L’Université d’Athènes et l’instruction publique en Grèce
ET
L’INSTRUCTION PUBLIQUE EN GRÈCE.
Il y a dix-sept ans que la Grèce est redevenue une nation et qu’elle est entrée dans le système général de la politique européenne. Depuis lors, les puissances qui l’avaient aidée à renaître ont suivi avec attention ses premiers pas ; depuis lors, tous les hommes qui savent ce que vaut un tel peuple, issu de tels aïeux, et ce que, dans la poursuite de sa seconde destinée, il peut produire de changemens heureux ou funestes dans la marche du monde, n’ont pas cessé d’avoir les yeux fixés sur lui. La Grèce est petite, mais l’importance d’une nation ne se mesure pas plus à ses limites que celle d’un homme à sa taille. Il est d’autres forces, on le sait, que les forces matérielles ; aussi, quelque restreint que soit l’espace occupé sur la carte par la Grèce, l’indifférence n’est pas permise à son égard. Puisqu’on a tous les jours à compter avec elle, on doit savoir ce qu’elle est, ce qu’elle vaut ; mais, avant de la juger, il faut consentir à la bien connaître. Voilà pourquoi la France, son amie naturelle, l’a constamment suivie, depuis qu’elle existe, de ses regards bienveillans et désintéressés, plus curieuse de ses progrès que de sa reconnaissance. Des hommes capables de la bien juger ont voulu être témoins des premiers mouvemens de sa vigoureuse enfance et voir jusqu’à quel point elle grandissait dans son antique et glorieux berceau. Les uns ont fait connaître au public français la cour et la ville d’Athènes, de cette nouvelle Athènes qui, il y a quinze ans, n’était qu’un grand village, et qui renferme aujourd’hui trente mille habitans. Un autre, esprit sévère, observateur judicieux, mêlé depuis long-temps aux luttes de la tribune, s’est plu à reconnaître dans la jeune nation grecque une énergie politique dont l’action sera d’autant plus sûre qu’elle sera plus patiente[1]. Dans ces derniers temps, la sollicitude des amis de la Grèce est devenue plus grande encore. Ils ont voulu étudier, compter, calculer toutes ses ressources. Un homme intelligent, sincèrement dévoué aux intérêts de la Grèce et possédant à fond la science économique, a examiné jusque dans ses derniers détails la situation actuelle du royaume. Son livre en apprend tout ce qu’il est possible d’en savoir aujourd’hui. Grace à M. Leconte, chacun peut voir où en sont les Hellènes, et mesurer à son aise le chemin qu’ils ont déjà fait. Ceux qui connaissent ces travaux et d’autres que nous ne citons pas, s’ils estimaient déjà la Grèce, ont dû l’estimer davantage encore. Malgré les difficultés de sa position, unique dans l’histoire des siècles, en dépit des obstacles qu’elle rencontre quelquefois au dedans, souvent au dehors, elle est, elle vit, elle marche ; mais, de tous ses progrès, le plus évident, le plus sensible, le plus propre à rassurer ceux qui redoutent pour elle les chances de l’avenir, c’est le progrès de l’instruction publique.
