jean, « La justice en Afrique : nouveaux défis, nouveaux acteurs. Introduction
thématique », Afrique contemporaine, 2014/2 (n° 250), p. 15. En ligne : https://www.cairn.info/revue-afrique-
contemporaine1-2014-2-page-13.htm
34
SOSSA C. Dorothée, « Le système judiciaire en Afrique francophone », dans La réforme des systèmes de
sécurité et de justice en Afrique francophone, Organisation internationale de la Francophonie, Paris, mars 2010,
p.131. En ligne : https://www.francophonie.org/sites/default/files/2020-01/reformes_systemes_securite.pdf
35
« Selon les informations recueillies sur son site (https://camco.bf/), à la date du 10 mars 2018, le CAMEC-O a
enrôlé au total : - 265 dossiers en médiation pour une somme de 2024 milliards de FCFA en litiges ; - 181 dossiers
en arbitrage pour 246 milliards de FCFA en litige ». DEWEDI Éric, « Le nouvel Acte uniforme OHADA sur la
médiation et la pratique de la médiation dans l’espace OHADA : quels apports en pratique ? », actualités du droit,
Lamyline, 20 MARS 2018 consulté le 7 juillet 2022 à 18h30.
9
Ces raisons mises bout à bout nous permettent d’envisager la finalité de l’AUM. Il n’est pas
abusif d’affirmer que l’AUM répondrait à « l’objectif de remédier aux limites du système
judiciaire dans les pays membres de l’OHADA et pour élargir l’offre de processus de résolution
de conflits d’affaires de manière extra-judiciaire au-delà de l’arbitrage déjà consacré [...] »36.
Cependant, les raisons de l’existence d’un instrument juridique qui encadre la médiation dans
l’espace OHADA ne sauraient se limiter à celles-là. Pour mieux cerner les enjeux qui entourent
cet engouement pour la médiation en droit OHADA, il faudrait se remettre dans le contexte de
l’organisation.
Dès sa création, l’organisation s’est donné le but de créer un espace juridique commun,
harmonisé, simple et adapté au monde des affaires dans les États d’Afrique37. Le besoin de créer
un espace juridique est une réponse face à la crise de confiance des investisseurs étrangers
auprès des systèmes juridiques des États d’Afrique subsahariens 38. En effet, les pays de
l’Afrique sub-saharienne étaient tristement reconnus comme les États disposant des systèmes
juridiques et judiciaires vacillants, variants d’un État à un autre, gangrenés par la corruption et
fortement dépendant des péripéties politiques. Cet état de fait aurait assis une insécurité
juridique qui est à l’origine de la méfiance des investisseurs face au droit en Afrique39.C’est
ainsi que l’OHADA fut créée par certains États d’Afrique afin de pallier la méfiance que
suscitent les systèmes juridiques des pays africains.
L’organisation régionale a pour objectif, et ce afin de rassurer les investisseurs, d’offrir un cadre
juridique et judiciaire sécurisé non tributaire des aléas politiques. Cette ambition se concrétise
par l’adoption de lois communes ou uniformes, mais également la création d’institutions à
même de veiller au bon fonctionnement de l’organisation et à l’application du droit OHADA
36
HOUNTOHOTEGBE Sedjro Alex, KABRÉ W. Dominique, « La Consécration des modes amiables de
résolution des conflits dans l’espace OHADA : apports et limites du nouvel acte uniforme relatif à la médiation »,
2019, Revue de médiation et d’arbitrage, (RAM/JAM), 1-53.
37
Tel qu’il est mentionné dans le préambule du traité créant l’OHADA.
38
DIALLO Abdou, « Réflexion sur l’arbitrage dans l’espace OHADA », mémoire, Droit, Université de Perpignan,
2016. Français, p.2. En ligne : https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01416537/document
39
Id.
10
dans les États membres. La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage est l’une des institutions
garantes du bon fonctionnement et de l’application des normes communautaires.
Cependant, le constat après deux décennies d’existence est clairement mitigé. L’arbitrage
institutionnel que propose la CCJA n’a pas connu le succès escompté. Jean-Louis Lascoux,
Président de l’école professionnelle de la médiation et de la négociation, affirmait : «Depuis
1999, l’arbitrage n’a pas apporté de crédibilité et l’OHADA n’a pas échappé aux habitudes, ce
qui peut expliquer le succès très relatif de cette organisation de promotion du droit qui devait
témoigner de fiabilité quant à sa gestion et à son fonctionnement» 40. La faute à une suspicion
récurrente à l’égard du système mis en place par la CCJA, mais également à cause des difficultés
à exécuter les sentences arbitrales, ce qui « pousse surtout les grandes entreprises étrangères à
choisir comme Cours arbitrales, en cas de litige, Paris, Londres et le C.I.R.D.I (centre permanent
pour le règlement des différends relatifs aux investissements) » 41. Pour preuve, seules 37
affaires en arbitrage ont été portées devant la CCJA pendant la période qui s’étend de l’année
1999 à 201042. Des statistiques bien inférieures comparées aux autres institutions d’arbitrages
telle que le CMAP43 qui a connu 27 dossiers en arbitrage entre la période allant de 2015 à
201644.
40
LASCOUX Jean-Louis, « médiation dans l’espace OHADA », village de la justice, 10 août 2018. En ligne :
https://www.village-justice.com/articles/mediation-dans-espace-oahda,29180.html consulté le 12/07/ 2022.
41
A. DIALLO, préc., note 38, p. 22.
42
LENDONGO Paul, « Statistiques de la CCJA en matière contentieuse, arbitrale et consultative en dix ans de
fonctionnement », Actes du Colloque international d'évaluation de la jurisprudence Thème « Tendances
jurisprudentielles de la CCJA en matière d'interprétation et d'application du Traité OHADA et des Actes uniformes
», Lomé les 24 et 25 septembre 2010, Revue de droit uniforme africain. En ligne :
https://www.ohada.com/documentation/doctrine/ohadata/D-11-16.html
43
Centre de Médiation et d’Arbitrage de Paris.
44
Statistiques disponibles sur le site du CMAP https://www.cmap.fr/le-cmap/les-statistiques-du-cmap/. Nous
avons conscience que les périodes sur lesquelles nous nous basons pour faire la comparaison sont différentes. Cela
est notamment dû à la difficulté d’accès aux statistiques récentes de la CCJA en matière d’arbitrage. Néanmoins,
cette comparaison nous permet d’avoir une certaine projection quant au nombre d’affaires que connaissent les
deux institutions.
11
L’expatriation des conflits soumis à l’arbitrage auprès des institutions extérieures à l’OHADA
atteste de la méfiance des investisseurs à l’égard de l’arbitrage institutionnel OHADA.
L’organisation régionale ne chercherait-elle pas à promouvoir une certaine fiabilité et confiance
en ladite institution par un autre moyen ? C’est dans ce contexte particulier de l’OHADA que
la médiation s’intègre aux dispositifs mis en place par l’organisation pour la résolution de
conflits. Toutefois, l’instrument juridique qui porte la médiation mérite qu’on s’y intéresse de
plus près.
Tout d’abord, l’AUM perpétue une tradition législative dénoncée par une partie de la doctrine
qui consiste à entretenir une confusion autour de la notion de médiation 46.
En effet, lorsque le législateur s’intéresse au processus de médiation, il lui est souvent reproché
de dénaturer le concept de la médiation, soit en l’écartant de son esprit (en la caractérisant
comme « procédure »)47 soit en entretenant un flou conceptuel entre la notion de médiation et
des notions voisines 48.
Par ailleurs, l’AUM se conforme à l’esprit de la médiation puisqu’il consacre la liberté des
parties durant tout le processus49. La liberté étant un des piliers de la médiation laquelle assoie
une autonomie bien plus considérable que dans les autres modes de règlement de différends.
Cette autonomie procure à la médiation une capacité créative laquelle se traduit notamment par
l’appropriation du conflit par les parties. Elles deviennent maitresses de leur destin. La
45
GUILLAUME-HOFNUNG Michelle, « Qu’est-ce que la médiation », interview, Cercle K2. En ligne :
https://www.youtube.com/watch?v=2pVjBGD-n_I
46
Cette critique a notamment été adressée au législateur français lors de la modification de la loi n° 95-125 du 8
février 1995 par l’ordonnance n° 2011-1540 du 16 novembre 2011. LOSAPIO Serge, « Quelques réflexions sur
l’article 21 de la loi n°95-125 du 8 février 1995 définissant la notion de médiation. », village de la justice, 10 mars
2014 disponible à https://www.village-justice.com/articles/Quelques-reflexions-article-fevrier,16404.html
47
Pour exemple : Article 2 de Loi du 17 décembre 2012 portant médiation en matière civile et commerciale au
Burkina Faso.
48
Au sujet de la confusion entre médiation et conciliation : M. GUILLAUME-HOFNUNG, préc., note 11, p. 47
et suivant.
49
S. A. HOUNTOHOTEGBE, W. D. KABRÉ, préc., note 36, p. 44.
12
concrétisation de cette capacité s’observe tant par la manière dont le conflit est appréhendé par
les parties, mais aussi par la création d’une résolution personnalisée. C’est à ce niveau que les
enjeux en rapport avec l’accord issu de la médiation interviennent.
En effet, s’il est admis que les parties à la médiation s’y soumettent volontairement et qu’il est
plus facile pour elles d’appliquer une solution dont ils sont eux-mêmes les auteurs, la réalité
n’est pas aussi simple50. En d’autres termes, la solution issue de la médiation a beau être le fruit
d’une création personnelle des parties traduisant leur volonté et considérée comme la mieux
adaptée à leur conflit, elle n’est pas pour autant, à elle seule, gage de son exécution « certaine
».
Le droit OHADA a voulu renforcer la force des accords issus de la médiation. C’est ainsi que
l’acte uniforme met en place des mécanismes tendant à donner une force exécutoire aux accords
issus de la médiation. En effet, lorsqu’une des parties n'exécute pas un accord issu de la
médiation, l’autre partie peut opter pour une demande en homologation ou l’exequatur de
l’accord auprès du juge compétent, ou pour un dépôt aux rangs des minutes du notaire afin
d’obtenir la mention exécutoire dans l’accord de médiation51.
Cependant, l’acte uniforme suscite des interrogations quant à l’encadrement de la forme que
devrait prendre un accord de médiation. En effet, l’article 12 de l’AUM dispose : « La procédure
de médiation prend fin par : la conclusion d’un accord écrit issu de la médiation signée par les
parties et, si celles‐ci en font la demande, par le médiateur ». L’interrogation que suscite
immédiatement cette mesure est celle de savoir quelle interprétation le législateur donne-t-il à
l’exigence de l’écrit. Devrons-nous considérer que l’écrit n’est requis qu’ad probationem ou
plutôt comme une condition substantielle de l’accord de médiation? Il est important de clarifier
ce point car en fonction de l’interprétation adoptée, les conséquences juridiques liées à l’accord
de médiation diffèrent sensiblement. La première interprétation ne remet pas en question
l’existence de l’accord, mais concourt juste à la preuve de son existence. Alors que la seconde
instaure une obligation fondamentale dont l’omission entache la formation de l’accord. Doit-on
craindre par cette mesure un formalisme de l’acte uniforme dans un domaine où il est de
50
BENSIMON Stephen, D’ANTIN Martine Bourry, PLUYETTE Gérard, Art et techniques de la médiation, 2ème
édition, LexisNexis, p. 367.
51
Article 16 de l’AUM.
13
principe que la liberté des parties prévaut tant sur la construction du processus que sur la
résolution du conflit et de ce fait, même sur la forme que cette dernière devrait prendre?
Par ailleurs, nous pouvons également noter une avancée sensiblement importante du droit
OHADA par l’adoption de l’AUM. Contrairement à ce qu’on aurait pu s’attendre du législateur
OHADA, l’AUM ne vient pas régir seulement la médiation commerciale, mais semble plutôt
s’étendre à d’autres domaines hors le champ d’application du droit OHADA52. En effet, l’AUM
ne restreint pas, du moins de manière explicite, son application à des domaines du droit des
affaires. Si cette extension de l’AUM coïncide avec la souplesse de la médiation dans la mesure
où elle est applicable à plusieurs domaines du droit et pas seulement le domaine du droit des
affaires, elle présente néanmoins des enjeux d’ordre matériel et procédural dans le contexte
OHADA.
Sur le point de vue matériel, l’AUM alimente une confusion quant aux différends soumis à la
médiation. Dans le premier article de l’acte uniforme consacré à la définition des notions, le
texte dispose que la médiation s’applique aux différends « découlant d’un rapport juridique,
contractuel ou autre ou lié à un tel rapport… ». Cette imprécision fait naître une contradiction
au sein de la doctrine. Alors que certains auteurs affirment que l’AUM a vocation à s’appliquer
qu’aux différends nés des rapports juridiques contractuels 53, d’autres considèrent que ce dernier
s’applique à tous les différends qu’ils aient une source contractuelle ou délictuelle 54.
Une autre interrogation que suscite cette imprécision concerne les différends pour lesquels les
législations internes ont déjà prévu une résolution à l’amiable. Il s’agit par exemple de la plupart
des législations africaines en droit social ou en droit de la famille 55. Dans ces cas, comment
devrait s’articuler l’application de l’AUM face à ces régimes spéciaux « dont l’application
52
CUPERLIER Olivier, « l’Acte uniforme du 23 novembre 2017 relatif à la médiation dans l’espace OHADA »,
cahier de l’arbitrage n°2, page 241, 2018, p.1.
53
GOUAMBE Simplice, « La liberté des parties dans le droit de la médiation OHADA », Uniform Law Review,
vol.26, n°2, 2021, p.315. En ligne : https://doi.org/10.1093/ulr/unab017
54
O. CUPERLIER, préc., note 52, p. 2.
55
À titre d’exemple, on peut citer l’article 304 de la loi n°015/2002 portant Code de Travail en République
Démocratique du Congo telle que modifiée à ce jour qui dispose : « les conflits collectifs de travail ne sont
recevables devant les Tribunaux de Travail que s'ils ont été préalablement soumis à la procédure de conciliation
et de médiation, selon le cas, à l'initiative respectivement de l'une des parties devant l'inspecteur du Travail ou du
Ministre ayant le Travail et la Prévoyance Sociale dans ses attributions ou du Gouverneur de province devant la
commission de médiation ».
14
pourrait se trouver écarter dès lors qu’une des dispositions se heurterait à une disposition
contraire de l’acte uniforme »56?
Bien que la médiation ne soit pas un processus emprunt à un raisonnement procédurier, l’AUM
réserve une place à la CCJA comme juge en dernier recours des contestations qui naissent de
l’application de l’accord de médiation. Comme le prévoit l’article 16 alinéa 8 de l’AUM, la
CCJA connaît des pourvois contre les décisions de refus d’homologation des accords de
médiation. Le recours à la CCJA en tant que juge en dernier ressort mais également celui de
l’interprétation du droit OHADA, comme le prévoit l’article 14 du traité de l’OHADA, répond
à « une volonté d’uniformisation de la création normative incidente des États Parties par le haut
»57 afin d’éviter les disparités dans l’interprétation ou dans l’application du droit OHADA. Ce
même raisonnement peut être appliqué pour justifier que le juge communautaire soit le seul
compétent à statuer en cas de contestation de l’accord de médiation 58.
56
S. GOUAMBE, préc., note 53, p. 2.
57
ABDOULLAH Cissé, « L'harmonisation du droit des affaires en Afrique: L'expérience de l'OHADA à l'épreuve
de sa première décennie », Revue internationale de droit économique, 2004/2 (t. XVIII, 2), p. 221. En ligne :
https://www.cairn.info/revue-internationale-de-droit-economique-2004-2-page-197.htm
58
Le recours à la CCJA ne concerne uniquement que les hypothèses énoncées à l’article 16 alinéa 6 et 7 de l’AUM
à savoir : le recours contre un accord violant l’ordre publique et le recours contre la décision portant refus de
l’homologation d’un accord de médiation.
59
Article 14 du traité de l’OHADA.
15
pas spécifiquement la restriction de son champ d’application aux domaines du droit OHADA.
Au contraire, il peut être vu comme une extension du droit OHADA à d’autres domaines 60.
Cette extension permise grâce à la malléabilité de la médiation est susceptible de causer un
risque d’atteinte au droit d’accès à la justice des justiciables. Notons par exemple que le siège
de la CCJA est à Abidjan et que toutes les demandes contentieuses soumises devant la
juridiction communautaire sont présentées au greffe de la cour, dans les conditions prévues à
l’article 28 du règlement de procédure de la CCJA. L’extension du droit OHADA par la
médiation à d’autres domaines qui lui étaient avant étrangers entraînerait une diversification
des demandeurs. Il ne s’agirait plus seulement des parties en contentieux d’affaires, déjà
habituées aux procédures « Ohadienne » bénéficiant d’un certain confort financier, mais aussi
des justiciables autrefois étrangers à cette procédure.
On pourrait croire que cette question est secondaire et ne revêt pas un intérêt majeur, ce qui
serait une erreur selon notre point de vue. En effet, la fiabilité du processus de la médiation
dépend également du sort de l’accord quant à son exécution. Cette question revêt d’autant plus
d’importance lorsqu’on sait que l’accueil des accords de médiation dans les systèmes juridiques
nationaux est l’un des principaux objets de la convention de Singapour. Sans la possibilité
d'exécuter de force l’accord de médiation, ce dernier n’en reste qu’au stade conventionnel et est
soumis à ce titre au régime général des contrats. En d’autres termes, la médiation, par sa nature
contractuelle, offre une solution contractuelle entre les parties. Cette solution qu’on appelle
« accord de médiation » ne possède pas de facto une force exécutoire. Elle a une force
obligatoire pour les parties certes, mais n’a pas d’imperium. Et pour ce faire, lorsqu’une partie
refuse d’exécuter un accord de médiation, l’autre partie ne peut la contraindre à l’exécuter sur
base dudit accord. La partie victime d’une inexécution de l’accord conserve tout de même les
recours en droit commun des contrats. Dans ce cas de figure, la médiation n’aurait aucune
efficacité alors même que ce processus a été mis en place pour soit régler une situation de
conflit, soit pour la prévenir. L’AUM apporte une solution à ce problème en offrant des
mécanismes qui tendent à rendre exécutoire un accord. Cependant, notons que la sphère
d’application du droit OHADA se compose majoritairement d’espaces ruraux 61. En cas de
conflit, les justiciables localisés dans ces espaces ruraux sont également soumis aux mêmes
règles. Ils doivent saisir le juge communautaire pour faire valoir leurs droits. En fonction de
60
KOÏTA Yacouba Sylla, « la médiation ou le blivet du droit OHADA », Penant : Revue De Droit Des Pays
D’Afrique, Année 130, Numéro 910, Pages 28-48, 2020, p. 9.
61
B. BLOHORN-BRENNEUR, préc., note 12, p. 40.
16
En ce qui concerne le médiateur, il est certes tiers au conflit, mais demeure un acteur essentiel
du processus de médiation en raison de son rôle et de sa fonction. Du latin mediator, le
médiateur est celui qui sert d’intermédiaire entre les parties à la médiation 62.
La mission et le rôle du médiateur sont sujets à débat. Alors que certains le voient comme un
intermédiaire chargé de trouver un accord entre les parties à un différend, ce qui lui donne le
pouvoir de proposer des solutions 63, pour d'autres il est un acteur n’ayant aucun pouvoir et dont
la mission ne se limiterait qu’à rapprocher les parties en vue d’instaurer une communication
dans un cadre respectueux des principes de la médiation64. Le médiateur peut être défini comme
« un tiers extérieur et impartial, indépendant des participants à la médiation et des dispositifs
institutionnels tant privés que publics, sans pouvoir de décision ni d’expertise sur le fond c’est-
à-dire neutre »65. Il lui est donc reconnu trois principales qualités à savoir : l’indépendance,
l’impartialité et la neutralité.
À ce titre, l’AUM adjoint au médiateur, lors de sa nomination, l’obligation de déclarer par écrit
son indépendance, son impartialité et sa disponibilité à la médiation 66. À cette déclaration écrite
s’ajoute l’obligation d’aviser les parties de toute situation susceptible de remettre en cause son
indépendance et son impartialité67.
62
CORNU Gérard, Vocabulaire juridique, dir. Association Henry Capitant, 11ème éd., 2016, p. 651.
63
BAUDOIN Anne, « La conciliation et la médiation : deux modes amiables de règlement des différends
commerciaux », Petites affiches 6 août 1993, no 94, p. 31.
64
OPETIT Bruno, Théorie de l'arbitrage, 1998, PUF, p. 35.
65
LESœURS Guy, BEN MRAD Fathi, GUILLAUME-HOFNUNG Michelle, « Le médiateur vu par lui-même :
Résultats d'une enquête qualitative auprès des médiateurs », Humanisme et Entreprise, 2009/4 (n° 294), p. 46. En
ligne : https://www.cairn.info/revue-humanisme-et-entreprise-2009-4-page-45.htm
66
Article 6 de l’AUM.