Déjà, en 1843, un savant qui a la faculté de voir vite et bien et de raconter avec art les choses qu’il a vues, M. Ampère, a tracé dans cette Revue[2] un tableau de l’instruction publique en Grèce. Après cette première étude, il reste encore à regarder de près les écoles d’Athènes et clés provinces, à exposer l’histoire de leurs antécédens et à indiquer le système qui a présidé à leur organisation. Devenu par le bienfait d’une institution libérale[3] comme l’un des habitans de ce beau pays, nous avons pu entreprendre cet intéressant examen. Depuis le voyage de M. Ampère, quatre années se sont écoulées, qui n’ont pas été les moins fécondes. Si pendant ce temps l’intelligence des Grecs a continué sa marche progressive, il n’est pas mal qu’on le sache. D’ailleurs, quand on voit la Grèce moderne, âgée de trois ans à peine, essayer d’organiser l’instruction publique à tous ses degrés, à une époque où la France discutait encore sa loi sur l’instruction primaire, on se demande comment, le lendemain de la lutte, les héros déposant leurs armes ont pu trouver des livres, des maîtres et des écoles pour eux-mêmes et pour leurs enfans. Cette question d’histoire contemporaine mérite qu’on y réponde. On n’a vu généralement dans cette race d’Hellènes combattant pendant sept années pour son indépendance que des marins hardis et expérimentés, des palikares intrépides. On s’est trompé : il y avait là des hommes déjà instruits ou capables de l’être. Déjà depuis long-temps les Hellènes étaient prêts non-seulement pour la vie militaire, mais aussi pour la vie intellectuelle. Plus d’un armatole avait étudié soit à l’école de Janina, soit aux couvens de l’Athos ou dans le monastère des Météores ; plus d’un soldat, la guerre achevée, a pu passer du camp dans la chaire du professeur.
Comment un peuple esclave de la Turquie pendant deux siècles et demi a-t-il pu ainsi conserver son caractère et sauver son intelligence ? La fortune, ou, pour mieux parler, la Providence, n’a fait pour lui, depuis la prise de Constantinople par Mahomet II, que ce qu’elle avait déjà fait depuis la réduction de la Grèce en province romaine. La perpétuité de la nation grecque est peut-être le plus étonnant de tous les grands faits historiques. Sa personnalité puissante et vivace a résisté aux conquêtes et bravé les invasions. Rome lui imposa sa loi, mais elle subit l’irrésistible ascendant de son génie. N’ayant plus à combattre, le vainqueur se trouva moins grand. Le sentiment de sa force fit place au sentiment de son ignorance, et il lui fallut se mettre à l’école chez les vaincus. Ici, comme toujours, c’est à l’intelligence que resta l’avantage. Morte politiquement, la Grèce continua d’exister par la pensée. Elle vécut ainsi autant que Rome, plus jeune qu’elle et son élève. Elle vécut même plus long temps, car la Rome véritable avait cessé d’être quand Justinien dispersa les écoles où retentissait la voix et où soufflait encore l’esprit de la Grèce antique. Plus affaiblie au moyen-âge, plus éloignée alors des temps de sa jeunesse et de sa gloire, la Grèce aurait plus facilement pu s’absorber et disparaître dans le sein d’un peuple nouveau. Cependant, même au degré d’obscurité et de misère où elle était descendue, le peu qu’elle avait gardé de sa grandeur passée la maintint au-dessus de ses maîtres sans génie, sinon sans courage. D’ailleurs, le schisme qui lui donna une foi et un culte à part et qui assura la conservation de sa langue, les croisades, qui, loin de la ramener, ne firent que l’importuner ou la blesser dans ses intérêts et dans son commerce, enfin l’ignorance et les excès des princes latins qui occupèrent les diverses parties de la Grèce, devaient rendre à jamais impossible la fusion de la race hellénique avec les nations occidentales.
La Grèce avait donc traversé péniblement, mais toujours vivante, la longue durée du moyen-âge, quand elle tomba aux mains des Turcs. Avant tout examen des faits, on voit que les Turcs ne pouvaient en aucune façon s’assimiler la race grecque, qui leur était supérieure et par son passé dont elle n’avait pas perdu la mémoire, et par son caractère que le temps avait respecté, et surtout par sa croyance. Dans leur aveuglement fatal, les sultans vinrent en aide à ces causes de conservation, jusqu’à les changer en causes de progrès d’abord et de régénération par la suite. Déplacés dans cette Europe pour laquelle ils étaient mal faits, étonnés de s’y trouver et incapables de se mettre en rapport avec elle, parce qu’ils n’en comprenaient ni les langues ni l’esprit, le lendemain même de la victoire, ils furent contraints de composer avec les vaincus, qu’ils redoutaient instinctivement et dont le secours leur était nécessaire. Mahomet II comprit sur-le-champ que, malgré les différences de religion et de langue qui les séparaient, il y avait entre les chrétiens d’Occident et les Grecs des affinités naturelles, et que, du jour où ils se rapprocheraient, sa puissance serait menacée. Il s’appliqua donc à nourrir les vieilles haines qu’avait engendrées le schisme, et, en même temps, il chercha à s’assurer de la fidélité des Grecs par d’habiles concessions ou par des faveurs éclatantes. Il nomma patriki Roum, ou patriarche des Romains, Gennadios Scholarios, le plus fanatique adversaire de l’église latine. Il le tait à la tête d’un synode, lui conféra des pouvoirs civils et le combla d’honneurs. Gennadios appela auprès de lui tout ce qu’il y avait d’hommes de talent parmi les familles nobles de Constantinople et les exilés de Trébisonde, et fonda cette école patriarcale où se formèrent les professeurs de belles-lettres jusqu’à la fin du XVIIe siècle. Les jeunes gens, qui y commençaient leurs études, prirent l’habitude d’aller les terminer en Italie. Ils revenaient à Constantinople, connaissant la médecine, l’astronomie et les langues de l’Occident[4]. Trop ignorans et d’ailleurs trop énervés pour s’instruire, les Turcs chargèrent les Grecs de leur parler des astres et de les guérir quand ils souffraient. Ils durent aussi leur conférer les fonctions de grand-interprète de la Porte, qui leur firent une place à part et très élevée, d’où ils pouvaient veiller aux intérêts de leurs compatriotes, leur procurer les moyens de s’instruire sans causer d’ombrage aux sultans, et protéger leurs personnes. C’est ce que firent, avec un zèle ardent et une habileté singulière, les deux premiers grands-interprètes, Panayotakis et Alexandre Mavrocordatos. Leurs successeurs marchèrent sur leurs traces. La même supériorité intellectuelle qui avait fait nommer les Grecs drogmans de la Porte les fit arriver à l’hospodarat en Valachie et en Moldavie, à la place de ces ministres turcs, cruels et rapaces, qui ne voyaient dans une telle dignité qu’une occasion de s’enrichir aux dépens de leur maître. Riches autant qu’adroits, respectés des ministres, qu’ils comblaient de présens, et par conséquent des pachas, avec lesquels ils entretenaient des relations constantes, leur influence était considérable, et ils en usaient pour le bien des leurs[5]. Non-seulement les Turcs étaient obligés de rendre justice aux talens des Grecs, mais ils furent aussi contraints plus d’une fois de céder devant leur courage militaire et de leur accorder de bonne grace ce qu’ils auraient conquis de force. Pendant que Mahomet II n’avait qu’à paraître pour s’emparer du Péloponèse, de l’Attique et de l’Eubée, un prince d’Épire, George Castriote, plus connu sous le nom de Scander-Bey, arrêtait le sultan dans sa marche victorieuse. Il l’arrêta trente ans. Ce grand exemple ne fut pas perdu. Scander-Bey légua aux montagnards de l’Épire et de l’Albanie le souvenir de sa bravoure et le mépris des Turcs. Une tradition de courage se maintint dans ces contrées. Alors parurent les armatoles, ces capitaines chrétiens qui, à la tête de leurs palikares, se rendirent redoutables au gouvernement ottoman. Leur existence fut légalement reconnue : on dut leur abandonner la défense des villes et des villages et leur accorder deux voix délibératives sur trois dans l’administration de leurs