67
Article 5 de l’AUM.
17
omissions inquiétantes 68 dans l’AUM en rapport avec la qualité du médiateur. Il n’est fait
mention nulle part d’une exigence de neutralité 69 ni d’une quelconque obligation de probité
morale.
Le législateur OHADA n’a pas non plus jugé pertinent de prévoir des conditions liées à la
formation du médiateur. Cette affirmation peut être déduite de l’absence de disposition claire
en la matière et de l’interprétation de l’article 1er de l’AUM 70. À bien des égards, cette omission
est inquiétante, déjà parce que « la pratique de la médiation exige un apprentissage »71, mais
surtout parce que la compétence du médiateur constitue « [une] pièce […] charnière à la qualité
de la médiation »72. Un médiateur n’est pas qui le veut, et une médiation n’en est pas forcément
une parce qu’elle est guidée par un « pseudo » médiateur. Il faut encore que celui-ci soit rompu
à sa pratique et connaisse ses enjeux.
Tel que nous venons de le voir, l’encadrement de la médiation nécessite la prise en compte de
certains prérequis ou exigences. Il ne suffit pas d’offrir un instrument légal à la médiation,
encore faut-il que son encadrement légal tienne compte de ses garanties. En d’autres termes,
« [en] l’absence d’encadrement légal et règlementaire structuré et approfondi, la médiation peut
donner lieu à des abus »73. Un encadrement légal quelque peu inachevé risquerait également
d’amoindrir l’efficacité de la norme. Un petit aparté doit être fait en rapport avec la notion
d’efficacité. Qu’entend-on en droit lorsqu’on aborde la notion d’efficacité ?
68
S. A. HOUNTOHOTEGBE, W. D. KABRÉ, préc., note 36, p. 44.
69
J-L. LASCOUX, préc., note 40.
70
Article 1er AUM : « le terme « médiateur » désigne tout tiers sollicité pour mener une médiation quelle que soit
l’appellation ou la profession de ce tiers dans l’État Partie concerné ».
71
S. BENSIMON, M-B. D’ANTIN, G. PLUYETTE, préc., note 50, p. 11.
72
LASSERRE Valérie, « Les graves lacunes de la réforme de la justice en matière de médiation », Recueil Dalloz,
2019, p. 441.
73
Id.
18
Précisons d’entrée de jeu que l’efficacité abordée dans le cadre de la présente analyse n’est pas
celle qui s’inscrit dans les théories économiques du droit, lesquelles réduisent cette notion à
l’efficacité économique du droit74. Autrement dit, l’approche économique du droit se borne « à
mesurer l’efficacité d’une norme à sa capacité à satisfaire ou à maximiser les préférences
individuelles »75, alors que l’efficacité est ici analysée dans un sens bien plus large qui ne peut
être cantonné qu’à une sphère économique. Il s’agit ici donc plus d’efficacité juridique de la
norme que de l’efficacité économique d’une norme. Mais alors comment définir ce qu’est
l’efficacité ?
Mustapha Mekki, en dressant une comparaison entre la notion d’effectivité et celle d’efficacité,
écrit que « l’effectivité consiste à s’intéresser à l’objet de la règle et à savoir s’il est respecté,
l’efficacité porte sur la finalité de la règle et suppose de vérifier si elle est atteinte» 77.
Bien que nous n’adhérions pas à la définition qu’il donne à l’effectivité, car restreindre cette
notion à l’objet de la règle et à une conception conformiste de la règle nous paraît très réducteur,
74
MEKKI Mustapha, « L’efficacité et le droit Essai d’une théorie générale », 2009, p.
6. En ligne :https://mustaphamekki.openum.ca/files/sites/37/2009/10/RAPORT-efficacit%c3%a9-et-droit-japon-
M.-Mekki.pdf
75
PICAVET E, La Revendication des droits. Une étude de l’équilibre des raisons dans le libéralisme, Classiques
Garnier, Paris, Bibliothèque de la pensée juridique, 2011, p. 79. Cité par CHAMPEIL-DESPLATS Véronique, «
Penser l’efficacité de la norme », Keio Hôgaku, 2014, p.1. En ligne : https://hal.parisnanterre.fr//hal-01648932
76
LASCOUMES Pierre, SERVERIN Évelyne, « Théories et pratiques de l'effectivité du droit » In: Droit et société,
n°2, 1986. p. 118. En ligne : https://doi.org/10.3406/dreso.1986.902
77
M. MEKKI, préc., note 74, p. 2.
19
il faut tout de même reconnaitre qu’en ce qui concerne l’efficacité il n’est pas emprunté de
l’associer avec la finalité de la règle afin d’observer si celle-ci est atteinte ou non.
Yann Leroy, lui aussi comparant l’effectivité à l’efficacité, soutient que cette dernière ne
concerne que les effets désirés alors que l’effectivité englobe d’autres types d’effets 78. Il faut
entendre par « effet désiré » la réalisation d’un effet que cherchait à atteindre l’auteur de la
norme, une finalité précise ou un but précis. A contrario, une norme juridique est inefficace
quand elle n’empêche pas la réalisation des effets non désirés. Cette conception se rapproche
nettement de la seconde approche développée par Pierre Lascoumes et Évelyne Serverin.
Bien qu’il soit aisé de constater que la doctrine s’accorde à analyser la notion d’efficacité à
l’aune de la finalité de la règle de droit, une difficulté demeure tout de même : comment évaluer
la réalisation d’une finalité lorsqu’il est difficile de l’identifier de manière claire et précise ?
En effet, déterminer le but que poursuit une réglementation est une tâche complexe. Déjà parce
que le processus de la création d’une norme est lui-même complexe. Doit-on rechercher « la
volonté du législateur » à travers l’organe dont émane la norme ? Sachant que dans certains cas,
il peut ne pas être à l'initiative de ladite norme. C’est le cas d’une loi qui émane d’un projet de
loi initié par le gouvernement. Bien que la proposition du projet subisse des modifications et
des amendements au cours des débats parlementaires, il est vrai que le gouvernement est, dans
ce cas, l’organe qui pourrait le mieux identifier la finalité à attribuer à ce type de norme.
Une autre difficulté qui se dresse devant nous quant à ce critère de finalité est son caractère
opaque. Même si on arrivait à déterminer l’organe à même d’établir la finalité réelle d’une
norme, c’est-à-dire le but que l’organe cherche à atteindre, encore faut-il que cette finalité ne
fasse pas l’objet de secret et que ledit organe communique sur la réelle finalité ou le réel but
poursuivi par une norme. Précisons tout de même que cette difficulté est réduite lorsqu’il s’agit
d’évaluer l’inefficacité de la norme à travers les effets pervers.
78
LEROY Yann, « La notion d'effectivité du droit », Droit et société, 2011/3 (n° 79), p 717. En ligne :
https://www.cairn.info/revue-droit-et-societe1-2011-3-page-715.htm
20
Il est évident que la réglementation sur le port de la ceinture ne peut pas être considérée comme
efficace lorsqu’il existe une flambée des cas de morts par accidents de la route des conducteurs
ou passagers malgré la conformité à cette règle.
Ce bref énoncé sur l’efficacité de la norme nous permet de définir l’axe autour duquel gravitera
la présente étude. En effet, l’AUM poursuit assurément diverses finalités dont certaines peuvent
être dégagées grâce à la compréhension de son énoncé textuel, alors que d’autres peuvent être
comprises grâce au contexte particulier de l’OHADA.
Globalement, Il est évident que l’un des buts de l’AUM est la promotion de la médiation en tant
que mode de règlement de différends pour ainsi combler un vide juridique autour de ce
processus de plus en plus utilisé. Mais aussi « d’améliorer les conditions d’accès à la justice » 79
en offrant une alternative à la justice étatique 80.
Nous avons également démontré que d’autres objectifs pourraient être dégagés, tel que la
crédibilisation même de l’organisation et de son système juridique et judiciaire afin de rapatrier
les conflits dans son espace et de combler le relatif échec de l’arbitrage.
Cependant, compte tenu des lacunes observées dans le texte qui porte la médiation, est-il
possible d’affirmer que ce dernier sera efficace ?
I. HYPOTHÈSE
Pour définir ce qu’on entend par une hypothèse de recherche, on pourrait emprunter la définition
de Paul Foulquié cité par Jean De Bonville qui la définit comme une « explication des faits
reconnue plausible et que l’on retient provisoirement dans le but principal de la soumettre au
contrôle méthodique de l’expérience »81.
79
B. BLOHORN-BRENNEUR, préc., note 12, p. 40.
80
Le terme « alternatif » est protéiforme en raison des divers sens auxquels il est susceptible de faire allusion.
Ainsi la médiation est alternative entre autres : « à la justice traditionnelle des tribunaux et au formalisme judiciaire
qui teinte leur processus, au caractère coercitif des procédures traditionnelles [… ], par rapport au processus
décisionnel; ce n’est pas un juge qui tranche le litige, […] par rapport au droit, à la norme juridique étatique qui
s’applique de manière exclusive dans les procédures judiciaires, alors qu’il s’agit d’un outil comme un autre dans
les modes alternatifs, enfin par la nature privé par opposition à la justice publique […] » LAFOND Pierre-Claude,
« Introduction » dans régler autrement les différends, LAFOND Pierre-Claude (Dir), 2ème édition, LexisNexis,
2018, p. 11.
81
DE BONVILLE Jean, L'analyse de contenu des médias. De la problématique au traitement statistique, De
Boeck Supérieur, « Culture & Communication », 2006, p.54 et suivant. En ligne : https://www-cairn-
info.gutenberg.univ-lr.fr/l-analyse-de-contenu-des-medias--9782804153014.htm
21
L’AUM constitue en lui-même une avancée significative parce qu’il est la matérialisation
d'alternatives que propose le système juridique OHADA en matière de résolution des différends.
Il est un moyen par lequel l’OHADA crédibilise son souci de promouvoir les modes alternatifs
et de rassurer les justiciables en encadrant un processus de résolution qui gagne de plus en plus
de terrain.
Cependant, il y a des craintes à avoir en rapport avec son efficacité, car si l’AUM est un texte
contenant des points positifs, les limites qu’il comporte touchent des points fondamentaux de
la médiation, ce qui risque d'atténuer sensiblement son apport.
En effet, l'efficacité de l’AUM pourrait être significativement réduite en raison tout d’abord de
l'absence de mention importante en rapport avec la qualité du médiateur. Compte tenu de sa
place et du rôle qu’il joue dans le processus de médiation, la fonction du médiateur doit contenir
les exigences de base, garantissant sa mission et le bon déroulement du processus. Au cas
contraire, le processus perd en crédibilité et suscite la méfiance quant à son utilité et à sa
réussite.
L’AUM a tenté de simplifier au mieux le processus de médiation en conformité avec son esprit.
Néanmoins, reste qu’il renferme également des procédures qui peuvent s'avérer rigides en
rapport avec la médiation et la simplicité à laquelle celle-ci est vouée. Entre autres la
centralisation de la compétence de la CCJA risque de constituer un frein pour les justiciables
incapables de saisir la haute cour.
Bien que l’AUM offre un régime général de la médiation qui n’est pas une méthode
exclusivement réservée au litige du droit des affaires, l’absence d’alternative pour les
justiciables incapables d'accéder à la CCJA peut constituer un motif de désintéressement face à
la médiation.
Certains aspects de l’AUM, tels que ceux qui touchent à l’accord tant par sa forme que par les
mesures encadrant son exécution, ou encore le manque de rigueur en rapport avec le statut du
médiateur, risquent de décrédibiliser la médiation dans l’espace OHADA. Cette
22
A. Approche théorique
L’analyse de l’efficacité d’une norme se concentre essentiellement sur les effets et l’impact que
celle-ci peut avoir sur la réalité sociale. C’est bien la raison pour laquelle certains auteurs tel
que Noberto Bobbio attribue cette approche au courant des réalistes 82.
Adopter une telle approche revient à écarter les considérations d’ordre dogmatique pour se
concentrer sur des considérations dites « pragmatique ». De l’autre côté, parler de la réalité
sociale c’est également se pencher sur les effets sociaux. En ce sens, l’efficacité se rapproche
de l’effectivité puisqu’elles sont toutes les deux des modes d’évaluation de la norme en société.
La grande différence qui peut être dégagée entre les deux notions, c’est que l’efficacité se
rapporte sur les effets sociaux de la norme dans le but de savoir si sa finalité est atteinte, alors
que l’effectivité analyse les effets sociaux découlant de l’utilisation ou non de la norme par ses
destinataires.
La sociologie du droit est sans doute le courant qui se veut plus pragmatique en raison de son
objet qui est l’étude de l’impact réel du droit dans la société, une observation empirique du
droit. C’est un courant qui fut prôné par des éminents penseurs tels que Léon Duguit, Max
Weber ou encore Maurice Hauriou. La sociologie du droit s’est forgée une place dans la sphère
scientifique au point de devenir une « discipline empirique établie » 83. Chacun de ces penseurs
développent une approche dite pragmatique qui fait de la réalité sociale l’élément fondamental
qui permet d’évaluer le droit et même de le repenser. Georges Gurvitch décrit l’approche
sociologique comme « l’étude de la plénitude de la réalité sociale du droit » 84. Le courant
82
V. CHAMPEIL-DESPLATS, préc., note 75, p. 2.
83
ROTTLEUTHNE Hubert, « Le concept sociologique de droit », Revue interdisciplinaire d'études juridiques,
1992/2 Volume 29, p. 67. En ligne : https://www.cairn.info/revue-interdisciplinaire-d-etudes-juridiques-1992-2-
page67.ht
84
G. GURVITCH, « Problèmes de sociologie du droit », in Traité de sociologie, t. II, Puf, 1968, p. 191. cité par
BARRAUD Boris, « Le Pragmatisme Juridique », L'Harmattan,2017,Bibliothèque Droit, Jean-Paul Céré, p. 60.
En ligne : https://hal.archivesouvertes.fr/hal-01585675v2
23
sociologique privilégie le droit qui s’observe de manière empirique plutôt que dans la
dogmatique nourrie par les théories non-vérifiées.
En fonction des concepts mobilisés, la sociologie du droit est appréhendée différemment selon
les auteurs. Nous faisons fi volontairement de ces différentes considérations et des différentes
querelles qui pourraient exister dans le courant sociologique du droit, pour ne se concentrer que
sur le dénominateur commun qu’est l’étude du droit dans les faits. Et sur ce point, le sociologue
du droit est celui qui étudie l’efficacité du droit comme l’affirme Hubert Rottleuthner en
écrivant : « la recherche de l’efficacité peut constituer un sujet spécial de la sociologie du droit.
Un sociologue du droit supposera d’ailleurs également « un minimum d’efficacité sociale »,
d’autant plus quand il/elle s’intéresse plutôt à la manière d’observance ou de maniement des
normes de droit »85.
À cet effet, l’approche sociologique nous permettra de relever les incompatibilités dans l’acte
uniforme qui rende difficile sa mise en pratique en raison du contexte du droit OHADA. Elle
nous permettra également de mettre en lumière les limites de l’AUM dans l’application de
certaines de ses dispositions.
B. Méthodologie de recherches
La méthode d’interprétation juridique est « une méthode qui permet d’attribuer un sens à un
texte et de fixer les contour des notions qui sont indéterminées »86.
85
H. ROTTLEUTHNE, préc., note 83, p.68
86
AZZARIA Georges, « les méthodologies du droit », dans approches et fondement du droit : Épistémologie et
méthodologie juridiques (Tome 1), Dir : Stéphane Bernatchez et Louise Lalonde, édition Yves Blais, 2019, p. 194.
24
Un obstacle demeure cependant quand on se rapporte à cette méthode. Il est question de savoir
si l’interprétation est la reproduction du sens exact d’un texte ou si au contraire c’est l’activité
de dévoiler le sens caché que renferme un texte. En d’autres termes, l’interprète doit-il chercher
à traduire fidèlement la pensée de l’auteur originel ou peut-il ressortir un sens du texte que
l’auteur n’aurait pas envisagé. Ces deux questions traduisent la friction qui existe entre la
conception classique de l’interprétation et une conception plus contemporaine.
En effet, La conception classique est celle qui « défend l’idée d’une interprétation-explication
procédant par analyse rationnelle de la lettre et de l’esprit des lois »87, alors que la conception
contemporaine soutient « l’idée que l’action de l’interprète ne doit pas se limiter à l’explication
du contenu des énoncés juridiques, mais doit également porter sur les présupposés normatifs et
méthodologiques qui prédéterminent ses conclusions »88. Cette dernière conception est qualifiée
de « cercle herméneutique » 89.
La conception classique est la position adoptée par le courant positiviste en droit qui
recommandait à l’interprète de ressortir le sens d’un texte selon l’esprit et le contexte historique
de son auteur 90. Le fait est que le sens d’un texte ne saurait renfermer que l’intention de son
auteur, « le sens d’un texte dépasse son auteur, non pas occasionnellement, mais toujours »91.
C’est ainsi que l’interprète se doit de garder en tête que « c’est bien la situation historique de
l’interprète et le cours de l’histoire qui contribuent à déterminer le sens véritable du texte »92.
En d’autres termes, la mission de l’interprète ne se limite pas à la seule analyse de la règle de
droit, mais s’inscrit dans une analyse plus large du contexte social dans lequel est édictée et
appliquée la norme93.
87
P. BOUCHER, Qu’est-ce qu’est l’interprétation juridique, chemins philosophiques, librairie philosophique
J.VRIN, 2013, p. 11.
88
Id.
89
Id.
90
GIRARD Fabien, « Prendre langue avec l’Étranger. La traduction : un modèle pour l’herméneutique juridique
? », sens public, 2015, p. 23 En ligne https://doi.org/10.7202/1040016ar
91
Id.
92
Id.
93
CUMYN Michelle, SAMSON Mélanie, « La méthodologie juridique en quête d'identité », Revue
interdisciplinaire d'études juridiques », Université Saint-Louis – Bruxelles, p.14. En ligne :
https://www.cairn.info/revue-interdisciplinaire-d-etudes-juridiques-2013-2-page-1.htm
25
Plusieurs techniques d’interprétation peuvent être mises en œuvre par l’interprète. En fonction
de notre problématique de recherche, la technique d’interprétation qui sera mobilisée dans la
présente étude est la méthode théologique. Cette technique consiste à « chercher la finalité et
l’objectif d’une loi »94.
2. La méthodologie documentaire
Si on se fie à la définition qu’en donne le fascicule de recherche de l’université d’Avignon, la
méthodologie documentaire est « l’ensemble des étapes permettant de chercher, identifier et
trouver des documents relatifs à un sujet par l'élaboration d'une stratégie de recherche »95. Cette
méthodologie consiste à regrouper les différents documents nécessaires à la construction et à
l’élaboration d’une recherche scientifique.
Dans le cadre de la récolte de données pour la présente étude, nous ferons appel à diverses
documentations dont les textes officiels, les manuels, les articles, les thèses et tout autre
document jugé pertinent pour la construction de notre recherche.
94
G. AZZARIA, préc., note 86, p.195
95
Document En ligne : https://bu.univ-avignon.fr/wp-content/uploads/2013/08/Methodo_documentaire.pdf
96
« L’OHADA, promoteur africain du Droit Civil français » BEAUME Guillaume et HÉGLY Marie,
« L’OHADA un outil méconnu au service de la puissance française », Portail de l'IE, 5 novembre 2016. En ligne :
https://portail-ie.fr/analysis/1490/lohada-un-outil-meconnu-au-service-de-la-puissance-francaise
26
Cette analyse est d’autant plus importante en raison de la nature privée de la médiation dont
l’encadrement, lorsqu’il est peu rigoureux, fait courir le risque de dérives et d’abus. Le respect
des garanties et un encadrement structuré conditionnent l’efficacité de la norme.
Avant d’aborder à proprement parler le régime de la médiation tel que prévu par l’AUM (IV),
il sera question en premier temps de définir les contours de la médiation en présentant ses
différentes acceptations et les principes auxquels elle est soumise (V).
27
A. Le concept de « médiation »
L’analyse d’un concept tel que la médiation suppose la connaissance de ce qu’elle est
réellement, de comment elle se définit. Et comme nous allons le constater, cette tâche s’avère
complexe du fait de l’existence des différents courants qui s’opposent autour de la définition
de la médiation (1). Toujours est-il que la médiation s’identifie aussi comme un mode de
règlement de conflits distinct d’autres modes (2).
a. Définitions
Bien que définir la médiation paraisse pour certains bien moins complexe que de définir
d’autres pratiques, sans doute parce qu’à un moment donné chacun d’entre nous est déjà entré
en contact avec ce terme, ou l’assimile à une pratique qu’il croit plus ou moins connaître, nous
verrons que la définition de la médiation n’est pas aussi aisée que certains d’entre nous
pourraient le croire.