affaires. Il y eut bientôt des armatoles dans toute la Grèce continentale, dans le Péloponèse et dans l’Eubée. Ces vaillans capitaines, à peu près maîtres chez eux, conservèrent à la Grèce des mœurs guerrières, le sentiment de sa force et ce degré de liberté sans lequel l’intelligence est condamnée à s’éteindre. Enfin il est une dernière faculté par laquelle les Grecs se rendirent nécessaires à la Turquie et l’obligèrent encore une fois d’adoucir sa tyrannie à leur égard. Les Grecs des îles naissent marins. Leur adresse et leur intrépidité, qui devaient plus tard épouvanter la Turquie et porter à sa marine des coups terribles, mirent en faveur, à la fin du dernier siècle, les matelots de l’Archipel. Hussein-Pacha, grand-amiral de Selim III, organisait une flotte à l’aide d’habiles constructeurs venus d’Europe ; les équipages lui manquaient : il eut recours aux marins des Cyclades, surtout à ceux d’Hydra, de Spezzia et d’Ipsara. Il les protégea et leur accorda le libre passage dans les mers du Levant. Montés sur leurs légers navires, les marins grecs visitaient tous les ports de la mer Noire, et poussaient jusqu’à Taïganrock. La richesse revenait avec eux dans leur patrie ; la prospérité y croissait, et, sous l’influence de mœurs plus douces, des écoles primaires s’élevaient dans presque toutes ces îles. Antérieurement, à l’époque où la Turquie soutenait ses dernières guerres contre Venise et les chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, celles des îles qui avaient fourni des équipages à ses galères reçurent d’elle certains de ces privilèges dont les conquérans sont toujours avares. Les Cyclades et les Sporades purent n’admettre sur leur territoire aucun mahométan, se gouverner à leur gré, confier à leurs notables ou démogérontes le droit de faire leurs affaires et exercer librement leur culte, à la seule condition de payer une somme annuelle entre les mains du capoudan-pacha.
On le voit donc, les Grecs, soit par la souplesse de leur esprit, la vivacité de leur intelligence et l’instruction qu’ils savaient acquérir, soit par leurs vertus guerrières, soit par leur rare expérience et je dirais presque leur amour de la mer, c’est-à-dire par cet ensemble de qualités diverses qui avaient fait de leurs ancêtres la nation la plus complète du monde, les Grecs avaient réussi à se créer une position unique dans les annales des peuples asservis. Peu à peu, à force d’art et de persévérance, ils avaient presque triomphé d’un despotisme brutal, ne lui laissant de ses armes que celles qui lui étaient nécessaires pour les aiguillonner de temps en temps, les tenir en haleine et les pousser enfin à la complète liberté.
C’est dans ces favorables conditions que, chez les Grecs, avant qu’ils fussent redevenus une nation, se forma et se développa un véritable système d’instruction publique, dont les parties, en apparence indépendantes les unes des autres, étaient cependant unies par un lien puissant, celui d’une langue nationale. Les premières écoles coûtèrent cher à leurs fondateurs. Il fallut tromper les Turcs et cacher, sous le nom moins honorable de maisons de correction, le but véritable de ces établissemens. Si quelque gouverneur de province découvrait le pieux mensonge, c’est à prix d’or qu’on achetait son silence. Bientôt cependant les écoles prirent racine et devinrent florissantes. Les deux premiers siècles de la conquête avaient vu naître celles du mont Athos, de Janina, de Smyrne, de Pathmos. Alexandre Mavrocordatos, grand-interprète de la Porte, enrichit les collèges déjà fondés, y fit d’importantes réformes et les dota de plusieurs savans ouvrages qu’il avait composés lui-même en grec ancien. Son fils Nicolas, devenu grand-hospodar en 1716, employa son crédit à établir en Valachie une imprimerie et une école. Cependant la langue moderne prenait des formes plus arrêtées, mais elle ne faisait guère encore que répéter les ouvrages publiés dans les autres pays de l’Europe. Il lui manquait cette consécration que reçoivent les langues le jour où elles expriment des idées et des sentimens nationaux. Le poète Riga lui imprima ce nouveau caractère. Ses poésies, où l’inspiration et la correction marchent toujours ensemble, furent partout chantées avec enthousiasme. La Grèce s’y était retrouvée et reconnue.