Le premier réflexe lorsqu’on souhaite définir un terme, quel qu’en soit le domaine, est de se
référer à un dictionnaire pour appréhender au premier abord l’acception générale du mot. En ce
qui concerne la médiation, les définitions se rapprochent sensiblement à quelques différences
près.
Il est par exemple à noter que le dictionnaire Larousse propose quatre définitions 97 : en premier
lieu, la médiation serait une « entremise, intervention destinée à amener un accord » ; mais elle
serait également le « fait de servir d'intermédiaire, en particulier dans la communication » ;
97
Larousse online, mot recherché : médiation, sur le site
https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/m%C3%A9diation/50103#:~:text=1.,m%C3%A9diation%20pour
%20r%C3%A9soudre%20un%20conflit.&text=2.,la%20m%C3%A9diation%20de%20la%20radio.
28
mais aussi une « procédure de règlement des conflits collectifs du travail dans laquelle
intervient un médiateur » ou un « mode de solution pacifique d'un conflit international,
consistant à recourir à des médiateurs ». Le dictionnaire Le Robert quant à lui offre une unique
définition de la médiation comme étant « entremise destinée à mettre d'accord, à concilier ou à
réconcilier des personnes, des partis, des États »98. Bien que ces définitions nous apportent les
premiers éclaircissements sur ce qu’est la médiation, il est possible de s’orienter vers les
dictionnaires juridiques qui ont l’avantage d’apporter plus de précisions.
« Un mode de solution des conflits consistant, pour la personne choisie par les
antagonistes (en raison le plus souvent de son autorité personnelle), à proposer à
ceux-ci un projet de solution, sans se borner à s’efforcer de les rapprocher, à la
différence de la conciliation, mais sans être investi du pouvoir de le leur imposer
comme décision juridictionnelle, à la différence de l’arbitrage et de la juridiction
étatique. »101
Contrairement aux autres définitions, on peut constater que la définition de la médiation dans
le vocabulaire juridique Cornu reprend les principales caractéristiques de la médiation, mais
établit également des traits de démarcation avec la conciliation et les modes juridictionnelles.
Cette distinction que tente d’établir le vocabulaire juridique de Cornu sous-entend une certaine
autonomie du concept de médiation qui n’est pas toujours admise par les législations tant
internes qu’internationales.
98
Le robert online, mot cherché : médiation, sur le lien
https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/m%C3%A9diation/50103#:~:text=1.,m%C3%A9diation%20pour
%20r%C3%A9soudre%20un%20conflit.&text=2.,la%20m%C3%A9diation%20de%20la%20radio.
99
REID Hubert, Dictionnaire de droit québécois et canadien, 4ème édition, W&L, 2010, p. 396.
100
G. CORNU, préc., note 62, p. 651.
101
Id.
29
« La “médiation” est un terme largement utilisé pour désigner une procédure dans
laquelle des parties demandent à un ou plusieurs tiers de les aider dans leurs efforts
pour parvenir à un règlement amiable d’un litige découlant d’un rapport juridique,
contractuel ou autre, ou lié à un tel rapport. Dans les textes et documents pertinents
qu’elle a précédemment adoptés, la CNUDCI a utilisé le terme “conciliation”,
étant entendu que les termes “conciliation” et “médiation” étaient
interchangeables. Dans l’élaboration de la [Convention/Loi type modifiée], la
Commission a décidé d’utiliser plutôt le terme “médiation”, afin de s’adapter à
l’utilisation qui était faite de ces termes dans la pratique et dans l’attente que ce
changement facilite la promotion et renforce la visibilité de la [Convention/Loi type
modifiée]. Ce changement terminologique n’a aucune conséquence d’ordre
matériel ni conceptuel »103.
C’est ainsi que la convention de Singapour définit la médiation comme étant « un processus,
quels qu’en soient la dénomination ou le fondement, par lequel les parties cherchent à parvenir
à un règlement amiable de leur différend avec l’aide d’un ou de plusieurs tiers (« le médiateur
») qui n’ont pas le pouvoir de leur imposer une solution »104.
Bien qu’il s’agisse d’une définition de la médiation dans le cadre du commerce international,
cette posture avait déjà été adoptée par l’Union Européenne dans sa directive n°2008/52 105. Le
102
N. DION, préc., note 1, p. 17.
103
Commission des Nations Unies pour le droit commercial international, Médiation commerciale internationale
: élaboration d’instruments relatifs à l’exécution des accords commerciaux internationaux issus de la médiation,
Groupe de travail II (Règlement des différends) Soixante-huitième session New York, 5-9 février 2018, p. 4.
https://uncitral.un.org/fr/texts/mediation/conventions/international_settlement_agreements
104
Article 2, point 3 de la Convention des Nations Unies sur les accords de règlement internationaux issus de la
médiation.
105
Article 3 de la directive 2008/52/CE du parlement européen et du conseil du 21 mai 2008 sur certains aspects
de la médiation en matière civile et commerciale définit la médiation comme « un processus structuré, quelle que
soit la manière dont il est nommé ou visé, dans lequel deux ou plusieurs parties à un litige tentent par elles-mêmes,
volontairement, de parvenir à un accord sur la résolution de leur litige avec l’aide d’un médiateur. Ce processus
peut être engagé par les parties, suggéré ou ordonné par une juridiction ou prescrit par le droit d’un État membre »
30
droit français adoptera pour la première fois une définition de la médiation en transposant ladite
directive et en reproduisant quelque peu sa définition :
Certes, cela peut être considéré comme une avancée majeure en ce sens qu’il a fallu attendre
longtemps avant que le législateur français se dote d’une définition de la médiation, une autrice
considère toutefois que « la France et l’Europe peinent à capitaliser les définitions fiables qui
permettent de l’identifier [la médiation] et d’en assurer le respect dans ses divers champs »107.
En effet, si l’autonomie conceptuelle de la médiation n’est pas noyée par des formules telles
que « tout processus » ou « quelle que soit la dénomination », elle est au mieux décrite sous sa
forme, la plus répandue en droit, dite « curative »108.
Toujours est-il que la médiation ne remplit pas seulement une fonction curative 109.Au-delà des
situations conflictuelles, la médiation a une véritable fonction sociale en ce sens « [qu’elle] peut
créer des liens jusqu’alors inexistants, ou restaurer des liens distendus sans heurts »110.
De plus, la médiation répond à un ensemble de valeurs qui la distingue des autres modes de
règlement de conflit111. La médiation se fonde sur l’autonomie et la responsabilisation des
acteurs, sur une horizontalité des relations entre eux et sur son objectif de rétablissement de la
communication que les définitions législatives de la médiation occultent quelque peu.
Cependant, c’est au niveau de la doctrine qu’on trouve une définition de la médiation qui
respecte son autonomie conceptuelle, mais prend également en compte tous les aspects et
éléments qui la caractérisent. En effet, la médiation se définit comme :
106
Article 21 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile,
pénale et administrative modifiée par l’Ordonnance n°2011-1540 du 16 novembre 2011.
107
M. GUILLAUME-HOFNUNG, préc., note 11, p. 7. En ligne : https://www-cairn-info.gutenberg.univ-lr.fr/la-
mediation--9782715404946-page-7.htm
108
LAFOND Pierre-Claude, THERIAULT Michelle, « la médiation », in régler autrement les différends,
LAFOND P-C (Dir.), LexisNexis, 2018, p. 105.
109
S. BENSIMON, M-B. D’ANTIN, G. PLUYETTE, préc., note 50, p. 274.
110
M. GUILLAUME-HOFNUNG, préc., note 11, p. 66.
111
P-C. LAFOND, M. THERIAULT préc., note 108, p. 106.
31
Toujours est-que le législateur OHADA prend position sur cette question. L’AUM ne se
détache pas des tendances législatives prônant une définition extensive de la médiation. Au
contraire, on serait même tenté d’affirmer que la définition de l’AUM de la médiation est
fortement inspirée des définitions législatives citées ci-haut tant la ressemblance est flagrante.
La médiation selon l’AUM reste « tout processus », « quelle que soit son appellation »113.
b. Critères de la médiation
La complexité que renferme la définition de la médiation ne devrait pas occulter le fait qu’elle
est une pratique dont les caractéristiques sont bien définies et communes 114. Bien qu’il existe
une absence d’unanimité sur la définition de la médiation, il est possible de mettre en évidence
des caractéristiques communes et essentielles à la médiation.
La présence d’un tiers. La particularité de la médiation, et qui constitue dans certains cas un
critère de distinction avec les autres modes alternatifs de règlement de différends, est la
présence obligatoire d’un tiers-médiateur115. Si pour les autres modes de règlement de
différends la présence d’un tiers est facultative, elle constitue une condition fondamentale 116
sans laquelle il n’est pas possible de caractériser une médiation 117.
La présence du tiers est un élément crucial, mais ne suffit pas à caractériser la médiation 118. Il
faut encore que ce tiers soit réellement « médiateur ». L’appréhension étymologique du terme
« médiation », qui vient de médiatio (entremise)119, clarifie quelque peu ce qu’on peut attendre
du tiers. Intermédiaire qu’il est, « le médiateur se trouve au milieu, entre deux (protagonistes),
112
M. GUILLAUME-HOFNUNG, préc., note 11, p. 68.
113
Article 1er de l’AUM.
114
P-C. LAFOND, M. THERIAULT préc., note 108, p. 105.
115
Pour exemple, ce critère sert d’élément distinctif entre la conciliation et la médiation. Id., p. 105.
116
N. DION, préc., note 1, p. 69.
117
M. GUILLAUME-HOFNUNG, préc., note 11, p. 68.
118
Id.
119
G. CORNU, préc., note 62, p. 651.
32
La confidentialité s’impose d’abord au médiateur qui en est le premier débiteur 127. Cela
implique que le médiateur est tenu de garder secrètes toutes déclarations et constatations faites
par les parties pendant le processus128. En d’autres termes, ces divulgations ne peuvent être
soulevées ni devant le juge saisi, lorsqu’il s’agit d’une médiation judiciaire, ni devant une autre
instance129. Cette confidentialité s’étend également aux pièces qui pourraient être produites
pendant et pour les fins de la médiation 130.
Le médiateur se doit également de rappeler ce principe à tous les acteurs impliqués dans le
processus qu’ils s’agissent des protagonistes, leurs conseils, ou des tiers appelés dans le but de
participer au bon déroulement de la médiation 131.
120
N. DION, préc., note 1, p. 69.
121
La nuance apportée ici vient du fait que la doctrine n’est pas unanime quant à l’exigence d’une neutralité dans
le chef du médiateur. Comme le rapporte Catherine Delforge, certains auteurs hésitent à dissocier neutralité et
impartialité. DELFORGE C, « La loi du 18 juin 2018 et la promotion de la médiation : vers un changement de
paradigme ? », in la médiation autrement, Larcier légal, Les dossiers du journal des tribunaux, 2019, p. 45.
122
M. GUILLAUME-HOFNUNG, préc., note 11, p. 71.
123
S. BENSIMON, M-B. D’ANTIN, G. PLUYETTE, préc., note 50, p. 32.
124
Id., p. 32.
125
P-C. LAFOND, M. THERIAULT préc., note 108, p. 108.
126
A titre d’exemple, on peut citer l’article 131-14 du Code de procédure français qui dispose :
« Les constatations du médiateur et les déclarations qu'il recueille ne peuvent être ni produites ni invoquées dans
la suite de la procédure sans l'accord des parties, ni en tout état de cause dans le cadre d'une autre instance ».
127
CADIET Loïc, CLAY Thomas, Les modes alternatifs de règlement de conflits, Dalloz, 2ème édition, p. 102.
S. BENSIMON, M-B. D’ANTIN, G. PLUYETTE, préc., note 50, p. 334.
129
L. CADIET, T. CLAY, préc., note 127, p. 102.
130
Les précisions sur les conditions pour qu’une pièce soit soumise à une confidentialité de la médiation sont
évoquées par S. BENSIMON, M-B. D’ANTIN, G. PLUYETTE, préc., note 50, p. 35 et 334 à 335.
131
Id., p. 32-33.
33
Bien qu’il soit un principe majeur du processus de médiation, la confidentialité n’est pas pour
autant un principe absolu. Pour qu’elle soit absolue, la confidentialité devrait être un principe
« sans restriction aucune ; sans limites »132, ce qui n’est pas le cas. La confidentialité peut être
restreinte tout d’abord par la volonté commune des parties qui peuvent décider de l’écarter ou
de limiter son étendue133. Elle peut être également limitée par des motifs précis prévus par la
loi134. Dans ce cas, le juge peut les soulever d’office sans avoir à requérir la demande d’une des
parties.
Un processus consensuel. La médiation est un processus auquel tous les acteurs, y compris le
médiateur, adhèrent librement et en toute connaissance de cause135. Ce principe fait écho à un
autre principe tout aussi important qu’est l’autonomie de la volonté, et permet aux acteurs de
conserver une liberté totale avant et pendant tout le processus. Ainsi les acteurs font librement
le choix d’entamer un processus auquel ils ont confiance et préservent la capacité d’en sortir
une fois qu’ils estiment cette confiance perdue. Le consensualisme de la médiation concrétise
la capacité des parties à se responsabiliser 136.
En présence ou non d’un conflit. Contrairement à ce qui pourrait être pensé, la médiation ne
nécessite pas la présence d’une situation conflictuelle 137. Elle est certes un moyen par lequel les
parties peuvent régler un conflit, mais elle ne se résume pas qu’à cela. Sur ce point, la doctrine
a commencé à distinguer la médiation de prévention ou médiation préventive à la médiation
réparatrice ou curative.
La médiation préventive connait une croissance dans des domaines particuliers tels que celui
du travail138 ou celui du droit des affaires 139. Elle est un processus qui n’intervient pas forcément
132
G. CORNU, préc., note 62, p. 5.
133
P-C. LAFOND, M. THERIAULT préc., note 108, p. 109.
134
Il s’agit par exemple de l’article 21 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 qui liste deux principales raisons qui
limitent la confidentialité : En présence de raisons impérieuses d'ordre public ou de motifs liés à la protection de
l'intérêt supérieur de l'enfant ou à l'intégrité physique ou psychologique de la personne ; lorsque la révélation de
l'existence ou la divulgation du contenu de l'accord issu de la médiation est nécessaire pour sa mise en œuvre ou
son exécution. S. BENSIMON, M-B. D’ANTIN, G. PLUYETTE, préc., note 50, p. 336-339.
135
Id., p. 29.
136
M. GUILLAUME-HOFNUNG, préc., note 11, p. 80.
137
P-C. LAFOND, M. THERIAULT préc., note 108, p. 105.
138
La médiation préventive dans le cadre des risques psychosociaux dans le domaine du travail abordée par I.
LACOUR, « La médiation dans la prévention et la gestion des risques psychosociaux », SYME, 2019 sur le site
https://www.syme.eu/articles/47002-la-mediation-dans-la-prevention-et-la-gestion-des-risques-psychosociaux
consulté le 19/02/2023.
139
N. DION, préc., note 1, p. 67.
34
en situation de conflit, mais plutôt dans des situations de dysfonctionnement, pour instaurer un
dialogue, ou rétablir une communication rompue dans le but de prévenir un conflit.
Quant à la médiation curative, elle est fortement répandue dans le domaine du droit 140. C’est
une affirmation qui se confirme lorsqu’on observe la définition de la médiation adoptée par
plusieurs textes. En effet, la médiation curative se définit comme un moyen par lequel les
parties en situation de conflits tentent de trouver une solution 141. Cette perspective curative est
largement reprise par diverses législations142. La médiation curative intervient après la
survenance d’un conflit et « recherche la résolution du différend et, par-delà celui-ci, la
construction d’une relation pérenne »143 entre les protagonistes.
Les critères de la médiation ne permettent pas seulement de l’identifier, mais aussi de rendre
possible sa distinction avec les autres modes de règlement de différends.
a. Médiation et l’arbitrage
Contrairement à ce que pourrait laisser croire les dictionnaires généralistes, qui répertorient
l’arbitrage parmi les synonymes de la médiation l’arbitrage, les deux pratiques ne sont pas
semblables et leurs points de démarcation sont bien plus nets et moins confus 144.
Selon le vocabulaire juridique de Cornu, l’arbitrage est un « mode dit parfois amiable ou
pacifique mais toujours juridictionnel de règlement d’un litige par une autorité (le ou les
arbitres) qui tient son pouvoir de juger, non d’une délégation permanente de l’État ou d’une
institution internationale, mais de la convention des parties lesquels peuvent être des simples
140
P-C. LAFOND, M. THERIAULT préc., note 108, p. 105.
141
P-C. LAFOND, M. THERIAULT préc., note 108, p. 105.
142
Nathalie DION présente une liste non-exhaustive des textes qui aborde la médiation sous son aspect curatif. N.
DION, préc., note 1, p. 99.
143
N. DION, préc., note 1, p. 99.
144
Id., p. 53.
35
particuliers ou des États »145. Cette définition est intéressante à bien des égards, d’abord parce
qu’elle permet de souligner les points communs que partagent la médiation et l’arbitrage, mais
surtout parce qu’elle apporte les points essentiels d’une distinction entre les deux modes.
Tout comme la médiation, l’arbitrage peut être considéré comme un mode conventionnel de
règlement de conflits parce que son recours est soumis à la volonté des parties, qui en font le
choix avant la naissance du conflit (clause compromissoire), ou lorsque ce dernier survient
(compromis d’arbitrage) par le moyen d’une convention d’arbitrage 146.
Tout comme la médiation, l’existence de l’arbitrage est strictement liée à la présence d’un (ou
plusieurs) tiers sans lequel il n’est pas possible de parler d’arbitrage. En d’autres termes, les
parties ne peuvent jamais recourir à l’arbitrage sans qu’il ne soit désigné un arbitre. En effet, il
est inconcevable d’imaginer une procédure arbitrale qui se déroulerait qu’avec les parties sans
la présence d’un ou de plusieurs arbitres, et ce, même de commun accord.
Le rapprochement entre les deux modes s’arrête là, car à partir de ce point il nous est possible
d’établir les différences qu’entretiennent la médiation et l’arbitrage.
S’il est vrai que les deux modes nécessitent la présence d’un tiers, il ne lui est pas accordé les
mêmes pouvoirs dans l’arbitrage que dans la médiation. En effet, l’arbitre contrairement au
médiateur a le pouvoir de trancher le litige en rendant une sentence 147, d’où le caractère
juridictionnel de l’arbitrage qui, comme le juge étatique, rend une décision à laquelle les parties
sont tenues de se soumettre.
Cependant, l’arbitre ne dispose pas de pouvoir coercitif lui permettant d’imposer par la force
une sentence arbitrale, ce qui la distingue du juge étatique 148. On dit alors que l’arbitre dispose
de la juridictio et non l’imperium 149. À cet effet, l’arbitre fonde sa décision sur le droit auquel
les parties ont accepté préalablement de soumettre leur litige, mais peut également se fonder
sur l’équité ou l’usage lorsque les parties lui donnent le pouvoir statuer en « amiable
145
G. CORNU, préc., note 62, p. 78.
146
Id.
147
N. DION, préc., note 1, p. 53.
148
BRAUDO Serge, Dictionnaire juridique, mot recherché : impérium, consulté sur le site
https://www.dictionnaire-juridique.com/definition/imperium.php le 05/02/2023 à 16H11.
149
Id.
36
compositeur »150. Quoi qu’il en soit, l’aspect juridictionnel de l’arbitrage fait ressortir la
verticalité de ce processus qui se distingue clairement de l’horizontalité de la médiation 151. La
sentence que rend l’arbitre a la valeur d’un jugement 152, et s’impose aux parties, là où l’accord
de médiation est une solution négociée entre les parties « dont la valeur juridique est celle d’un
contrat, avec la force obligatoire qui s’attache à cet acte »153.
La différence qui peut également être établie entre la médiation et l’arbitrage est celle du
domaine auquel les deux pratiques peuvent s’appliquer. Alors que les domaines de la médiation
s’étendent à divers secteurs de la vie en société, l’arbitrage a un domaine d’application plus
restreint154.
Cette limite du domaine d’application trouve également son fondement dans certaines
législations 155 qui précisent les différends qui sont « non arbitrables »156.
Cependant, notons que la pratique a fait naître des pratiques de nature hybrides qui laissent
paraître une cohabitation entre la médiation et l’arbitrage : arb-med, med-arb, la pratique de
l’enveloppe scellée157.
La med-arb est une situation dans laquelle la médiation et l’arbitrage sont mis en œuvre soit
successivement, l’arbitrage succédant à une médiation qui aurait échoué (med-arb ordinaire),
soit de manière simultanée158. L’arb-med est la situation dans laquelle la médiation
interviendrait avant la fin d’une procédure devant l’arbitre pour tenter de trouver une solution
amiable159. La pratique la plus inventive est sans doute celle de l’enveloppe scellée qui consiste
150
BEN MRAD Fathie, « Définir la médiation parmi les modes alternatifs de régulation des conflits », Informations
sociales, 2012/2 (n° 170), p. 17. En ligne : https://www.cairn.info/revue-informations-sociales-2012-2-page-
11.htm
151
N. DION, préc., note 1, p. 54-55.
152
C. JARROSSON, préc., note 28, p. 101.
153
N. DION, préc., note 1, p. 54-55.
154
En effet, comme nous l’avons précisé ci-haut, cette analyse doit aujourd’hui être nuancée en raison du fait que
le champ d’application de l’arbitrage tend de plus en plus à s’étendre aux domaines qui lui étaient encore étrangers.
Notamment, avec l’avènement en France de la reforme J21 de la loi du 18 novembre 2016. N. DION, préc., note
1, p. 53.
155
Tel que le Code civil québécois article 2639 qui soustrait du champ d’application de l’arbitrage le différend
portant sur l'état et la capacité des personnes, sur les matières familiales ou sur les autres questions qui intéressent
l'ordre public. Dans le même ordre : article 2060 du Code civil français.
156
HOGUE M-J, ROY V, « l’arbitrage conventionnel » in régler autrement les différends, LAFOND P-C (Dir.),
LexisNexis, 2018, p. 160.
157
S. BENSIMON, M-B. D’ANTIN, G. PLUYETTE, préc., note 50, p. 69-70.
158
L. CADIET, T. CLAY, préc., note 127, p. 75.
159
Id., p. 75.
37
pour l’intermédiaire à prendre une décision conservée dans une enveloppe et qui aura pour but
de s’appliquer en cas d’échec de la médiation 160.
- La médiation et la conciliation :
La médiation et la conciliation sont deux modes qui entretiennent un lien étroit et quelque peu
confus tant dans la doctrine que dans les lois qui les encadrent. Les deux sont par exemple repris
dans le même titre du Code de procédure civile français intitulé « médiation et conciliation »161.
Dans certains textes, la conciliation et la médiation font même l’objet d’un emploi
synonymique, de concept interchangeable sans établir une différence fondamentale 162.
Au sein de la doctrine, ce débat suscite des prises de position divergentes dont on peut se
permettre de les regrouper en deux grandes thèses à savoir : la thèse assimilatrice et la thèse
dissociatrice163. Au détriment de la thèse assimilatrice, des voix se sont levées pour reconnaitre
une différence fondamentale entre la conciliation et la médiation 164. Cette distinction se
caractérise sur différents points à savoir :
La présence du tiers. Tout d’abord, la présence du tiers-médiateur dans une médiation est une
condition fondamentale sans laquelle il ne peut pas s’agir d’une médiation 165, là où en
conciliation sa présence est facultative 166.
160
S. BENSIMON, M-B. D’ANTIN, G. PLUYETTE, préc., note 50, p. 70.
161
Titre VI : La conciliation et la médiation (Articles 127 à 131-15) du Code de procédure civile français.
162
Article 1530 du Code de procédure civile français : « La médiation et la conciliation conventionnelles régies
par le présent titre s'entendent, en application des articles 21 et 21-2 de la loi du 8 février 1995 susmentionnée, de
tout processus structuré, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord, en dehors de toute
procédure judiciaire en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l'aide d'un tiers choisi par elles qui
accomplit sa mission avec impartialité, compétence et diligence ».
163
Y.S. KOÏTA, préc., note 59, p. 5.
164
M. GUILLAUME-HOFNUNG, préc., note 11, p. 75.
165
P-C. LAFOND, M. THERIAULT préc., note 108, p. 105.
166
M. GUILLAUME-HOFNUNG, préc., note 11, p. 75.
38
Lorsque le tiers est présent dans une conciliation, sa qualité est une caractéristique qui peut la
distinguer du médiateur. En effet, lorsque la conciliation fait intervenir les services d’un tiers,
il est tout à fait possible que celui-ci soit un juge puisque la loi lui confie la mission de concilier
les parties167, alors qu’il ne sera jamais possible pour un juge, en cette qualité, de revêtir
également le costume de médiateur 168.
Un des éléments de distinction en rapport avec le tiers concerne son pouvoir et sur ce point, la
doctrine n’est pas unanime quant à son degré d’implication dans le processus de médiation.
Pour certains, le rôle du conciliateur se limite à faciliter les discussions et la communication
alors que le médiateur a, en plus de ce rôle de facilitateur, un rôle beaucoup plus actif en ce sens
qu’il peut intervenir dans les discussions, faire des propositions dans le but de trouver un
accord169.
À cette position s’opposent différents auteurs pour lesquels le rôle du médiateur est perçu
comme étant plus passive que celui du conciliateur170 qui peut, dans certains cas, posséder un
pouvoir d’instruction en vue de se faire une opinion claire du conflit 171. Certains auteurs vont
même jusqu’à faire de l’absence de pouvoir du médiateur un des critères de la médiation 172. En
d’autres termes, le médiateur ne peut pas être doté de pouvoir décisionnel, cette faculté n’étant
réservée aux parties.
`
167
Article 21 du Code de procédure civile français.
168
F. BEN MRAD, préc., note 150, p.14 ; M. GUILLAUME-HOFNUNG, préc., note 11, p. 69. Néanmoins, la
tendance semble s’inverser, du moins en France. En effet, le garde des sceaux, Éric Dupont-Moretti, a annoncé le
5 janvier la mise en place d’un plan d’action qui comprend 60 mesures, dont certaines concernent directement la
médiation. Outre le souhait nourri du garde de sceaux de promouvoir le recours à la médiation, et dans une
dynamique de favoriser le traitement rapide des conflits, il entend instaurer une pratique de règlement à l’amiable,
en s’inspirant notamment de la conférence de règlement à l’amiable québécoise, dans laquelle le juge aura une
place centrale. Cependant, il est trop tôt pour en tirer des conclusions, d’autant plus qu’il n’est pas encore
clairement défini si le but de ces mesures sera celui d’instaurer des juges-médiateurs, ou plutôt de renforcer la
pratique de la conciliation au sein des juridictions civiles, ou s’agira-t-il plutôt d’une nouvelle pratique distincte
de la conciliation et de la médiation? Seul le temps nous le dira. DUPOND-MORETTI Éric, « on veut que la
médiation devienne la règle », interview, France-Inter, 6 janvier 2023. En ligne :
https://www.youtube.com/watch?v=Er5NhjUhjfU
169
H. TOUZARD, La médiation et la résolution des conflits, presses universitaires de France, 1977, p. 154.
170
S. BENSIMON, M-B. D’ANTIN, G. PLUYETTE, préc., note 50, p. 326.
171
Article 129-4 du Code de procédure civil français Modifié par DÉCRET n°2015-282 du 11 mars 2015 donne
au conciliateur la pouvoir, avec l'accord des parties, de se rendre sur les lieux et d’entendre toute personne dont
l'audition lui paraît utile, sous réserve de l'acceptation de celle-ci. Pour M. GUILLAUME-HOFNUNG, cette
disposition, quoi que soumise à la condition de l’accord des parties, établit une verticalité dans les relations entre
les parties et le conciliateur qui n’existe pas en médiation : M. GUILLAUME-HOFNUNG, préc., note 11, p. 75.
172
Id.
39
Notons par ailleurs, que la doctrine qui s’inscrit dans une thèse assimilatrice évoque entre autres
comme argument que le degré d’implication du tiers serait un facteur insuffisant pour
caractériser une distinction entre les deux concepts 173. De plus, l’absence d’une distinction
légale entre la conciliation et la médiation serait une preuve incontestable d’une assimilation
conceptuelle entre la conciliation et la médiation 174.
Il est vrai qu’à ce jour le droit positif est le canal le plus important par lequel est exprimée la
thèse d’une assimilation entre conciliation et médiation. L’Europe consacre cette thèse par
l’adoption de la directive de 2008/52/CE du Parlement Européen et du Conseil du 21 mai 2008
sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale, qui sera par la suite
transposée en droit français par l’Ordonnance n°2011-1540 du 16 novembre 2011 qui définit la
médiation comme « tout processus structuré, quelle qu'en soit la dénomination, par lequel deux
ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs
différends, avec l'aide d'un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par
le juge saisi du litige »175.
La portée des deux notions. Sur ce point précis, les deux notions semblent, selon certains
auteurs en tout cas, ne pas avoir la même portée. La conciliation, contrairement à la médiation,
nécessite l’existence d’une situation conflictuelle 176. En d’autres termes, l’existence de la
conciliation est indissociable de celle du conflit si bien que sans ce dernier la conciliation n’a
pas de lieu d’être. Alors que la médiation ne doit pas son existence à celle du conflit. Les parties
peuvent faire appel à la médiation en période de conflit mais également avant la naissance d’un
quelconque conflit : pour la prévenir en quelque sorte, d’où la notion de médiation
préventive177.
173
LATULIPE Ginette, « La Médiation Judiciaire : Un Nouvel Exercice De Justice », mémoire, Université de
Laval, 2010, p. 6-7.
174
Id.
175
À souligner que l’assimilation de la médiation avec la conciliation découle ici de l’interprétation du choix du
législateur de définir la médiation comme « tout processus quel qu’en soit sa dénomination ». Y.S. KOÏTA, préc.,
note 59, p. 5.
176
M. GUILLAUME-HOFNUNG, préc., note 11, p. 76.
177
Id.
40
dans le fait que la première peut être imposée, mais jamais la seconde 178. Parallèlement, l’idée
d’instaurer une médiation imposée est souvent décriée par la doctrine 179, mais aussi par le corps
professionnel à l’instar du barreau du Québec qui s’est opposé à l’instauration d’un recours
préalable obligatoire à la médiation même dans le domaine des conflits familiaux 180.
- La médiation et la négociation :
Comme il a été vu précédemment, la conciliation et la médiation entretiennent des liens étroits.
La négociation se rapprocherait de la médiation en raison de la similitude de leur objectif qu’est
celui de trouver un accord entre les acteurs d’un différend 181.
Au-delà de cette distinction, des auteurs comme Hubert Touzard voient plus de points communs
entre la médiation et la négociation que des points de divergence 184. Rien qu’à en juger par la
définition qu’il donne à la médiation, on voit clairement une volonté de réunir les deux
notions185.
Cependant, l’effort à fournir lorsqu’on compare ces deux pratiques est celui de savoir si cette
similitude d’objectif assoit un rapport entre la médiation et la négociation ? Si oui, de quelle
nature est-ce rapport ? Peut-on considérer la médiation comme une négociation facilitée par
une tierce personne ? ou au contraire doit-on convenir que la médiation est une pratique
totalement autonome dont la dimension relationnelle et de communication la différencie de la
négociation ?
178
Exemple en matière de conflit individuel de travail en France où il est prévu une tentative de conciliation
préalable avant toute saisine du juge. M. GUILLAUME-HOFNUNG, préc., note 11, p. 76.
179
« Il y a lieu de s’inquiéter de la tendance à rendre la médiation obligatoire ». Id.
180
MASSE Claude, « le point de vue du barreau du Québec » in médiation et modes alternatifs de règlement des
conflits : aspects nationaux et internationaux, dir Jean-Louis Baudouin, Yvon Blas, 1997, p. 354.
181
TOUZARD Hubert, « De la négociation à la médiation. Analyse des processus qui relient ces deux situations
», Négociations, 2006/2 (no 6), p. 21. En ligne : https://www.cairn.info/revue-negociations-2006-2-page-21.htm
182
M. GUILLAUME-HOFNUNG, préc., note 11, p. 69.
183
Id.
184
H. TOUZARD, préc., note 181, p. 21.
185
« Il s’agit d’une négociation entre parties adverses en présence d’une tierce partie neutre dont le rôle est de
faciliter la recherche d’une solution au conflit ». TOUZARD Hubert, La Médiation et la résolution des conflits,
Puf, 1977, p. 87.
41
Le débat autour d’une distinction des deux pratiques aurait vu le jours grâce à des raisons
d’ordre théorique mais également empirique 186.
Sur le plan théorique, la médiation s’impose légitimement dans les domaines (la politique, civil
et civique) dans lesquels son analyse et son objet ont été approfondie, alors que la négociation
trouve une légitimité évidente dans les domaines d’échange économique 187. Le sens actuel de
la négociation renfermerait un aspect économique prépondérant188, exception faite de certains
domaines tel que celui des relations sociales de travail qui, grâce à leur double dimension
économique et civique, accueille la reconnaissance de la médiation et de la négociation 189.
Sur le plan empirique, les distensions entre la négociation et la médiation seraient nourries par
l’action publique favorisant une implantation de la seconde dans tous presque tous les domaines
de la vie publique190. Cette promotion de la médiation se constate au travers l’emploi des termes
en étroit lien avec la médiation, tel que « concertation », lors des dialogues sociaux impulsés
par l’action publique auprès de la société civile, refusant ainsi d’employer celui « action
publique négociée » sans doute pour que « l’État garde sa position dominante et ne se
définis[se] pas comme un partenaire de la négociation »191. Elle s’observe également dans cette
volonté des pouvoirs publics d’admettre la médiation comme moyen de désengorger les
tribunaux192. C’est ainsi qu’il y a de la médiation presque dans tous les domaines (médiation
pénale, médiation familiale, commerciale…).
Il est vrai que la philosophie de la négociation peut être perçue comme celle d’affrontement en
ce sens qu’elle met en jeu un dilemme social né d’une incompatibilité d’intérêts entre les
protagonistes 193. Ce dilemme les conduira à faire un choix entre la possibilité de maximiser leur
186
L’auteur présente les pistes de réflexion sur les raisons de cette disjonction entre les deux pratiques tout en
excluant dans son analyse la sphère d’Amérique du Nord (Canada, USA) parce que selon lui cette idée d’opérer
une distinction entre les deux pratiques est propre à la communauté épistémique de France ou de la Belgique.
MILBURN Philip, « Négociation, médiation : quelles accointances ? », Négociations, 2006/2 (no 6), p. 11-19. En
ligne : https://www.cairn.info/revue-negociations-2006-2-page-11.htm
187
P. MILBURN, préc., note 186, p. 14.
188
G. CORNU, préc., note 62, p. 683.
189
P. MILBURN, préc., note 186, p. 14.
190
Id.
191
Id.
192
Id.
193
J-F. ROBERGE, V. FRASER, « La négociation », in régler autrement les différends, LAFOND P-C (Dir),
LexisNexis, 2ème édition, 2018, p. 63.
42
intérêt individuel sans tenir compte du collectif, ou celle d’obtenir ce même résultat en
s’efforçant cette fois-ci de prendre en compte les intérêts du collectif 194. Alors que la médiation
est guidée par un ensemble de valeurs qui assoit des principes tel que « le respect, l’égalité,
l’équilibre, la collaboration (plutôt que la compétition et la confrontation), l’ouverture et la
bonne foi et la compréhension (plutôt que la dualité) »195.
Cependant, malgré ces divergences et les raisons évoquées, il n’est pas superflu de prétendre
l’existence d’un rapport, du moins chronologique 196,entre la médiation et la négociation en ce
sens que la première interviendrait après l’échec de la seconde pour aider au rétablissement de
la communication grâce à l’intervention d’un tiers impartial 197. Dans le même ordre d’idée,
Stephen Bensimon considère la médiation comme un complément de la négociation, si bien
que même en présence d’un tiers, « la médiation reste de la négociation» 198.
- La médiation et la transaction :
La transaction se définit comme « un contrat par lequel les parties à un litige (déjà porté devant
un tribunal ou seulement né entre elles) en y mettant fin à l’amiable se faisant des concessions
réciproques »199.
194
J-F. ROBERGE, V. FRASER, préc., note 193, p. 63.
195
P-C. LAFOND, M. THERIAULT préc., note 108, p.106.
196
H. TOUZARD, préc., note 181.
197
Id.
198
BENSIMON Stephen, « Passer de la négociation à la médiation », interview, Xerfi Canal, postée le 28 juin 2021
https://www.youtube.com/watch?v=kd9lvvulu5o
199
G. CORNU, préc., note 62 p. 1034.
200
M. GUILLAUME-HOFNUNG, préc., note 11, p. 76.
201
F. BEN MRAD, préc., note 150, p. 17.
202
M. GUILLAUME-HOFNUNG, préc., note 11, p. 76.
43
particulier parce qu’elle est revêtue de l’autorité de la chose jugée 203. Cet enjeu majeur que
referme la transaction est légitimement encadré par un formalisme strict et sans doute
nécessaire204. A contrario, la médiation est un processus informel et souple dans lequel les
parties ont la pleine liberté de mettre en place des modalités conformément à leurs attentes 205.
La médiation est judiciaire lorsqu’elle intervient « à l’ombre du juge »208et bénéficie d’un
régime quelque peu différent de la médiation conventionnelle209, qui intervient ad nutum210
entre les parties et échappe au contrôle du juge211.
203
L’article 2052 du Code civil français dispose par exemple : « La transaction fait obstacle à l'introduction ou à
la poursuite entre les parties d'une action en justice ayant le même objet ». F. BEN MRAD, préc., note 150, p. 17.
204
Article 2044 à 2052 du Code civil français.
205
P-C. LAFOND, M. THERIAULT préc., note 108, p. 110.
206
Définition de « convention » (troisième sens) :
https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/convention/18972#:~:text=Accord%20pass%C3%A9%20entre%2
0des%20personnes,Des%20conventions%20internationales%20sur%20la consulté le 11/02/2023 à 14h40.
207
L. CADIET, T. CLAY, préc., note 127, p. 101.
208
N. DION, préc., note 1, p. 67.
209
L. CADIET, T. CLAY, préc., note 127, p. 100.
210
P-C. LAFOND, M. THERIAULT préc., note 108, p. 117.
211
L’absence de contrôle évoquée dans la médiation conventionnelle se caractérise principalement pendant le
processus de médiation, de son origine jusqu’à sa fin. Cependant, le juge interviendra pour opérer un contrôle de
légalité de l’entente si les parties décident de soumettre leur accord à une procédure d’homologation.
44
La médiation judiciaire tel qu’employée dans ce paragraphe se restreint à celle qui se déroule
devant les juridictions de l’ordre judiciaire. Il ne sera donc pas question de la médiation
organisée devant les juridictions de l’ordre administratif, bien qu’elle possède un régime plus
ou moins identique à celui de la médiation judiciaire 216.
La raison de cette exclusion se fonde principalement sur le fait que l’AUM ne s’applique pas à
la médiation dite « administrative », qui intervient devant les juridictions administratives.
D’autant plus que la médiation en droit OHADA s’applique en matière civile et commerciale217.
L’exposition de cette partie ayant pour objectif de présenter les situations dans lesquelles
intervient la médiation comparativement à celles que l’AUM prévoit et consacre. Il s’agit de la
médiation judiciaire (a) et de la médiation conventionnelle218(b), la pertinence de l’exposition
de la médiation administrative s’en trouve réduite.
a. La médiation judiciaire
Depuis quelques décennies, nombreuses sont les législations qui ont admis le principe d’une
médiation pendant le déroulement d’une instance judiciaire. En France, cette pratique a d’abord
vu le jour au sein des juridictions inférieures avant d’être consacrée par la Cour de cassation 219.
212
P-C. LAFOND, M. THERIAULT préc., note 108, p. 117.
213
Selon Pierre-Claude Lafond et Michelle Thériault : « en matière publique, la médiation judiciaire constitue un
exemple éloquent ». Id.
214
L’instauration du processus de médiation devant les juridictions de l’ordre administratif par la loi « justice du
XXIème siècle » L. CADIET, T. CLAY, préc., note 127, p. 77.
215
La médiation publique est « investie d’une autorité institutionnelle ». M. GUILLAUME-HOFNUNG, préc.,
note 11, p. 32.
216
L. CADIET, T. CLAY, préc., note 127, p. 78.
217
TCHAMGWE Innocent, « La médiation conventionnelle dans l’espace OHADA », Revue du droit des affaires
en Afrique, 2019, p. 5. En ligne :
http://idef.legiteam.net/IMG/pdf/regard_rdaa_dec_19_i_tchamgwe_la_mediation_conventionnelle_dans_l_espac
e_ohada.pdf
218
Article 1er de l’AUM.
219
La pratique de la médiation judiciaire s’est d’abord installée dans les tribunaux d’instances et dans la cour
d’appel avant d’être consacré par la Cour de cassation (Civ. 2 ème, 16 juin 1993, n°91-15.332) sur le fondement de
45
Il faudra attendre les années 90 pour voir un encadrement légal de la médiation judiciaire, avec
la loi du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale
et administrative. Elle est régie à ce jour par le Code de procédure civil aux articles 131-1 à
131-15.
Au Québec, l’idée d’offrir une alternative à la procédure contradictoire paraît pour la première
fois en 1995, lors d’un rapport du groupe de travail de l’association Barreau canadien
comportant des recommandations relatives à un changement de paradigme en lien avec la
résolution des conflits220. La médiation judiciaire va ensuite connaître un appui de la doctrine
et se développer implicitement dans les tribunaux jusqu’à être officiellement consacrée par le
législateur québécois en 2003 221. Elle est encadrée par le Code de procédure civile québécois
aux articles 161 à 165, mais également les articles 381 et 382 du même Code.