La mort de Riga, qui avait rêvé trop tôt l’indépendance, communiqua plus de puissance encore à ses hymnes patriotiques. Les esprits s’élancèrent avec plus d’ardeur que jamais dans la voie des études. De nouvelles causes s’ajoutant aux anciennes précipitèrent ce mouvement, devenu général. Les dernières guerres avec la Russie avaient affaibli la Turquie et enhardi les Grecs. Les écoles, qui n’avaient existé jusqu’à la fin du XVIIIe siècle que malgré la volonté des sultans et comme par miracle, furent officiellement autorisées par un diplôme que le dévouement éclairé du prince Dimitrakis Mourouzis obtint du faible Sélim III. De nouveaux établissemens d’instruction publique furent fondés, plus riches et d’une organisation meilleure. A Constantinople, le collége ne suffisait plus ; le prince Dimitrakis Mourouzis en créa un second à Couroutchesmé, sur le Bosphore de Thrace. Benjamin de Lesbos, qui joignait à la science du professeur le zèle et l’ardeur de l’hétairiste, après bien des combats soutenus et des difficultés vaincues, et secondé par Iconomos, démogéronte de Cydonie, parvint à faire bâtir dans cette dernière ville un collége, où l’on se rendit de tous les points de la Grèce. Corfou, malgré ses fortunes diverses, avait aussi ses collèges et ses écoles. Capo d’Istrias, né dans cette île, avait profité de l’influence qu’il exerçait sur ses compatriotes pour éveiller en eux le goût des études grecques. Plus tard, les Français, rentrés en possession des îles Ioniennes après le traité de Tilsitt, avaient organisé à Corfou une académie, où ont enseigné M. Charles Dupin et le capitaine Augoyat. Les désastres de 1815 et le retour des Anglais dans les sept îles y arrêtèrent brusquement le progrès des écoles. Cet état de langueur dura huit ans. En 1823, une décision formelle de Canning imposa à lord Maitland l’organisation de l’université de Corfou, que son mauvais vouloir avait jusque-là retardée. Au moment où Ypsilantis donna le signal de la guerre, trois écoles jetaient le plus vif éclat : c’étaient celles de Smyrne, de Cydonie et de Scio. Scio surtout, l’heureuse Scio, active et peuplée, enrichie par son commerce, fière de sa belle jeunesse, pouvait ouvrir à cinq cents élèves les portes de son collége, où enseignaient quatorze professeurs, sous la direction savante du prêtre Néophytas Vamvas, à la fois grammairien, chimiste, philosophe, et de plus excellent citoyen. Nous avons appris de M. Vamvas lui-même, aujourd’hui professeur de philosophie à l’université d’Athènes, l’histoire de son collége, qu’il raconte avec éloquence dans cette langue harmonieuse à laquelle la prononciation lente et la douce gravité de l’aimable vieillard donnent un charme particulier. On étudiait dans ces maisons, alors si pleines et si animées, désertes quelque temps après, toutes les sciences, les langues, le grec moderne et le grec ancien, à l’aide des volumes de la Bibliothèque hellénique publiés par Coray avec le secours des frères Zosimas. L’éducation y prenait son point d’appui sur les vérités religieuses. L’étude de l’antiquité y élevait les ames et réchauffait de plus en plus en elles l’amour de la patrie et de la liberté. M. le comte de Marcellus, parcourant le Péloponèse en 1820, fut témoin d’un fait qui met en lumière le rôle que jouaient à cette époque les écoles de la Grèce, et les moyens qu’on y employait pour exciter les courages et les préparer à de prochains combats. « Rentré dans Argos, dit-il[6], je passai près d’une école que nie fit reconnaître le bourdonnement continu des enfans, lisant et répétant tous ensemble, à haute voix, la leçon du jour. J’eus la fantaisie de pénétrer dans ce réduit des lettres grecques et d’inspecter la génération future des pauvres Albanais. Le didascalos (instituteur) me reçut fort poliment ; il me fit asseoir à côté de lui, et, pendant que l’on m’apportait une tasse de café, il me vanta beaucoup l’intelligence de ses élèves et un peu sa méthode d’enseignement. Il me montra les livres