En ce qui concerne la médiation judiciaire au Québec, une nuance doit être apportée. En effet,
la doctrine n’est pas unanime quant à l’existence d’une médiation judiciaire au Québec
notamment parce que le législateur ne l’a pas nommée ainsi 222. En effet, le Code de procédure
civile québécois ne prévoit pas explicitement une médiation judiciaire, mais plutôt une
« conférence de règlement à l’amiable »223. Guillaume-Hofnung Michèle fustige le fait que les
Français aient confondu la pratique qui se déroule devant les juges québécois à la médiation 224.
Il est vrai que la différence entre les deux pratiques ne se résume pas seulement à des questions
sémantiques. La pratique québécoise de conférence de règlement à l’amiable se déroule sous la
direction du juge et rentre dans ces prérogatives, alors que la médiation judiciaire implique la
nomination d’un tiers-médiateur, le juge n’étant pas habilité à conduire une médiation 225.
Quoi qu’il en soit, la médiation judiciaire est celle qui se déroule pendant le procès 226. De ce
fait, elle a un régime qui accorde une place significative au juge en cours d’instance. Le juge
peut décider de recourir à la médiation pendant l’instance, ou décider de donner une suite
l’article 21 du Code de procédure qui attribue la compétence au juge de concilier. L. CADIET, T. CLAY, préc.,
note 127, p. 100.
220
COURTEAU Suzanne, « La conférence des règlements à l’amiable », in régler autrement les différends,
LAFOND P-C (Dir), LexisNexis, 2ème édition, 2018, p. 251.
221
P-C. LAFOND, M. THERIAULT préc., note 108, p.117. Pour approfondir, lire COURTEAU S, préc., note,
219, p.251 à 258.
222
M. GUILLAUME-HOFNUNG, préc., note 11, p. 47.
223
Article 161 du Code de procédure civile du Québec.
224
M. GUILLAUME-HOFNUNG, préc., note 11, p. 47.
225
F. BEN MRAD, préc., note 150, p. 14.
226
N. DION, préc., note 1, p. 67.
46
favorable à cette demande lorsqu’elle vient des parties227. Bien qu’il ait la possibilité de recourir
à la médiation pendant le déroulement d’un procès, la médiation reste soumise à l’accord
préalable des parties 228.
Le juge, avec l’accord des parties, nomme un médiateur qui peut être une personne physique
ou morale229. La personne du médiateur doit répondre à un certain nombre de qualités dont
l’indépendance, la compétence et l’expérience, la probité morale et ne pas avoir subi une
condamnation pénale230. La médiation étant un processus confidentiel, le médiateur reste
soumis à une obligation de confidentialité 231. La rémunération du médiateur est fixée par le
juge, mais supportée par les parties232. Précisons tout de même que dans certaines législations
telle que celle du Québec, les parties ne supporte pas les frais de la médiation judiciaire 233.
La médiation judiciaire peut porter sur toute ou partie du litige, mais en aucun cas ne dessaisit
le juge de l’affaire234. Ainsi en cas d’échec, le litige lui est soumis à nouveau afin qu’il tranche.
227
Article 131-1 du Code de procédure civile français accorde la possibilité au juge de nommer une tierce personne
afin d’entendre les parties dans le but de trouver une solution à leur conflit. Cette nomination ne pouvant pas
intervenir sans l’accord des parties, il est tout à fait possible d’émettre l’hypothèse d’une demande expresse des
parties au juge qui y accède ou la rejette.
228
L. CADIET, T. CLAY, préc., note 127, p. 101.
229
Article 131-4 du Code de procédure civile français.
230
L. CADIET, T. CLAY, préc., note 127, p. 102.
231
Id.
232
L. CADIET, T. CLAY, préc., note 127, p. 101.
233
Article 163, alinéa premier du Code de procédure québécois.
234
Article 131-2 du Code de procédure civile français.
235
Article 131-3 du Code de procédure civile français.
236
Article 131-10 du Code de procédure français, alinéa 2.
237
L. CADIET, T. CLAY, préc., note 127, p. 101.
47
Lorsqu’un accord partiel ou total est conclu entre les parties, elles peuvent demander au juge
de l'homologuer238. Cependant, le juge peut refuser d’homologuer un accord lorsqu’il estime
que le droit d’une des parties est méconnu 239.
b. La médiation conventionnelle
La médiation conventionnelle est celle qui se déroule à l’initiative des parties seules et peut
intervenir à tout moment, et ce, même lorsque le litige est déjà porté devant un juge 240. En
France, La médiation conventionnelle est régie par les règles supplétives du Code de procédure
civile aux articles 1532 à 1535 et celles de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à
l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative aux articles 21 à
25.
Cette médiation peut prendre la forme d’une médiation purement conventionnelle, une
médiation institutionnelle, ou une médiation encadrée par la loi 241.
Lorsque la médiation est purement conventionnelle, les parties sont maitres du processus de
médiation sans que celle-ci ne soit soumise à une quelconque formalité ou contrainte 242. Les
parties, de commun accord, fixe toutes les règles, nomment un médiateur et supportent
consensuellement les frais de la médiation.
Si la médiation aboutit à un accord partiel ou total, celui-ci n’aura qu’une force obligatoire que
les parties voudront bien lui accorder 243. Les parties ont toutefois la possibilité de soumettre au
juge une requête en homologation de leur accord en vue de lui accorder une force exécutoire 244.
La médiation est institutionnelle lorsque les parties, de commun d’accord, ont décidé de saisir
une institution qui propose un service de médiation 245. Dans ce cas, les parties peuvent accepter
de se soumettre au règlement de médiation de l’institution en vue de résoudre leur différend 246.
238
Id., p.103.
239
Id.
240
N. DION, préc., note 1, p. 65.
241
L. CADIET, T. CLAY, préc., note 127, p. 72.
242
Id.
243
À moins que celui-ci prenne la forme d’une transaction pour laquelle le Code civil français prévoit des effets
juridiques particuliers. Id., p. 72-73.
244
Article 1534 et 1565 du Code de procédure civile français.
245
N. DION, préc., note 1, p. 65.
246
L. CADIET, T. CLAY, préc., note 127, p. 74.
48
Quant à la médiation encadrée par la loi, le législateur la prévoit pour des situations
particulières dans lesquelles il existerait un déséquilibre entre les parties 247. La sphère
d’application de la médiation encadrée par la loi concerne aussi bien le secteur public que
privé248, au rang desquels on pourrait citer : toutes les médiations publiques bénéficiant d’une
institutionnalisation telle que l’est le défenseur des droits autrefois connu sous le nom de
médiateur de la république249, médiateur de l'Éducation nationale et de l'enseignement
supérieur250 ; médiateur du livre…
L’origine de la médiation n’est pas le seul facteur qui permette d’établir une typologie de
médiation. Il est possible d’en établir aussi en fonction de la matière auxquelles la médiation
s’applique.
Nous nous sommes focalisés sur des matières auxquelles pourrait s’appliquer l’AUM, mais
aussi sur des domaines dont certains présentent des particularités qui contrastent sensiblement
avec les principes que nous avons vus ci-haut. Et même encore là, nous ne prétendons pas
évoquer tous les domaines dans lesquels le recours au terme « médiation » peut être
controversé.
Pour ce faire, nous nous limiterons à l’analyse des régimes de la médiation prévus en droit
français, bien qu’il existe quelques références en droit québécois à titre d’illustration ou pour
apporter des nuances. Nous exposerons consécutivement les particularités du régime de la
médiation en matière familiale (a); les règles spéciales et controversées de la médiation pénale
(b); pour finir par exposer les règles atypiques de la médiation en matière de la consommation
(c).
247
Id., p. 77.
248
N. DION, préc., note 1, p. 65.
249
RENAUDIE O, « La genèse complexe du Défenseur des droits », Revue française d'administration publique,
2011/3 (n° 139), p. 397-408. En ligne: https://www.cairn.info/revue-francaise-d-administration-publique-2011-3-
page-397.htm
250
Article L. 23-10-1 Code de l'éducation français.
49
a. La médiation familiale
La médiation familiale connait un succès plutôt retentissant en occident et s’est développée
d’une manière « spectaculaire » au point de générer une adhésion spontanée tant des pouvoirs
publics que des justiciables 251.
La médiation familiale voit le jour en 1970 aux USA grâce à la pratique des professionnels de
justice et notamment d’un avocat américain nommé Cowlson, avant que l’Etat de Californie
soit le premier en s’en saisir 252. Elle s’est ensuite développée au Québec en faisant son entrée
en droit civil au début des années 80 253. En Europe, elle connait ses premiers pas en Grande-
Bretagne « avec la création du premier service de médiation familiale à Bristol en 1972 par Lisa
Parkinson »254. Quant à la France, elle se servira de l’expérience Québécoise lors d’un colloque
organisé à Versailles fin des années 80 par l’AMPE255, à la suite de laquelle va naître un intérêt
des divers professionnels (avocat, thérapeute…) pour ce nouveau mode de règlement des
différends familiaux256.
251
J. FAGET, préc., note 5, p. 203.
252
JUÈS Isabelle, « Une histoire de la médiation familiale en 6 tableaux », Tiers, 2018/1 (N° 21), p. 85. En ligne
: https://www.cairn.info/revue-tiers-2018-1-page-81.htm
253
P-C. LAFOND, M. THERIAULT préc., note 108, p. 119.
254
I. JUÈS, préc., note 252, p. 85.
255
Association Père Mère Enfant.
256
I. JUÈS, préc., note 252, p. 88-89.
257
S. BENSIMON, M-B. D’ANTIN, G. PLUYETTE, préc., note 50, p. 496.
258
I. JUÈS, préc., note 252, p. 83.
259
S. BENSIMON, M-B. D’ANTIN, G. PLUYETTE, préc., note 50, p. 495.
260
Id., p. 497-498.
50
créant un Conseil consultatif de la médiation familiale (CNCMF) chargé entre autres de trouver
une définition à la médiation familiale261.
Bien qu’elle bénéficie d’un régime quelque peu particulier, la médiation familiale ne déroge
pas aux principes fondamentaux de la médiation à savoir : l’autonomie et la responsabilité des
parties ; l’indépendance et l’impartialité du médiateur, et sa confidentialité.
La particularité de la médiation familiale réside dans le fait que celle-ci traite d’un domaine
délicat dans lequel sont pris en compte les aspects non strictement juridiques 263. C’est ce qui
justifie sans doute l’encadrement plutôt formel des critères du médiateur familial. Dans
certaines législations, il doit faire preuve d’une certaine compétence reconnue par les autorités
compétentes afin d’exercer dans en tant que médiateur familial 264.
La médiation familiale repose sur l’enjeu du « traitement social et judiciaire des difficultés
familiales et du respect des droits de l’enfant »265 lorsque celui-ci existe. En raison de cet enjeu,
la médiation familiale bénéficie d’un régime particulier.
261
I. JUÈS, préc., note 252, p. 98.
262
Id., p. 100.
263
L. CADIET, T. CLAY, préc., note 127, p. 105.
264
Pour la France, le décret du Décret n° 2003-1166 du 2 décembre 2003, complété par des arrêtés du 12 février
2004, du 19 mars 2012 crée un diplôme d’Etat du médiateur familial ; Au Québec, les médiateurs peuvent être par
6 ordres de professionnels au terme d’une formation impliquant des aspects théoriques et pratiques, combinée à
un certain nombre d’années d’expérience. BELLEAU Marie-Claire, « La médiation familiale au Québec/une
approche volontaire, global, interdisciplinaire et accessible », », in régler autrement les différends, LAFOND P-C
(Dir), LexisNexis, 2ème édition, 2018, p. 306.
265
N. DION, préc., note 1, p. 102.
51
D’abord, précisons que la médiation familiale n’est pas forcément judiciaire, elle peut être un
choix spontané des acteurs et donc se dérouler en dehors des tribunaux 266. Ainsi, il est tout à
fait possible que deux protagonistes puissent saisir un médiateur avant toute saisine du juge afin
de régler des questions spécifiques concernant la garde des enfants, l’aspect financier, ou même
rétablir tout simplement la communication.
Cependant, elle peut également être judiciaire et suit principalement le régime de la médiation
judiciaire avec quelques particularités267. Outre les exigences en rapport avec la qualité du
médiateur familiale, la médiation familiale se distingue également par un préalable obligatoire
d’information qu’impose le législateur aux parties. Le juge a la possibilité de proposer aux
parties une médiation qu’ils sont libres d’accepter ou de refuser, mais il peut également les
enjoindre à une information obligatoire de médiation 268 laquelle peut constituer une fin de non-
recevoir269.
Cependant, ce principe semble subir un certain infléchissement en raison des diverses tentatives
tendant à rendre obligatoire le recours à la médiation. À titre d’exemple, on peut citer l’article
7 de la loi du 18 novembre 2016 sur la modernisation de la Justice (tentative de médiation
familiale préalable obligatoire). Néanmoins, on peut se questionner sur le bien-fondé de rendre
266
GASSEAU Cathérine, « La médiation familiale et le droit », Empan, 2008/4 (n° 72), p.63-64. En ligne :
https://www.cairn.info/revue-empan-2008-4-page-61.htm
267
L. CADIET, T. CLAY, préc., note 127, p. 99.
268
« En effet, l’idée nouvelle, l’une des innovations introduites par la loi sur l’autorité parentale (C. civ., art. 372-
2-10 3 e alinéa) et celle sur le divorce (C. civ., art 255-2°) qui n’existe pas pour la médiation civile généraliste, est
la possibilité pour le juge aux affaires familiales d’enjoindre les parties de rencontrer un médiateur familial qui les
informera sur l’objet et le déroulement de la mesure. Cette information est donnée gratuitement aux parties. Cette
information peut donner des résultats intéressants, y compris lorsqu’elle n’aboutit pas sur la mise en œuvre d’une
médiation familiale. - De plus, le décret n°2010-1395 du 12 novembre 2010 relatif à la médiation et à l’activité
judiciaire en matière familiale a prévu, dans les tribunaux de grande instance de Bordeaux et d’Arras désignés à
titre expérimental par arrêté du 16 mai 2013, une pratique de « la double convocation » permettant au juge aux
affaires familiales d’enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur familial avant même l’audience. Cette
expérimentation s’est terminée le 31 décembre 2014. Mais, nombre de tribunaux ont mis en place cette modalité,
qui donne des résultats intéressants ». JUSTON M, « La médiation familiale : une évidence incontournable »,
Tiers, 2018/1 (N° 21), p. 51. En ligne: https://www.cairn.info/revue-tiers-2018-1-page-43.htm
269
Avec la réforme du Code de procédure civile du Québec, le législateur oblige les parties à considérer les
procédures de prévention et de règlement avant toute saisines des tribunaux (Article 1 er alinéa 3). Dans le même
ordre : BELLEAU M-C, préc., note 264, p.308 et s.
270
Id., p. 308.
52
ce processus obligatoire, et de supprimer par la même occasion une faculté importante des
parties dans le processus de médiation à savoir : celle de décider d’adhérer librement au
processus.
b. La médiation pénale
La médiation pénale intègre le Code de procédure pénal français en 1993 avec la loi du 4 janvier
1993. Pour la première fois, le Procureur de la République a la possibilité de « […] décider de
recourir à une médiation s’il lui apparaît qu’une telle mesure est susceptible d’assurer la
réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l’infraction et
de contribuer au reclassement de l’auteur de l’infraction »271. La médiation pénale devint alors
l’intermédiaire entre le classement sans suite et la poursuite pénale 272. Cette mesure est une
avancée majeure pour le droit pénal français qui change dès lors de paradigme en admettant
une solution réparatrice à la commission d’une infraction en lieu et place de la solution
répressive; une justice consensuelle en lieu et place de la justice imposée 273.
Cependant, bien qu’il s’agisse d’une initiative louable du législateur, la médiation pénale fait
l’objet de plusieurs controverses notamment parce qu’elle bouleverse considérablement les
principes fondateurs de la médiation 276. En effet, le choix de donner à cette procédure pénale la
terminologie de « médiation » suscite beaucoup d’interrogations tant la procédure a totalement
été repensée pour ne ressembler à la médiation que de nom 277.
271
Version initiale de l’article 41 du Code de procédure pénal modifiée par la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant
réforme de la procédure pénale.
272
S. BENSIMON, M-B. D’ANTIN, G. PLUYETTE, préc., note 50, p. 262.
273
BÉAL Christophe, « La médiation pénale et la question de la domination », Archives de philosophie du droit,
2019/1 (Tome 61), p. 21. En ligne : https://www.cairn.info/revue-archives-de-philosophie-du-droit-2019-1-page-
21.htm
274
La loi du 4 janvier sera modifiée et complétée par 4 lois : celle du 23 juin1999, du 9 mars 2004, 9 juillet 2010,
15 août 2014 qui rajoutent 5 mesures alternatives : le rappel à la loi; l’orientation vers une structure sanitaire;
régularisation de la situation; réparation de dommage; et l’éloignement du domicile familial. S. BENSIMON, M-
B. D’ANTIN, G. PLUYETTE, préc., note 50, p. 263.
275
MBANZOULOU Paul, Médiation pénale, nouvelle édition, Paris, L'Harmattan, 2012, p.19, version
électronique http://www.harmatheque.com/ebook/9782336004747
276
Michèle Guillaume-Hofnung écrit : « Cette requalification en médiation pénale inflige à la médiation une des
déformations les plus préjudiciables parmi les nombreuses que les textes et les institutions tant privées
que publiques lui ont infligées ». M. GUILLAUME-HOFNUNG, préc., note 11, p. 58.
277
Id.
53
À ces conditions s’ajoute celle de l’opportunité du recours à la médiation qui relève du pouvoir
du procureur de la République lequel devra apprécier si « le recours à la médiation est
susceptible d’assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble
résultant de l’infraction, et/ou de contribuer au reclassement de l’auteur des faits »279. Cette
prérogative du procureur se trouve conforter dans la pratique. En effet, bien que l’énoncé textuel
de l’article 41-1 du Code de procédure laisse croire que les parties peuvent être à l’initiative
d’une médiation pénale, la pratique veut que celle-ci soit une prérogative exclusive du
procureur280.
Une fois toutes les conditions réunies, le procureur attribue l’affaire à un « médiateur du
procureur de la République »281. Ce dernier peut être une personne physique ou une association
soumise à des conditions strictes en vue d’une habilitation par le procureur de la République 282.
Précisons par ailleurs que le médiateur est soumis à une obligation de secret dans sa mission
qu’il ne peut cependant pas opposer au procureur, ce qui soulève des inquiétudes sur le principe
278
MBANZOULOU P, préc., note 275, p. 19.
279
Id., p. 22.
280
S. BENSIMON, M-B. D’ANTIN, G. PLUYETTE, préc., note 50, p. 264.
281
La dénomination accordée au médiateur pénal, devenu médiateur du procureur, est un fait que regrette la
doctrine parce qu’elle caractérise un lien de subordination incompatible avec son indépendance. S. BENSIMON,
M-B. D’ANTIN, G. PLUYETTE, préc., note 50, p. 264.
282
MBANZOULOU P, préc., note 275, p.36 et s.
283
S. BENSIMON, M-B. D’ANTIN, G. PLUYETTE, préc., note 50, p. 268.
284
Id.
54
de confidentialité. D’autant plus que l’obtention d’un accord après une médiation pénale
n’éteint pas l’action publique285.
Précisons tout d’abord que la médiation en matière de la consommation n’est pas une pratique
nouvelle. Il existait déjà des pratiques individuelles de médiation mises en place par les
professionnels ou les pouvoirs publics à travers des recours à des organismes publics ou privés
de médiation289. Cependant, ces expériences ont été incapables d’offrir au consommateur une
réelle alternative à la justice étatique en raison notamment du manque de vulgarisation et de
confiance en ces pratiques 290.
285
OLLARD Romain, « [Jurisprudence] La médiation pénale, entre droit pénal et droit civil », La lettre juridique,
n°527, mai 2013. En ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/8209381-jurisprudence-la-mediation-penale-
entre-droit-penal-et-droit-civil
286
C-25.01, r. 1 - Règlement établissant un projet pilote de médiation obligatoire pour le recouvrement des petites
créances découlant d’un contrat de consommation qui a pris fin le 15 mai 2018.
287
FAUTEUX Paul, « Règlement en ligne des litiges : Le Québec sur une voie prometteuse », le journal d'arbitrage
et de médiation canadien, VOL. 28, NO. 1, p. 1.
288
GJIDARA-DECAIX Sophie, « La médiation de la consommation. Le point de vue d’une universitaire »,
Archives de philosophie du droit, 2019/1 (Tome 61), p. 214.
289
MALLET-BRICOUT Blandine, « Médiation et droit de la consommation : une avancée vers la généralisation
du règlement extrajudiciaire des litiges », RTD Civ. 2015, p. 952.
290
S. GJIDARA-DECAIX, préc., note 288, p. 214.
291
ELNOUCHI Marc, « La médiation de la consommation », Archives de philosophie du droit, 2019/1 (Tome 61),
p. 203.
55
efficaces, rapides et peu onéreux de résoudre les litiges nationaux et transfrontaliers 292, le droit
de la médiation de la consommation vise à renforcer la confiance des consommateurs et à
développer le marché intérieur au sein de l’Union Européenne (UE) 293.
Retenons d’entrée de jeu que la médiation de la consommation se veut être une médiation
conventionnelle au sens de l'article 21 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à
l'organisation des juridictions et de la procédure civile, pénale et administrative ou un autre
processus de médiation conventionnelle 294. Cependant, elle est encadrée par des règles
particulières qui tiennent lieu au processus dans son ensemble mais également à ses acteurs 295.
Tout d’abord, la médiation de la consommation a un domaine d’application bien défini par les
articles L. 611-1 à L. 611-4 du Code de la consommation 296. A cet effet, trois conditions sont
requises pour qu’un litige tombe dans le champ d’application de la médiation de la
consommation : il faut qu’il résulte d’un contrat de vente ou de fourniture de service ; conclu
entre un consommateur et un professionnel ; et qu’il porte sur l’exécution de ce contrat 297.
L’article L. 611-3 du Code de la consommation liste les cas dans lesquels la médiation de la
consommation ne peut s’appliquer 298.
La médiation de la consommation telle que consacrée par le droit français et le droit de l’UE
est une mesure rassurante pour le consommateur, comme l’ont été les règles harmonisées qui
la précèdent, afin de renforcer sa confiance dans le marché intérieur 299. Cela peut s’expliquer
par toutes les mesures mises en place au bénéfice du consommateur.
292
Point 4 du préambule de la directive 2013/11/UE.
293
M. ELNOUCHI, préc., note 291, p. 202.
294
Article L611-1, 5° du Code de la consommation français.
295
BERNHEIM-DESVAUX Sabine, « Résolution extrajudiciaire des litiges de consommation », LexisNexis,
Fasc. 1230, JurisClasseur Concurrence–Consommation, 2 Septembre 2021, 35. En ligne
https://www.lexis360intelligence.fr/encyclopedies/JurisClasseur_Concurrence_-_Consommation/CX6-
TOCID/document/EN_KEJC-
212919_0KRP?q=la%20m%C3%A9diation%20en%20droit%20de%20la%20consommation%20&doc_type=do
ctrine_fascicule#D5E3228
296
Id., p. 40.
297
Id.
298
« La médiation des litiges de la consommation ne s'applique pas :1° Aux litiges entre professionnels ; 2° Aux
réclamations portées par le consommateur auprès du service clientèle du professionnel ; 3° Aux négociations
directes entre le consommateur et le professionnel ; 4° Aux tentatives de conciliation ou de médiation ordonnées
par un tribunal saisi du litige de consommation ; 5° Aux procédures introduites par un professionnel contre un
consommateur ». À cette liste, il faut rajouter les situations exclues du champ de la médiation exclu par l’article
L. 611-4 du même Code.
299
THOMAS Vincent, « La médiation de la consommation dans le monde francophone. Qualités et fragilités de
la médiation de la consommation », Lettre des Médiations N°6, édition électronique, novembre 2018, p.3
56
Par ailleurs, le statut du médiateur de la consommation est strictement encadré. Outre les
qualités d’indépendance et d’impartialité, le médiateur est soumis à une véritable exigence de
compétence. Il doit non seulement apporter la preuve d’une expérience et des compétences dans
le domaine de la médiation, mais doit également posséder des aptitudes juridiques en raison de
la technicité de la matière. L’UE confie la mission aux États de mettre en place une ou des
institutions dont la mission est entre autres celle d’évaluer les aptitudes et compétences des
candidats au statut de médiateur de la consommation. Pour la France, c’est la commission
d’évaluation et de contrôle de médiation de la consommation (CECMC) instituée par l’article
L.615-1 du Code de la consommation304.
300
M. ELNOUCHI, préc., note 291, p. 205.
301
S. BERNHEIM-DESVAUX, préc., note 295., 39.
302
Cette obligation prend la forme de toutes informations permettant au consommateur d’entrer en contact avec le
médiateur. Elle doit lui être notifiée avant la signature du contrat (information précontractuelle), au moment de la
signature du contrat, et après l’échec d’une tentative de réclamation du consommateur auprès du professionnel. S.
GJIDARA-DECAIX, préc., note 288, p. 223.
303
M. ELNOUCHI, préc., note 291, p. 205.
304
Id., p.210 et s.
57
La CECMC est le principal garant de la qualité du processus de médiation. A ce titre, elle évalue
minutieusement les candidatures des aspirants au statut de médiateur de la consommation ; elle
dresse une liste de référencement des médiateurs de la consommation qu’elle notifie à la
Commission Européenne ; et elle s’assure d’un contrôle régulier des médiateurs référencés 305.
Comme nous venons de le voir, la médiation est un concept aux multiples facettes. Elle a fait
l’objet de diverses réglementations dans certaines législations, notamment en France. Le
législateur OHADA emboîte également le pas en adoptant un acte uniforme qui réglemente la
médiation dans tous les 17 État membres de l’organisation. Suivant les descriptions faites dans
la présente partie, il sera possible d’analyser la construction du cadre juridique de la médiation
dans l’AUM.
305
M. ELNOUCHI, préc., note 291, p. 205.
306
S. GJIDARA-DECAIX, préc., note 288, p. 214.
307
Pour GUILLAUME-HOFNUNG Michèle, il aurait été plus judicieux de la nommer conciliation et non
médiation. M. GUILLAUME-HOFNUNG, préc., note 11, p. 39.
58
L’AUM offre à la médiation un cadre légal de la médiation uniformisé dans tous les 17 États
membres de l’OHADA (A). Bien qu’il constitue une avancée significative en ce qui concerne
les modes alternatifs de règlement de différends, il est possible de mettre en lumière certaines
limites de l’AUM qui pourraient à terme atténuer son efficacité (B).
a. Définition
L’AUM défini la médiation comme :
« …tout processus, quelle que soit son appellation, dans lequel les parties
demandent à un tiers de les aider à parvenir à un règlement amiable d’un litige,
d’un rapport conflictuel ou d’un désaccord (ci‐après le « différend ») découlant
d’un rapport juridique, contractuel ou autre ou lié à un tel rapport, impliquant des
personnes physiques ou morales, y compris des entités publiques ou des États »308.
De prime abord, il est possible de constater que l’AUM choisit d’adopter une définition
extensive de la médiation. Une définition qui présente des fortes avec celles adoptées par le
législateur européen ou encore la convention de Singapour309. Ainsi, avec la formule « quelle
que soit son appellation », le législateur entend assimiler la médiation à des pratiques qui
seraient proches d’elle telle que la conciliation 310. Une décision jugée judicieuse par une partie
de la doctrine, notamment en raison du fait que les différences entre la médiation et la
conciliation ne seraient que d’ordre théorique311. L’adoption d’une définition extensible a
308
Article 1er de l’AUM.
309
O. CUPERLIER, préc., note 52, p. 2.
310
Y.S. KOÏTA, préc., note 59, p. 6.
311
O. CUPERLIER, préc., note 52, p. 2.
59
permis à la doctrine de conclure que l’AUM était également une consécration légale de la
palabre africaine312.
L’article 1er de l’AUM définit également le médiateur comme étant « …tout tiers sollicité pour
mener une médiation quelle que soit l’appellation ou la profession de ce tiers dans l’État Partie
concerné ». Par ailleurs, on peut regretter l’imprécision contenue à l’article 12 de l’AUM en
rapport avec la présence du médiateur pendant le processus de médiation.
En effet, en ce qui concerne l’une des dispositions régissant les hypothèses de la fin de la
médiation, l’AUM dispose : « la déclaration écrite d’une partie adressée à l’autre partie ou aux
autres parties et, si un médiateur a été nommé, au médiateur, indiquant qu’il est mis fin à la
procédure de médiation, à la date de la déclaration ». L’imprécision se caractérise ici par la
présence de la proposition « si un médiateur a été nommé », qui sous-entend que la présence du
médiateur n’est que facultative. Il est difficilement concevable que la fin d’une médiation puisse
312
B. BLOHORN-BRENNEUR, préc., note 12, p. 40.
313
O. CUPERLIER, préc., note 52, p.1.
314
M. GUILLAUME-HOFNUNG, préc., note 45.
315
Cette thèse n’est pas à exclure puisqu’il est aisé de constater que l’AUM utilise les deux termes comme
synonyme tel qu’en témoigne l’emploi dans certains articles du terme « processus » (article 1er, 8,11 de l’AUM) ,
et d’en d’autres celui de « procédure » pour identifier la médiation.
60
être décidée sans que le médiateur en soit informé, et ce, parce qu’il n’est pas nommé et donc
ne fait pas partie du processus.
b. Champ d’application
L’AUM s’applique à la médiation conventionnelle en matière civile et commerciale 317. Ainsi,
conformément à son article 2, l’AUM semblerait exclure de son champ d’application la
médiation judiciaire « directe »318. Comme nous l’avons écrit ci-haut, la médiation, même
lorsqu’elle est judiciaire, reste consensuelle dans la mesure où les parties conservent leur
autonomie et leur liberté319. D’ailleurs, l’alinéa 2 de l’article 1er de l’AUM soumet formellement
à son application la médiation mise en œuvre sur demande ou invitation d’une juridiction
étatique ou arbitrale320. Cette confusion issue de l’interprétation de l’article 2 de l’AUM est
consécutive à l’assimilation de la médiation et à la conciliation. En effet, il est prévu dans le
droit de certains pays de l’OHADA, la possibilité pour le juge de concilier les parties 321.
L’AUM exclut donc de son application l’hypothèse d’une conciliation menée par le juge ou par
l’arbitre « directement » avec les parties322.
316
NGOUMTSA ANOU Gérard, « ORGANISATION POUR L'HARMONISATION DU DROIT DES
AFFAIRES EN AFRIQUE (OHADA). Modes alternatifs de règlement des différends », JurisClasseur Droit
international, Fasc. 170-70, Décembre 2022, p.19 (108). En ligne :
https://www.lexis360intelligence.fr/encyclopedies/JurisClasseur_Droit_international/DI0-
TOCID/document/EN_KEJC223540_0KRW?doc_type=doctrine_fascicule&source=autocompletion#etl_title_1
38
317
TCHAMGWE I, préc., note 217, p. 5.
318
Y.S. KOÏTA, préc., note 59, p.10.
319
S. A. HOUNTOHOTEGBE, W. D. KABRÉ, préc., note 36, p. 16.
320
Article 1er , alinéa 2 de l’AUM : « La médiation peut être mise en œuvre par les parties (médiation
conventionnelle), sur demande ou invitation d’une juridiction étatique (médiation judiciaire), d’un tribunal arbitral
ou d’une entité publique compétente ».
321
Il en est ainsi de l’arrêté du 16 décembre 1954 portant Code de procédure civile et commerciale du Cameroun,
à l’article 3; la même disposition est reprise à l’identique à l’article 30 du décret n° 64-572 du 30 Juillet 1964
portant Code de Procédure civile du Sénégal.
322
Article 2 de l’AUM : « Le présent Acte uniforme s’applique à la médiation. Toutefois, il ne s’applique pas aux
cas dans lesquels un juge ou un arbitre, pendant une instance judiciaire ou arbitrale, tente de faciliter un règlement
amiable directement avec les parties ».
61
Toutefois, si l’AUM détermine le champ auquel il s’applique, il fixe également les principes
qui gouvernent le déroulement de la médiation.
2. Déroulement de la médiation
Bien que la médiation soit un processus consensuel, les parties ne sont pas toujours à l’incitative
de celle-ci. Ainsi, l’AUM énumère les hypothèses dans lesquelles la médiation peut être mise
en œuvre (a), mais également celles dans lesquelles elle peut prendre fin (b). Dans l’hypothèse
d’un accord entre les parties à l’issue de la médiation, l’AUM prévoit des mécanismes qui
facilitent son exécutions (c).
323
Y.S. KOÏTA, préc., note 59, p. 7.
324
O. CUPERLIER, préc., note 52, p. 2.
325
S. GOUAMBE, préc., note 53, p. 315.
62
- Le processus :
Le déclenchement du processus par les parties. Le processus de médiation de l’AUM est
guidé par les principes d’autonomie et de liberté des parties 326. Ce principe est présent tout au
long du processus, de son déclenchement jusqu’à son dénouement, en passant par la nomination
du médiateur327.
Ainsi, les parties choisissent d’un commun accord de recourir au processus de médiation pour
régler un différend déjà survenu ou lorsque celui-ci surviendra. Les parties peuvent avoir prévu
par avance de recourir à la médiation au travers une clause de médiation ou d’une convention
de médiation laquelle peut être écrite ou verbale 328. À défaut d’une convention de médiation,
une des parties peut toujours inviter l’autre à recourir à la médiation, laquelle a 15 jours pour
donner sa réponse. L’absence de réponse dans le délai imparti vaut refus 329.
Les parties peuvent choisir de définir eux-mêmes, avec le médiateur, les règles qui
gouverneront le processus de médiation (médiation ad hoc), ou peuvent recourir à un règlement
de médiation prévu par une institution de médiation (médiation institutionnelle) 330.
L’AUM ne renferme pas le déroulement de la médiation dans un délai précis. Les parties ont
donc la liberté de décider, ensemble avec le médiateur, de décider des modalités en rapport avec
la durée du processus de médiation.
326
Id., p. 305.
327
S. A. HOUNTOHOTEGBE, W. D. KABRÉ, préc., note 36, p. 16.
328
Article 4 de l’AUM : « La procédure de médiation débute le jour où la partie la plus diligente met en œuvre
toute convention de médiation écrite ou non ».
329
Article 4 de l’AUM.
330
Article 1, alinéa 3 de l’AUM.
331
Article 4, alinéa 3 de l’AUM.
332
Id.
63
- Le médiateur :
La liberté des parties se manifeste également au moment de la désignation du médiateur. Les
parties peuvent désigner conjointement une ou plusieurs personnes de leur choix afin de les
aider à parvenir à un règlement à l’amiable.
Les parties ont également la possibilité de faire appel à une autorité de désignation pour les
aider à nommer un médiateur 333. À cet effet, elles choisissent un ou plusieurs médiateurs parmi
ceux proposés par l’institution de médiation. L’institution de médiation peut, avec l’accord des
parties, nommer un ou plusieurs médiateurs. Dans tous les cas, l’autorité à laquelle se réfèrent
les parties s’assure que la personne nommée ou recommandée possède la compétence et les
qualités d’indépendance, d’impartialité et de disponibilité 334.
Dans le cadre d’une médiation judiciaire, le juge est habilité à désigner le médiateur. C’est la
déduction qui est faite de l’article 13 alinéa 2 qui dispose : « En cas de médiation judiciaire, la
juridiction étatique saisie, qui désigne un médiateur, fixe les frais en accord avec les parties
et ordonne la consignation des provisions entre les mains du greffier en chef de la juridiction
ou de l’organe compétent de l’Etat Partie ».
Le même article soumet le médiateur à l’obligation de révélation aux parties de toutes les
circonstances qui seraient de nature à mettre en doute son impartialité ou son indépendance,
mais également du droit qui est le leur de s’opposer à la poursuite de sa mission. Sur ce point,
la doctrine regrette le choix du législateur de faire peser, dans cette circonstance, la charge de
la fin de la mission du médiateur sur l’une des parties335. Ainsi, il aurait été préférable que le
médiateur se retire automatiquement du processus, et laisse aux parties le soin de le réintégrer
dans ses fonctions336.
333
Article 5, alinéa 2 de l’AUM.
334
Article 5, alinéa 5 de l’AUM.
335
S. A. HOUNTOHOTEGBE, W. D. KABRÉ, préc., note 36, p. 38.
336
Id.
64
Dans le cadre de sa mission, le médiateur est rémunéré par les parties qui décident librement de
montant à allouer à la médiation et au médiateur, ou se réfèrent à un règlement prévu à cet
effet338. Lorsque la médiation est judiciaire, le juge fixe le montant de la rémunération du
médiateur en accord avec les parties339.
b. Fin de la médiation
La liberté des parties consacrée par l’AUM s’observe également au moment de mettre fin à la
médiation. L’article 12 de l’AUM prévoit des hypothèses dans lesquelles la médiation peut
prendre fin à l’initiative de toutes les parties, d’une des parties ou du médiateur.
À l’initiative de toutes les parties. Les parties ont la possibilité conjointement de mettre fin à
la médiation dans différentes hypothèses. Les parties peuvent décider, en raison d’une absence
d’entente, de mettre fin à la médiation. Ainsi, les parties peuvent adresser une déclaration écrite
au médiateur indiquant qu’elles souhaitent mettre fin à la médiation après l’expiration du délai
prévu ou à la date de ladite déclaration 340. Dans ce cas, si la médiation était intervenue pendant
une instance judiciaire ou arbitrale, laquelle avait été suspendue en attendant l’issu de la
médiation, celle-ci reprend341.
Les parties peuvent également décider de mettre fin à la médiation après être arrivées à une
entente partielle ou totale. Cette entente est constatée par un accord écrit signé par les parties et
le médiateur si elles en font la demande 342.
337
Article 7 de l’AUM.
338
Article 13 de l’AUM.
339
Id.
340
Article 12 de l’AUM.
341
L’AUM ne prévoit pas cela formellement, mais il peut en être déduit de l’article 4 alinéa 3.
342
Article 12 de l’AUM.
65
Toutefois, dans le cas où les parties se présenteront sans assistance, il n’est pas formellement
exclu par l’AUM que le médiateur puisse les aider à rédiger l’entente. Dans tous les cas, le
médiateur aura la charge de vérifier que la volonté des parties soit réellement exprimée dans
une entente et ne contrevienne pas à l’ordre public 343.
À l’initiative d’une des parties. Une des parties peut mettre fin unilatéralement à la médiation.
En effet, les parties étant libre dans le processus de médiation, aucune d’entre elles ne peut être
contrainte à rester dans un processus dans lequel elle n’a plus confiance. Ainsi, la partie qui
décide de mettre fin à la médiation peut envoyer une déclaration écrite à tous les acteurs, y
compris le médiateur, leur informant de la fin du processus à la date de la déclaration 344.
343
Article 9 de l’AUM.
344
Article 12 de l’AUM.
345
Id.
66
Quoi qu’il en soit, l’AUM a le mérite de prévoir une diversité des moyens d’obtenir l’exécution
forcée. À l’instar de la loi du 22 décembre 2021 sur la confiance dans l’institution judiciaire,
l’AUM offre aux parties une alternatif au juge afin d’obtenir une mention exécutoire dans
l’accord de médiation.
Si les deux mesures sont des voies simplifiées d’exécution des accords de médiation, rappelons
tout de même que le mécanisme prévu par la loi du 22 décembre 2021 contient un inconvénient.
En effet, l’accord issu de la médiation qui aura bénéficié de la mention exécutoire par le greffe,
346
Article 16, alinéa 1 de l’AUM : « Si, à l’issue de la médiation, les parties concluent un accord écrit réglant leur
différend, cet accord est obligatoire et les lie. L’accord issu de la médiation est susceptible d’exécution forcé. »
347
À titre d’exemple, on parlera d’exéquatur pour identifier la procédure tendant faire reconnaitre une sentence
arbitrale dans un Etat autre que celui du tribunal arbitral. G. CORNU, préc., note 62, p. 435.
348
S. BENSIMON, M-B. D’ANTIN, G. PLUYETTE, préc., note 50, p. 384.
349
Article 16 alinéa 2 de l’AUM.
350
Article 44 de la loi du 22 décembre 2021 sur la confiance dans l’institution judiciaire.
67
selon la loi du 22 décembre 2021, pourra toujours être remis en cause devant le juge 351. Alors
que pour ce qui est de l’accord de médiation déposé auprès du notaire, selon l’AUM, ne pourra
être remis en cause que s’il contrevient à l’ordre public 352, ou lorsqu’il est attaqué en nullité sur
le fondement du droit commun des contrats353.
Toutefois, les parties devront soumettre une requête conjointe auprès du notaire afin d’obtenir
le dépôt au rang de minutes de leur accord, lequel notaire leur délivre une grosse ou une copie
exécutoire354. Lorsqu’une partie n’exécute pas de bonne foi l’accord de médiation, ou lorsqu’il
n’est pas possible de procéder par une requête conjointe auprès du notaire, l’autre partie pourra
toujours saisir sur requête le juge compétent afin que celui-ci homologue l’accord355.