élémentaires, la grammaire de Lascaris, quelques extraits imprimés à Corfou des grands auteurs classiques, la rhétorique d’Iconomos, et, pour compléter l’examen, il ordonna aux plus habiles disciples de réciter plusieurs scènes de Léonidas aux Thermopyles, drame héroïque qui préludait assez heureusement à la révolution de 1821, et qui fut publié, en 1816, aux frais d’un capitaine hydriote. » La dernière scène de ce drame, que cite M. de Marcellus, représente Léonidas mourant sur les cadavres des Perses : « Laissez-moi là, dit le héros. Cette flèche a pénétré plus avant que l’autre ; mes forces s’en vont ; ma vie est à sa fin… Les secours me sont inutiles… Je meurs pour l’indépendance de la Grèce… O dieux protecteurs de ma patrie ! recevez mon sacrifice comme un hommage… Que ma mort serve à la gloire de tous les Grecs… et à l’honneur de Sparte, mon pays ! (Il expire.) - Quelques Spartiates blessés qui restent encore se précipitent sur les Perses en criant : — Mourons pour la liberté ! »
C’est par de tels jeux que maîtres et élèves se disposaient à une vie nouvelle. La tempête de l’insurrection emporta maîtres et élèves, les uns dans les combats, les autres à la suite des armées auxquelles ils prêchaient la persévérance et l’union. La mort en détruisit un grand nombre, et des meilleurs, à commencer par ce bataillon sacré qu’Alexandre Ypsilantis avait formé lui-même avec ce que la population des écoles renfermait de plus intelligent et de plus brave, et auquel la reconnaissance publique a élevé, à côté du palais de l’université d’Athènes, un marbre simple et pur comme la gloire des jeunes martyrs. Ceux qui survécurent furent souvent séparés par les hasards de la lutte ; mais ils devaient se retrouver plus tard, et, après l’œuvre de la guerre, commencer dans de nouvelles écoles grecques, sur un sol grec, les travaux féconds de la paix.
Après la bataille de Navarin, sous l’administration du président Capo d’Istrias, on tenta avec plus de zèle que de succès une première organisation de l’instruction publique. Les établissemens formés alors furent exclusivement consacrés à l’instruction primaire. La Grèce moderne ne passa donc pas un beau matin et d’un seul bond des ténèbres à la lumière. De tels miracles ne se font pas. Quand la liberté revint dans ce pays, elle y trouva l’intelligence, qui l’y avait précédée ou plutôt qui n’en était jamais sortie. Elle s’y était maintenue par elle-même, elle ne dut qu’à elle-même sa merveilleuse conservation ; mais elle ne s’est pas contentée de ne pas périr, elle a voulu redevenir jeune et forte. Les Grecs ont naturellement le goût de l’étude. Ce goût était excité en 1830 par le désir de répondre à l’estime que leur avait témoignée l’Europe. Ils avaient des livres, des grammaires, des dictionnaires. Plusieurs d’entre eux avaient été déjà professeurs ; d’autres pouvaient le devenir en peu de temps. Ils possédaient donc déjà les élémens d’un système d’instruction publique. Restait encore à trouver des hommes qui sussent réunir ces élémens épars. Ces hommes, ils n’eurent pas besoin de les demander à une autre nation ; ils étaient parmi eux. Non que les Grecs éclairés eussent deviné les principes généraux sur lesquels doivent reposer l’instruction et l’éducation d’un peuple ; mais des modèles en ce genre existaient en Europe, et déjà les Grecs avaient su les étudier. Les plus riches ou les plus remarquables des élèves qui étaient sortis des écoles grecques avaient complété leurs études en Allemagne et en France. Là ils avaient vu, attentivement examiné l’enseignement à tous ses degrés. Je sais tel Grec auquel un ministre français a offert une chaire qu’il eût occupée avec honneur ; je sais tel autre que ses talens firent entrer dans l’intimité, dans la famille même d’hommes illustres, et dont les chefs de l’université de France n’auraient pas dédaigné les lumières. C’est par de tels hommes que l’instruction publique a été possible en Grèce à un moment où elle sortait à peine de ses ruines.