Lors de cette requête qui lui est soumise, le juge n’a que deux choix qui s’offrent à lui : soit il
accueille favorablement la demande de la partie diligente et homologue l’accord dans les 15
jours à compter de la date du dépôt, ce qui lui confère une force exécutoire; soit il refuse
d’accorder cet accord de médiation lorsque l’accord est contraire à l’ordre public 356. Le refus
de l’homologation du juge ne rend pas nul l’accord qui conserve sa force obligatoire entre les
parties 357.
Toutefois, la partie contre qui le refus a été rendu, peut toujours former un pourvoi devant la
CCJA pour contester la décision du juge interne 358. La CCJA est également compétente pour
connaître d’un autre type de recours prévus à l’article 16 de l’AUM. Il s’agit du recours contre
l’accord, devenu exécutoire du fait de l’absence de décision du juge compétent dans un délai
de 15 jours, lorsque la partie adverse estime qu’il est contraire à l’ordre public. Ce pourvoi doit
être intenté dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l’accord. À noter que le
recours devant la CCJA a un effet suspensif sur l’exécution de l’accord 359.
351
AUFIÈRE Pierrette, HOUSTY Françoise, « Accord de médiation et exécution : article 44 loi du 22 décembre
2021 », village de la justice, mars 2022, p.3. En ligne : https://www.village-
justice.com/articles/spip.php?page=imprimer&id_article=41845
352
En effet, l’AUM ne contient pas de disposition qui ouvrirait une remise en question de l’accord de médiation
sauf si une des parties estime que ce dernier contrevient à l’ordre public. Article 16, alinéa 6 de l’AUM
353
B. BLOHORN-BRENNEUR, préc., note 12, p. 144.
354
Article 16, alinéa 2 de l’AUM.
355
Article 16, alinéa 3 de l’AUM.
356
Article 16, alinéa 4 et 5 de l’AUM.
357
B. BLOHORN-BRENNEUR, préc., note 12, p. 144.
358
Article 16, alinéa 6 de l’AUM.
359
Id.
68
À cet effet, les parties ont la possibilité d’invoquer les dispositions de la convention lorsqu’elles
apportent la preuve à l’autorité compétente d’un État signataire de la conclusion d’un accord
issu d’une médiation entre elles 363. Les parties apportent la preuve de l’existence d’un accord
signé entre elles, mais également que celui-ci découle du processus de la médiation. Pour ce
faire, les parties devront apporter cette preuve sous une des formes requises au point (b) de
l’alinéa premier de l’article 4, dont le fait de l’apporter par tout moyen autre que ceux prévus
par la convention.
La convention s’applique dans le cas d’un accord écrit entre les parties 364. La doctrine précise
que l’écrit requis pour l’accord par la convention a une nature probatoire 365. La convention
consacre également la possibilité d’apporter la preuve d’un accord issue de la médiation par
360
Parmi les 17 États membres de l’OHADA, Il s’agit du Congo, de la RD Congo, du Gabon, le Bénin, la Guinée
Bissau, du Tchad.
361
FÉNÉON Alain, « Convention de Singapour : une ambition forte, mais une portée limitée », Cahiers de
l'arbitrage, n°1, 2020, page.105, p.1. En ligne : https://www-labase-lextenso-fr.gutenberg.univ-lr.fr/cahiers-de-
larbitrage/CAPJIA2020-1-008?em=la%20convention%20de%20singapour%20sur%20la%20médiation%20
362
PALAZO-GAUTHIER Danyele, FÉNÉON Alain, « Convention de Singapour sur la médiation : quel intérêt
pour les opérateurs économiques et les États africains ? », LaTribune Afrique, 2020. En ligne :
https://afrique.latribune.fr/think-tank/tribunes/2020-09-04/convention-de-singapour-sur-la-mediation
363
Article 4 de la convention de Singapour sur la médiation.
364
Article premier de la convention de Singapour sur la médiation.
365
DEVAUX Caroline, « Convention de Singapour - Entrée en vigueur de la Convention de Singapour : de
nouveaux horizons pour la médiation commerciale internationale », Journal du droit international (Clunet) n° 3,
Juillet 2020, doctr. 8, p. 4.
69
voie électronique, à condition que les parties soient clairement identifiées et que le contenu de
l’accord soit accessible ultérieurement 366.
La convention de Singapour n’a pas souhaité définir la commercialité de l’accord, le choix fait
étant celui de dresser une liste des domaines qui ne peuvent pas être considérés comme
commerciaux, et donc non-susceptibles d’être soumis à l’application de la convention 368. Il
s’agit entre autres des accords naissant d’un litige en droit de la consommation, en droit des
successions, en droit de la famille et en droit du travail 369.
Toujours est-il que l’espace OHADA est aujourd’hui doté d’un instrument juridique harmonisé,
lequel comprend des mesures tendant à faciliter l’exécution des accords issus de la médiation
dans tous les État membres. Ainsi les opérateurs économiques se trouvant dans les États
différents mais membres de l’OHADA sont soumis aux dispositions de l’AUM, et pourront
l’invoquer pour faire exécuter leur accord de médiation. Cela est d’autant plus pertinent dans la
366
FÉNÉON A, préc., note 361, p. 4.
367
ASFAR-CAZENAVE Caroline, « The Singapore Mediation Convention International », Business Law Journal,
vol. 2020, no. 1, 2020, p. 51. En ligne : https://heinonline.org/HOL/License
368
Id.
369
Article premier, alinéa 2 de la convention de Singapour sur la médiation.
370
C. ASFAR-CAZENAVE, préc., note 367, p. 53.
371
C. ASFAR-CAZENAVE, préc., note 367, p. 53.
70
mesure où tous les États membres de l’OHADA ne sont pas signataires de la convention de
Singapour.
Toutefois, la convention de Singapour aura raison de s’appliquer dans un des États membres de
l’OHADA lorsqu’un accord intervient entre deux ressortissants des États signataires dont l’un
est membre de l’OHADA372, sauf si ce dernier a émis la réserve qui conditionne l’application
de la convention à un consentement formel des parties dans l’accord de règlement.
Par ailleurs, bien que l’AUM encadre dorénavant la médiation dans l’espace OHADA, cet
instrument demeure perfectible notamment en raison des limites auxquelles il est possible d’y
remédier.
Sur le plan conceptuel. Le législateur OHADA ne déroge pas aux habitudes législatives et
adopte une définition extensible de la médiation, comme l’avait adoptée avant elle l’UE ou plus
récemment les Nations Unies avec la convention de Singapour sur la médiation 373.
372
D. PALAZO-GAUTHIER, A. FÉNÉON, préc., note 362.
373
O. CUPERLIER, préc., note 52, p. 2.
71
La médiation en droit OHADA est « tout processus, quelle que soit son appellation ». Il ne
s’agit pas ici d’accorder une autonomie conceptuelle à la médiation, mais plutôt de l’élargir à
tout processus « quelle que soit sa dénomination » dans lequel un tiers aide les parties à trouver
un accord374.
Une définition jugée judicieuse par une partie de la doctrine qui considère cette posture comme
étant propice au renforcement de la souplesse promue en médiation en ce sens qu’elle
engloberait notamment la conciliation 375.
Si on prenait l’exemple de la palabre africaine, elle fait partie des techniques africaines de
gestion de conflit dont l’une des caractéristiques est le « souci primordial de sauvegarder la
cohésion sociale », lequel permet de faire primer l’intérêt de la collectivité sur les droits
individuels377. De plus, la palabre africaine, telle que décrite par un rapport de recherche du
Centre FrancoPaix en résolution des conflits et missions de paix, est un processus différent de
la médiation, qui accorde une place importante aux acteurs traditionnels de gestion de conflit,
tel que le chef coutumier ou l’assemblé des sages, qui influent directement sur l’issue du
conflit378.
Cet aspect ne renferme pas que des enjeux d’ordre conceptuel, mais également pratique. Pour
exemple, l’AUM poursuit notamment l’objectif de faciliter l’exécution des ententes découlant
de la médiation. Ainsi, il a mis en place une procédure d’homologation et de dépôt auprès du
374
Cette analyse a été rapporté par ASFAR-CAZENAVE Caroline en rapport avec la définition de la médiation
adoptée par la convention de Singapour sur la médiation. C. ASFAR-CAZENAVE, préc., note 367, p.50
375
Y.S. KOÏTA, préc., note 59, p. 6.
376
B. BLOHORN-BRENNEUR, préc., note 12, p. 40.
377
BAGAYOKO Niagalé, KONÉ Fahiraman-Rodrigue, « Les mécanismes traditionnels de gestion des conflits en
Afrique subsaharienne », rapport de recherche n°2, Centre FrancoPaix en résolution des conflits et missions de
paix, Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques Université du Québec à Montréal, juin
2017, p. 14.
378
N. BAGAYOKO, F-R. KONÉ, préc., note 377, p.19 et s.
72
notaire afin de doter l’accord d’une force exécutoire. Cependant, assimiler la palabre africaine
à la médiation, revient à lui reconnaitre l’application d’un même régime, alors que la palabre
africaine ne confère pas les mêmes garanties que la médiation. Si bien que l’absence
d’autodétermination des parties dans ce mode permet de soutenir que l’entente issue de la
palabre ne traduirait pas toujours la volonté réelle des parties, mais pourrait également être celle
d’une communauté ou d’une autorité spirituelle. Et pourtant, cette entente sera éligible aux
procédures simplifiées d’obtention de la force exécutoire et bénéficiera de toutes les garanties
de l’AUM. Voilà une situation, loin d’être hypothétique, qui pourrait constituer un abus, et une
dénaturation de la médiation.
L’idée ici ne devrait pas être celle de moderniser une pratique ancestrale africaine en la
confondant à la médiation. Si le législateur le souhaite, il pourrait accorder à cette pratique une
reconnaissance législative autonome, et non favoriser une confusion entre les deux pratiques en
adoptant une définition beaucoup trop large.
Par ailleurs, rappelons qu’une définition précise de la médiation, même dans le monde des
affaires, n’est pas à craindre parce qu’elle ne constitue pas un frein à la souplesse de la
médiation. D’autant plus qu’elle permet à la médiation d’assurer son efficacité peu importe le
secteur auquel il s’applique379.
Sur le plan matériel. L’AUM étant adopté par l’OHADA, on aurait pu croire, et à tort, qu’il
vient régir le processus de médiation dans les domaines du droit des affaires soumis au champ
d’application des actes uniformes.
379
M. GUILLAUME-HOFNUNG, préc., note 45.
380
Article 1er de l’AUM; FÉNÉON A, préc., note 361, p. 3.
73
En effet, l’AUM porte sur le processus de la médiation dans sa généralité. Et par conséquent, il
a vocation à s’appliquer dans tous les domaines où la médiation est admissible en matière civile
ou commerciale.
L’AUM met en place une situation encore inédite jusque-là en droit OHADA. Certains
domaines auxquels s’applique la médiation du droit OHADA ne sont pas soumis à ces actes
uniformes et donc échappent à la compétence de ses institutions, notamment à celle de la CCJA.
Rappelons que le droit OHADA s’applique à des domaines précis repris à l’article 2 du traité
de Port-Louis du 17 octobre 1993 modifié par le traité de Québec du 17 octobre 2008. Il
dispose :
« Pour l’application du présent Traité, entrent dans le domaine du droit des affaires
l’ensemble des règles relatives au droit des sociétés et au statut juridique des
commerçants, au recouvrement des créances, aux suretés et aux voies d’exécution,
au régime du redressement des entreprises et de la liquidation judiciaire, au droit
de l’arbitrage, au droit du travail, au droit comptable, au droit de la vente et des
transports, et toute autre matière que le Conseil des Ministres déciderait, à
l’unanimité́ , d’y inclure, conformément à l’objet du présent Traité et aux
dispositions de l’article 8 ci-après ».
Par conséquent, la CCJA est compétente pour connaître les affaires soulevant des questions
relatives à l’application des actes uniformes et des règlements prévus au présent Traité à
l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales 381. Ainsi, la compétence de la CCJA
n’est admise sur une matière que lorsque celle-ci bénéficie d’un acte uniforme qu’il la régit.
C’est ainsi que bien que le traité OHADA cite le droit du travail parmi les domaines auquel il
s’applique, l’absence d’acte uniforme en la matière rend incompétente la CCJA 382. La CCJA se
déclare toujours incompétente lorsque l’affaire portée devant elle concerne une matière non
régie en droit OHADA. C’est ce qu’a jugé la cour en ce qui concerne les questions de
responsabilité civile dans un arrêt du 4 novembre 2014 (CCJA, Ass. Plén., 4 novembre 2014,
n°104/2014); ou celles qui concernent les successions (CCJA, 2 ème ch., 16 mai 2013,
n°044/2013).
Et pourtant, L’AUM attribue la compétence à la CCJA de connaître des recours contre les refus
d’homologation des juridictions internes concernant l’accord de médiation 383. En effet, le juge
interne peut refuser d’homologuer un accord lorsque ce dernier est contraire à l’ordre public.
Ainsi, ayant le pouvoir d’évocation 384, la cour devra se prononcer sur le bien-fondé du refus de
l’homologation et devra apprécier la nature de l’ordre public qui le fonde.
Toutefois, cette question s’avère délicate. Sachant qu’il a été admis, par exemple, que les
questions qui touchent à l’enfant en matière familiale sont d’ordre public 385, il est envisageable
que le juge de l’homologation invoque l’ordre public en matière familiale selon le moyen que
l’intérêt de l’enfant n’est pas assez protégé dans un accord de médiation. Cette hypothèse est
formellement prévue par la législation française 386. Dans ce cas d’espèce, il est difficile
d’imaginer la CCJA se déclarer compétente pour connaître du refus d’homologation sur cette
question précise, notamment parce qu’aucun acte uniforme ne régit à ce jour le droit familial et
ne lui donne la capacité d’apprécier l’intérêt de l’enfant.
Bien qu’il soit admis que l’accord de médiation est souvent écrit, rappelons que ce formalisme
est souvent requis ad probationem 387. Les parties ne sont jamais obligées de formuler leur
solution par écrit. Cette affirmation est d’autant plus vraie quand on sait qu’en matière
contractuelle, le consensualisme reste le principe qui dicte les conventions, et le formalisme son
383
Article 16 alinéa 8 de l’AUM.
384
« Faculté appartenant à la juridiction du second degré, saisie d’un appel contre un jugement ayant ordonné une
mesure d’instruction. Ou qui statuant sur une exception de procédure a mis fin à l’instance, de s’emparer de
l’ensemble du l’affaire et de statuer sur l’appel et sur le fond du procès par une seule et même décision, si elle
estime de bonne justice de donner à l’affaire une décision définitive ». G. CORNU, préc., note 62, p.426; Cette
prérogative est accordée à la CCJA à l’alinéa 5 de l’article 14 du Traité de l’OHADA qui dispose : « En cas de
cassation, elle [la CCJA] évoque et statue sur le fond ».
385
BELLEAU Marie-Claire, TALBOT-LACHANCE Guillaume, « La valeur juridique des ententes issues de la
médiation familiale : présentation des mésententes doctrinales et jurisprudentielles », Les Cahiers de droit, volume
49, nº (4), 2008, p.632. En ligne : https://doi.org/10.7202/037460ar
386
Article 373-2-7 du Code civil français.
387
S. BENSIMON, M-B. D’ANTIN, G. PLUYETTE, préc., note 50, p. 369.
75
exception388. Cela trouve matière à s’appliquer encore plus dans un processus se voulant
également consensuel dans lequel l’autonomie des parties est clairement affirmée.
Cependant, force est de constater que sur cette question l’AUM uniforme prend une position
qu’on pourrait au premier abord qualifier de judicieux, mais qui finalement s’avère plutôt
confuse.
En effet, l’AUM dispose à son article 12 que la médiation prend fin par « la conclusion d’un
accord écrit issu de la médiation signé par les parties et, si celles-ci en font la demande, par le
médiateur ». À première vue, on constate l’effort fourni par le législateur de procurer une
sécurité juridique à la solution issue de la médiation389. Cependant, le moyen choisi pour
atteindre ce but soulève des controverses au point où certains auteurs considèrent que l’AUM a
mis en place un formalisme ad solemnitatem 390.
Il aurait été possible de soutenir que l’écrit requis par l’AUM ne l’était qu’à titre probatoire, et
ce, en s’appuyant sur l’alinéa 2 de l’article 12 qui dispose : « La partie qui entend se prévaloir
de la fin de la médiation est tenue d’en apporter la preuve ; elle peut le faire par tout moyen ».
Seulement, cette disposition est, elle aussi, confuse en ce sens qu’elle ne vient pas établir une
liberté de la preuve en ce qui concerne l’accord de la médiation, mais plutôt la fin de celle-ci.
En effet, la conclusion d’un accord de médiation n’est qu’un des moyens prévus par l’article 12
de l’AUM parmi d’autres pour mettre fin à la médiation, celle-ci pouvant être occasionnée par
un autre évènement. L’accord de médiation constitue non seulement le moyen, mais aussi la
preuve du déroulement et de la clôture d’un processus de médiation. Les parties ont donc la
possibilité de prouver par tout moyen que la médiation a eu lieu et qu’elle s’est clôturée avec
ou sans entente entre elles.
Et si on avait encore un doute sur le caractère obligatoire de l’exigence d’un écrit de l’accord
de médiation, l’article 16 lève tout doute en disposant : « Si, à l’issue de la médiation, les parties
concluent un accord écrit réglant leur différend, cet accord est obligatoire et les lie. L’accord
388
« Aussi, si le droit positif français continue à faire du principe du consensualisme un principe directeur du droit
des contrats, il n’en a jamais fait un principe absolu et admet avec constance une limitation de son domaine en
multipliant les exceptions au principe pour une sécurité des transactions optimisée et une protection ciselée des
contractants ». COHET Frédérique, Le contrat, FONTAINE, Presses universitaires de Grenoble, « Droit en + »,
2020, p. 108. En ligne : https://www-cairn-info.gutenberg.univ-lr.fr/le-contrat--9782706145568-page-107.htm
389
Y.S. KOÏTA, préc., note 59, p. 16.
390
Id.
76
Toujours est-il que ce formalisme attaché à l’accord de médiation a une portée relative dans les
sociétés africaines392. À titre d’illustration, il est à noter que l’instauration du formalisme a fait
l’objet de débats dans l’élaboration de l’avant-projet relatif à l’acte uniforme des contrats 393. En
effet, le professeur Marcel Fontaine a exposé, dans sa proposition d’avant-projet relatif à l’acte
uniforme des contrats, les tendances discordantes concernant l’exigence d’un formalisme
comme principe en matière contractuelle. La réflexion autour de cette question est sujette à
controverse, notamment parce que « l’illettrisme est un phénomène largement répandu dans les
pays de l’OHADA »394 et « qu’il existe en Afrique une « tradition orale » »395.
Bien que les avis fussent partagés, la solution qui fit consensus fut celle de préconiser un
formalisme probatoire qui cadre avec le contexte social des pays de l’OHADA396. En d’autres
termes, le consensualisme devrait être érigé comme principe général, et le formalisme devrait
en être l’exception. Les parties ayant donc la possibilité de contracter par le seul échange de
consentement, l’écrit ne serait requis que si les parties en font le choix : une liberté de la forme
en matière contractuelle397.
391
Y.S. KOÏTA, préc., note 59, p.17
392
Id.
393
ONANA ETOUNDI Félix, « Formalisme et preuve des obligations contractuelles dans l’avant-projet d’Acte
uniforme OHADA sur le droit des contrats », Uniform Law Review, Volume 13, Issue 1-2, January-April 2008,
p. 356. En ligne : https://doi.org/10.1093/ulr/13.1-2.355
394
FONTAINE Marcel, « Le projet d’Acte uniforme OHADA sur les contrats et les Principes d’Unidroit relatifs
aux contrats du commerce international », Uniform Law Review, Volume 9, Issue 2, April 2004, p.262. En
ligne : https://doi.org/10.1093/ulr/9.2.253
395
Id.
396
Id., p. 262.
397
F. ONANA ETOUNDI, préc., note 393, p. 362.
398
Id., p. 358.
77
droit commercial général qui dispose : « le contrat de vente commerciale peut être écrit ou
verbal ; il n’est soumis à aucune condition de forme »399.
Cette liberté de la forme permet également de rendre libre la preuve 400. De telle sorte que la
preuve de l’existence du contrat est apportée par tous moyens. C’est la position qu’adopte
d’ailleurs le législateur lorsqu’il dispose qu’en matière de contrat de vente commerciale, en
absence d’un écrit, la preuve peut être constituée par tout moyen, y compris par témoin 401.
Soulignons tout de même que le consensualisme est perçu par les opérateurs économiques
africains comme un facteur de rapidité et d’économie402. Il est donc étonnant de constater que
l’AUM choisisse d’encadrer la conclusion de l’accord de médiation par une forme particulière
qu’est l’écrit, alors même que la médiation se veut être un processus consensuel rapide et moins
couteux403.