La régence les appela à son aide. En 1833, une commission fut chargée par elle d’élaborer et de présenter dans un certain délai un projet d’organisation générale de l’instruction publique. Cette commission était composée de MM. C.-D. Schinas, président, Anastase Polyzoïdis, J. Kokkonis, Alex. Soutzo et J. Venthylos, auxquels on avait adjoint le docteur Franz, actuellement professeur à Berlin. On sait les services que rendit cette commission et quelle forme excellente prirent entre ses mains l’instruction primaire et l’instruction intermédiaire. Des écoles démotiques, qui correspondent à nos écoles primaires, des écoles helléniques, qui tiennent le milieu entre nos écoles primaires et nos collèges, des gymnases enfin, qui sont ici ce que sont en France les collèges royaux, furent successivement fondés de 1833 à 1837, et entrèrent promptement en exercice.
À cette époque, l’enseignement supérieur n’existait pas encore. La nécessité n’en pouvait être contestée. Si les écoles et les gymnases sont la condition de l’enseignement supérieur auquel ils préparent des auditeurs, l’enseignement supérieur à son tour est la condition de l’instruction primaire et intermédiaire, auxquelles il donne des maîtres. Il y avait bien déjà une école normale primaire et une école primaire modèle où pouvaient s’instruire et s’exercer les jeunes gens destinés à l’instruction du premier âge ; mais les futurs professeurs des gymnases et de l’université elle-même n’avaient où se former. Malgré le manque de ressources et la rareté des professeurs éminens, c’était là une lacune à combler au plus vite, dût-on n’avoir au début qu’une institution imparfaite. Telle était l’opinion de M. Schinas ; elle prévalut. Une loi qui devait être exécutée la même année parut en 1837. L’université fut ainsi fondée, et la prospérité croissante de cet établissement, qui a grandi en dépit de mille difficultés, montre tout ce qu’on peut attendre du peuple habile, persévérant, infatigable, qui se l’est donné à lui-même.
Le mot université, πανετιστημεϊον, n’a pas en Grèce le même sens qu’en France. Chez nous, à part le Collège de France et quelques autres établissemens peu nombreux, l’université comprend le corps enseignant tout entier, ayant à sa tête le ministre, qui en est le grand-maître, assisté du conseil royal ; chez nous, l’université est partout, aussi bien au village, qui ne possède qu’une modeste école primaire, qu’à Paris, où se trouve l’enseignement sous toutes ses formes. En Grèce, l’université est un établissement spécial qui ne se rencontre qu’une fois, à Athènes seulement. Qu’on imagine toutes les facultés réunies dans une seule maison, avec un chef qui se nomme ici recteur, πρύτανις, et on en aura une idée exacte. Elle a d’ailleurs pour modèles les universités allemandes, et par exemple l’université d’Iéna, telle qu’elle a été décrite par M. Cousin[7]. Cette forme convient parfaitement à l’instruction supérieure en Grèce, où les limites actuelles du pays et le nombre naturellement restreint des étudians permettent de concentrer les cours élevés dans une seule ville et d’en confier la direction aux mains d’un seul homme ; mais on ne peut concéder à ceux qui ne conçoivent pas de meilleur système, qu’il convint aussi bien à la France. Où trouver en France un local assez vaste pour y installer toutes les facultés, et comment un seul homme, professeur lui-même, et ayant par conséquent un cours à préparer et à faire, eût-il d’ailleurs sous ses ordres des doyens particuliers, comme à Athènes, pourrait-il veiller à la fois au mouvement de toutes les facultés réunies et faire de plus pour elles ce travail administratif dont est chargé en France le recteur de l’Académie ? Impossible à Paris, tout cela devient possible et naturel à Athènes. Le recteur y peut être à la fois professeur et administrateur, sans que les devoirs de l’un nuisent à ceux de l’autre ; il le peut d’autant plus facilement, qu’il n’a à s’occuper que de la seule université, le ministre dirigeant lui-même sans intermédiaire l’instruction primaire et l’instruction du second degré, et pouvant suffire à cette tâche dans un pays dont l’étendue dépasse à peine celle d’une de nos académies.