De plus, la médiation de l’OHADA ayant un champ d’application plus étendu, lequel comprend
des domaines dans laquelle l’oralité et l’analphabétisme sont toujours d’actualité, il est
inquiétant que l’AUM n’ait pas tiré toutes les conséquences de la réalité sociale africaine, en
mettant en place un principe de la liberté de forme et de preuve en matière d’accord de
médiation.
Le processus de médiation n’est pas le seul aspect de l’AUM qui mériterait une optimisation,
les dispositions qui se rapportent au médiateur comportent elles aussi des axes susceptibles
d’amélioration.
399
Cependant, il existe des exceptions dans lesquelles le législateur OHADA prévoit un certain degré de
formalisme pour la formation des contrats. C’est le cas du formalisme requis en matière de contrat de
cautionnement prévue par l’acte uniforme relatif aux suretés à l’article 4.
400
F. ONANA ETOUNDI, préc., note 393, p. 362.
401
L’article 208 de l’acte uniforme révisé portant droit commercial général.
402
F. ONANA ETOUNDI, préc., note 393, p. 358.
403
Y.S. KOÏTA, préc., note 59, p. 17.
78
Compte tenu de son rôle et de son importance dans le processus, le médiateur doit être doté des
qualités qui garantissent l’intégrité de la médiation. Si l’AUM consacre les principes
d’impartialité, d’indépendance et de disponibilité, il peut être remarqué une absence de
l’exigence de compétence (a). De plus, bien que l’AUM soumette le médiateur à des obligations
spécifiques, il n’est pas prévu de responsabilité dans le cas où celles-ci ne seraient pas
respectées (b).
Précisons tout de même que les observations qui seront faites dans les prochaines lignes peuvent
faire l’objet d’une règlementation ultérieure des droits internes à travers une loi qui complète
l’acte uniforme, ou des Codes de déontologie venant régir la profession de médiateur.
Cependant, il aurait été préférable que ces questions soient réglées par une uniformisation vers
le haut pour éviter une disparité entre les réglementations internes. N’est-ce pas là l’une des
raisons d’être de l’OHADA?
De ce fait, l’AUM favorise d’une certaine manière le « syndrome du médiateur naturel » auquel
s’oppose farouchement la doctrine407. En effet, la médiation, par son caractère processuel et
informel, laisse croire qu’elle peut être menée par toute personne justifiant d’une expérience
dans le domaine de règlement des conflits, qu’il s’agisse des juges, des avocats, des notaires
etc. Ces corps de profession estiment souvent, et à tort, que les aptitudes pour être médiateur
s’acquièrent légitiment par leurs expériences professionnelles. Maintenant que la médiation est
assimilée à la palabre africaine, un même raisonnement est à craindre des chefs coutumiers
habitués aux règlements des conflits, qui pourraient s’estimer également légitime à être
qualifiées de médiateurs.
404
Article 1, sous alinéa b de l’AUM.
405
Article 6, alinéa 1 de l’AUM.
406
Cette obligation est sous-entendue à l’alinéa 3 de l’article 5, qui impose aux institutions de médiation de
proposer aux parties des médiateurs ayant des qualités et de compétence requises lorsqu’elles choisissent la
médiation institutionnelle. S. A. HOUNTOHOTEGBE, W. D. KABRÉ, préc., note 36, p. 48.
407
N. DION, préc., note 1, p. 187.
79
Une exigence de compétence du médiateur n’est pas qu’un débat d’ordre théorique, mais
renferme des enjeux pratiques. Elle est un gage de confiance et de crédibilité du médiateur 412.
Elle constitue l’une des « pièces charnières de la qualité de la médiation »413. Ce n’est pas un
hasard si c’est dans la partie réservée à la qualité de la médiation que le législateur européen
met à la charge des États, avec sa directive 2008/52/CE, la responsabilité de promouvoir la
formation initiale et continue de médiateurs afin de veiller à ce que la médiation soit menée
avec efficacité, compétence et impartialité à l’égard des parties 414.
Pour autant, cette disposition n’a pas inspiré le législateur OHADA qui, au grand regret de la
doctrine, n’a prévu aucune disposition relative à la compétence du médiateur 415. Cela est
d’autant plus regrettable quand on sait que la médiation de l’AUM a pour vocation à s’appliquer
à divers domaines autres que celui du droit des affaires. À titre d’exemple, le législateur français
a pris des précautions pour assurer la compétence des médiateurs dans un domaine aussi
408
N. DION, préc., note 1, p. 187.
409
S. BENSIMON, M-B. D’ANTIN, G. PLUYETTE, préc., note 50, p. 11.
410
BONAFÉ-SCHMITT Jean-Pierre, « Les enjeux de la formation à la médiation », Négociations, 2017/2 (n° 28),
p. 201. En ligne : https://www.cairn.info/revue-negociations-2017-2-page-201.htm
411
S. A. HOUNTOHOTEGBE, W. D. KABRÉ, préc., note 36, p. 48.
412
S. BENSIMON, M-B. D’ANTIN, G. PLUYETTE, préc., note 50, p. 332.
413
V. LASSERRE, préc., note 72, p. 441.
414
Article 4, alinéa 2 de la directive 2008/52/CE.
415
S. A. HOUNTOHOTEGBE, W. D. KABRÉ, préc., note 36, p. 48.
80
sensible que celui de la famille416. Cette exigence a même été étendue au médiateur judicaire et
conventionnel417.
Cependant, la doctrine rappelle tout de même que cette exigence ne devrait pas prendre le
dessus sur la souplesse du processus de médiation 418. En effet, il faudrait faire attention à ne
pas faire de cette exigence un élément contraignant pour les parties en leur imposant le choix
d’un médiateur compétent. Il ne faut pas oublier que les parties restent maître du processus de
médiation et doivent rester libres de choisir la personne en qui elles ont confiance pour les aider
à trouver un accord lors de la survenance d’un conflit ou pour prévenir celui-ci419. Dans un
processus où l’autodétermination et la responsabilisation des parties sont clairement affirmées,
elles sont censées connaître ce qui leur convient le mieux, qu’il s’agisse de l’issue du processus
de médiation, ou du tiers capable de les aider à rétablir une communication, que ce dernier ait
ou non suivi une formation en médiation.
Néanmoins, si pour une raison qui nous échapperait, le législateur ne souhaite pas imposer cette
exigence au médiateur peu importe le domaine dans lequel la médiation intervient, il est
toutefois préférable qu’il prévoie une exigence de compétence du médiateur pour des domaines
sensibles tels que celui du droit de la famille ou du droit de la consommation, afin d’éviter que
la qualité du processus ne soit entachée par l’incompétence ou le manque de connaissance du
médiateur. Tout comme pour la confidentialité, la liberté du choix d’un médiateur ne devrait
pas être absolu, mais pourrait être limitée par l’intérêt de protection des parties (tel que l’enfant,
ou le consommateur). Il est tout à fait possible que le législateur OHADA recommande aux
États de mettre en place des organismes de contrôle, ou des mécanismes à même de permettre
l’évaluation de compétence des médiateurs dans des domaines bien définis 420. Ainsi, dans ces
416
Avec l’installation d’un Comité National Consultatif de la Médiation Familiale chargée définir le champ
d’intervention de la médiation familiale, de définir les règles déontologiques de la profession (des principes de
déontologie ont été arrêtés le 22 avril 2003), de définir le contenu de la formation et d’agréer les centres de
formation, de définir les modes de financements, d’évaluer les apports de la médiation familiale… BAUGNIET
Nathalie, La médiation familiale. Mode de règlement des conflits familiaux, Louvain-la-Neuve, De Boeck
Supérieur, « Les familles et le droit », 2008, p. 73. En ligne: https://www.cairn.info/la-mediation-familiale--
9782804155353-page-73.htm; « […] un diplôme d’État de médiateur familial a également été créé afin de garantir
la compétence des médiateurs familiaux (décr. n° 2003-1166, 2 déc. 2003, compl. arrêté 12 févr. 2004). En 2012,
les conditions de formation des médiateurs familiaux ont été encore renforcées (arrêté 19 mars 2012, mod. arrêté
2 août 2012). L. CADIET, T. CLAY, préc., note 127, p. 105.
417
Article 1533 du Code de procédure civile français en ce qui concerne le médiateur conventionnel, et l’article
131-5 du même code pour le médiateur judiciaire.
418
S. A. HOUNTOHOTEGBE, W. D. KABRÉ, préc., note 36, p. 50.
419
Id.
420
S. A. HOUNTOHOTEGBE, W. D. KABRÉ, préc., note 36, p. 49.
81
domaines particuliers, il serait possible d’assurer aux parties une crédibilité et une confiance en
un processus de médiation de qualité.
Pour preuve, nombreux sont les ouvrages et les Codes de déontologiques qui conseillent au
médiateur de souscrire à une assurance de responsabilité professionnelle 425. La question ici
n’est pas tant de savoir si le médiateur est capable d’engager sa responsabilité, ayant des
421
S. BENSIMON, M-B. D’ANTIN, G. PLUYETTE, préc., note 50, p. 11.
422
LASSERRE Valérie, « La responsabilité des médiateurs », Archives de philosophie du droit, 2019/1 (Tome
61), p. 171. En ligne : https://www.cairn.info/revue-archives-de-philosophie-du-droit-2019-1-page-171.htm
423
Id., p.171 et s.
424
S. A. HOUNTOHOTEGBE, W. D. KABRÉ, préc., note 36, p. 45.
425
ROBERGE Jean-François, La justice participative. Fondement et cadre juridique, Édition Yves Blais, 2019,
p.102 ; S. BENSIMON, M-B. D’ANTIN, G. PLUYETTE, préc., note 50, p.11 ; V. LASSERRE, préc., note 422,
p. 171.
82
obligations qu’il peut transgresser, mais plutôt celui du contenu et des modalités dans lesquelles
celle-ci peut être mise en œuvre. La doctrine propose d’ailleurs au législateur une classification
des obligations du médiateur relatives au processus, mais également à son statut 426. Cela
permettrait de définir dans la loi des garanties telles que celles du respect par le médiateur des
règles d’ordre public, le respect de l’autonomie des parties… 427
Pour que la responsabilité du médiateur soit engagée, la partie qui s’estime lésée devra apporter
la preuve de la faute du médiateur qui lui aurait causé un préjudice 430. S’il est plutôt facile
d’apporter une preuve de la violation d’une obligation de résultat rattaché à sa mission, les
parties verront cette tâche s’alourdir en ce qui concerne les obligations de moyens 431. En effet,
il sera toujours plus simple de rapporter la preuve que le médiateur a des liens étroits avec
l’autre partie qu’il n’a pas divulgués, violant ainsi son obligation d’indépendance. En revanche,
il sera beaucoup moins simple de rapporter la preuve que le médiateur a traité l’affaire en ayant
un préjugé sur la position de chaque partie, violant ainsi son obligation de neutralité.
À cette contrainte s’ajoute celle liée à la confidentialité du processus 432. Puisque le processus
de médiation est confidentiel, il sera difficile pour l’une des parties, sans l’accord de l’autre
partie, de lever la confidentialité du processus en vue de rapporter la preuve de la violation du
médiateur de ses obligations 433. À ce sujet, la doctrine est unanime en ce que la confidentialité,
prévue pour protéger les parties, ne devrait pas constituer un obstacle à la mise en œuvre de la
responsabilité du médiateur434.
426
V. LASSERRE, préc., note 422, p.178 et s.
427
Id.
428
J-F. ROBERGE, préc., note 425, p. 102.
429
Id.
430
S. A. HOUNTOHOTEGBE, W. D. KABRÉ, préc., note 36, p. 45.
431
V. LASSERRE, préc., note 422, p. 180.
432
S. A. HOUNTOHOTEGBE, W. D. KABRÉ, préc., note 36, p. 46.
433
L’article 10 donne la possibilité aux parties de lever d’un commun accord la confidentialité du processus de
médiation. Dans cette hypothèse, la confidentialité ne constitue pas un obstacle à la poursuite du médiateur. Par
ailleurs, si l’une des parties s’oppose à la levée de la confidentialité, la responsabilité du médiateur pourrait être
difficile à mettre en œuvre. S. A. HOUNTOHOTEGBE, W. D. KABRÉ, préc., note 36, p. 46.
434
J-F. ROBERGE, préc., note 425, p.103; S. A. HOUNTOHOTEGBE, W. D. KABRÉ, préc., note 36, p. 46.
83
Il ne suffit pas de rapporter la preuve de la violation des obligations du médiateur. Encore faut-
il apporter la preuve d’un préjudice subi du fait de cette violation. En effet, n’étant pas soumis
à une obligation de résultat, les parties ne peuvent pas fonder leur préjudice sur une perte de
chance de conclure l’accord 435. Le préjudice devrait être fondé par « la perte de chance de ne
pas avoir pu avancer dans la construction d’une solution mutuellement satisfaisante »436.
En rapport avec la nature de la faute, la responsabilité du médiateur devrait être engagée peu
importe qu’il s’agisse d’une faute intentionnelle ou simple 437. Cependant, la doctrine
recommande à ce que l’engagement de la responsabilité soit conditionné par la commission
d’une faute lourde ou intentionnelle pour les médiateurs qui agissent bénévolement ou dans un
but désintéressé438.
Le législateur OHADA a donc tout intérêt à encadrer la responsabilité du médiateur afin d’éviter
les abus, mais aussi de garantir la qualité du processus de médiation nouvellement harmonisé
dans l’espace OHADA.
435
V. LASSERRE, préc., note 422, p. 181.
436
Id.
437
Id.
438
J-F. ROBERGE, préc., note 425, p. 102; V. LASSERRE, préc., note 422, p. 181.
84
CONCLUSION
Il ne peut être nié que l’AUM marque une avancée significative dans l’espace OHADA en ce
qui concerne la promotion des modes alternatifs de règlement de conflits.
Plus de deux décennies après l’adoption de l’acte uniforme sur l’arbitrage, il était temps que
l’OHADA se dote d’un instrument juridique encadrant la médiation. D’autant plus, comme
nous l’avons vu précédemment, cette pratique avait déjà été adoptée par les instituts de
médiation opérant dans les pays de l’OHADA. L’engouement des opérateurs économiques sur
ce mode amiable, comme l’attestent les statistiques de ses différents instituts, justifie
assurément l’intérêt d’encadrer la médiation et de la doter d’un acte qui uniformise cette
pratique dans tous les États de l’OHADA. L’AUM règle également la question d’absence
d’encadrement de la médiation dans certains pays, car avant son adoption, seuls certains pays
avaient déjà une législation en la matière.
Ainsi, l’AUM est un instrument qui offre une alternative de plus aux opérateurs économiques
en vue de régler les différends qui naissent dans leur relation. Son importance s’étend au-delà
de la sphère économique étant entendu qu’il régit la médiation, non pas seulement en droit des
affaires, mais également dans tous les domaines qui admettent le recours à la médiation.
Il a pour points fort d’une part, d’affirmer la liberté des parties dans ce processus et d’autre part,
de faciliter la souplesse du processus de médiation439. Ainsi, la liberté des parties est clairement
affirmée tout au long du processus qu’il s’agisse de la phase de la mise en œuvre, du
déroulement ou de la fin de la médiation. L’AUM assoit également un processus relativement
souple, dont l’un des exemples est la diversification de voies d’obtention de la formule
exécutoire dans l’accord de médiation. Les parties n’ont plus besoin de recourir au juge pour
obtenir la force exécutoire de leur accord, elles peuvent à présent recourir au service d’un
notaire.
Cependant, l’AUM reste un instrument perfectible. Nous avons exposé ci-haut certaines limites
dans l’encadrement de la médiation de l’AUM qui, à terme, risqueraient d’altérer son efficacité.
Ainsi, nous préconisons ce qui suit :
439
S. A. HOUNTOHOTEGBE, W. D. KABRÉ, préc., note 36, p.15 et s.
85
2. Une délimitation claire des domaines auxquels s’applique l’AUM : l’article 2 de l’AUM
soumet son application à la médiation. En d’autres termes, l’AUM ne s’applique pas seulement
aux domaines du droit des affaires, domaines de prédilection du droit OHADA, mais plutôt à
tous les domaines admettant le recours à la médiation. Or comme nous l’avons vu, cette
extension du champ auquel s’applique l’AUM fait naître des incompatibilités entre certaines de
ses dispositions, en rapport avec le recours à la CCJA, et le droit OHADA. Cette situation
assoit une insécurité juridique dont il est nécessaire d’y remédier. Ainsi, le législateur devrait
soit, réduire le champ d’application de l’AUM aux matières régies par le droit OHADA soit,
admettre pour la première fois un partage de compétence entre la CCJA et les juridictions
internes, en ce qui concerne les matières non encore soumises au droit OHADA. Nous avons
conscience que cette dernière proposition comporte un enjeu de taille, celui de la disparité
d’interprétations qu’elle pourrait engendrer. C’est pourquoi nous favorisons plus la première.
440
M. GUILLAUME-HOFNUNG, préc., note 11, p. 66.
86
l’unanimité dans les pays du droit OHADA en ce qui concerne la formation des contrats. Le
législateur OHADA devrait tirer toutes les conséquences du contexte socioafricain en lien avec
cette question, et affirmer de manière claire et non équivoque le consensualisme comme
principe directeur dans la formation des accords de médiation. Si formalisme il y a, celui-ci ne
devrait pas faire obstacle à la formation de l’entente de médiation, ni à son efficacité, mais
devrait être clairement requis qu’à des fins probatoires.
4. Une réglementation rigoureuse du statut du médiateur : il est regrettable que l’AUM n’ait
pas encadré rigoureusement le statut du tiers-médiateur lequel, en raison de sa fonction et de sa
place dans le processus de médiation, mériterait une détermination précise. Nous clarifions tout
de même que notre compréhension de la rigueur n’est pas synonyme à « lourdeur ». En effet, si
le statut du médiateur mérite un encadrement strict, ce dernier devrait prendre en compte la
souplesse de la médiation et ne pas constituer un obstacle pour les parties.
Ainsi, le législateur OHADA devrait songer à inclure une obligation de compétence en rapport
avec le médiateur aux côtés des exigences déjà prévues dans l’AUM. Il devrait également
comporter des dispositions qui sanctionnent la violation des obligations qu’il impose au
médiateur. L’importance de faire figurer ces points dans l’AUM s’explique par le souci prévoir
des exigences déontologiques minimales et uniformes entre les États membres afin d’éviter les
disparités des lois internes.
Par ailleurs, nous ne prétendons pas avoir listé de manière exhaustive toutes les limites qui
pourraient affecter l’efficacité de l’AUM.
À titre d’exemple, nous avons abordé dans la présente étude le formalisme inquiétant de
l’accord de médiation, mais nous aurions pu également évoquer toutes les dispositions de l’acte
uniforme qui laisse entrevoir une primauté de l’écrit sur le consensualisme des parties.
Il en est ainsi par exemple des dispositions qui concernent la fin du processus de médiation
décidée par toutes les parties. L’article 12 de l’AUM dispose : « la procédure de médiation
prend fin par : […] c) la déclaration écrite des parties adressée au médiateur indiquant
qu’elles mettent fin à la procédure de médiation, à la date de la déclaration ». Il en est de même
de la situation où l’une des parties déciderait de mettre fin à la médiation.
87
Il aurait été légitime de questionner l’intérêt d’autant de précautions prises par le législateur
même dans des situations, comme la fin de la médiation, où le consensualisme s’impose
naturellement compte-tenu de la liberté des parties garantie dans le processus de médiation.
De plus, il est connu que la médiation est un mode de règlement de différend qui a notamment
l’avantage d’être moins onéreux en comparaison avec le mode étatique ou l’arbitrage. C’est à
se demander si cette logique a conduit le législateur OHADA a consacré une disposition plutôt
controversée en rapport avec la rémunération du médiateur. En effet, l’article 13 alinéa 1
dispose : « Les parties déterminent, soit directement, soit par référence à un règlement de
médiation, les frais de la médiation, y compris les honoraires du médiateur ». Une situation
inédite puisque le médiateur devra se soumettre, sauf lorsque les parties choisissent de procéder
une médiation institutionnelle, à la volonté des parties en ce qui concerne sa rémunération. Si
cette mesure est inédite, on se demande comment celle-ci pourrait être efficacement appliquée.
En somme, il ne reste plus qu’à souhaiter que ces observations soient prises en compte afin de
garantir à cet acte uniforme une efficacité optimale.
88
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
LÉGISLATIONS ET RÉGLEMENTATIONS
Textes internationaux
Textes nationaux
Loi du 17 décembre 2012 portant médiation en matière civile et commerciale au Burkina Faso
Loi n°95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile,
pénale et administrative.
La loi 2021-1729 du 22 décembre 2021 sur la confiance dans l’institution judiciaire
Décret n° 2022-245 du 25 février 2022 favorisant le recours à la médiation, portant application
de la loi pour la confiance dans l'institution judiciaire et modifiant diverses dispositions
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