L’université d’Athènes a les bons et les mauvais côtés des universités allemandes. Le premier et peut-être l’unique défaut de son organisation se remarque dans la division des facultés. Elles sont au nombre de quatre, dirigées chacune par un doyen, αοσμήτωρ, nommé pour un an par voie d’élection. Ce sont : 10 la faculté de théologie, 2° la faculté de droit, 3° la faculté de médecine, 4° une faculté appelée de philosophie, qui embrasse tous les cours non compris dans les trois précédentes. « Ces cours, dit M. Cousin parlant des universités allemandes, traitent d’une foule d’objets qui ont été sagement distribués chez nous dans deux facultés, celle des sciences et celle des lettres. En effet, dans l’état actuel des connaissances humaines, les sciences et les lettres ont pris des développemens distincts trop considérables pour ne pas exiger deux facultés différentes ; et, s’il est digne des efforts du philosophe d’embrasser les unes et les autres dans ses études, c’est une prétention qu’il ne faut pas consacrer officiellement en donnant le nom de philosophie à la réunion de deux ordres de connaissances qui ont entre elles bien plus de différences que de ressemblances. Cette division a d’ailleurs un grave inconvénient : c’est que le doyen de la faculté de philosophie, qu’il soit ou non chimiste ou physicien, par exemple, dirige pendant un an l’enseignement de la physique et de la chimie.
L’université d’Athènes est administrée par un recteur, que le roi choisit sur une liste de trois membres présentés par le corps des professeurs. Ses fonctions ne durent qu’une année. Quand il les quitte, il doit rendre compte, dans un rapport officiel, des travaux des facultés, de l’emploi des ressources de l’établissement, de l’augmentation, de la diminution du nombre des élèves, en un mot de la vie matérielle et morale de l’université pendant sa prytanie. Ce rapport est lu chaque année en séance publique le jour de la rentrée des facultés. Le discours du recteur est ensuite imprimé et publié. Nous avons sous les yeux les rapports des trois derniers prytanes, et c’est là que nous puisons des détails pleins d’intérêt sur l’état de l’instruction supérieure en Grèce. On a fait sagement de ne conférer que pour une année les fonctions de recteur. Le sentiment de l’égalité, plus vif, plus susceptible chez les Grecs que chez tout autre peuple, est par là respecté. Cette mesure excite le dévouement de chaque recteur, qui n’a devant lui qu’un an pour s’exercer, et enfin il n’est pas un esprit, pas un caractère dont l’institution ne puisse éprouver et utiliser ainsi les lumières ou la fermeté. Le premier recteur a été M. Schinas, qui, comme président de la commission formée en 1833, comme conseiller d’état, comme ministre, comme savant, avait mérité d’ouvrir la voie à ses honorables collègues. La dignité de recteur donnes à celui qui en a été revêtu deux fois le droit de faire partie de la chambre haute ou du sénat. C’est un hommage rendu à la science, qui ne saurait sans injustice être exclue des affaires publiques. La science y arrive encore par une autre voie l’université a son représentant à la chambre des députés, nommé par le corps des professeurs.
Les professeurs qui enseignent à l’université d’Athènes sont aujourd’hui au nombre de trente-deux, répartis entre les diverses facultés. Quelques-uns ont été ministres en Grèce ; la plupart ont étudié en France, en Allemagne, ou dans l’un et l’autre pays. Ils sont divisés en trois classes : 1° les professeurs extraordinaires 2° les professeurs ordinaires 3° les professeurs suppléans ou honoraires, qu’on pourrait encore appeler professeurs à l’essai. Le traitement des premiers s’élève à 3,600 drachmes, celui des seconds à 2,400, et celui des derniers à 1,200. Dans cette classification hiérarchique des professeurs, nous retrouvons encore une imitation des universités allemandes : « A l’université d’Iéna, disait M. Cousin, il y a trois classes de professeurs : 1° les professeurs ordinaires (ordentliche), qui sont nos professeurs titulaires ; 2° les professeurs extraordinaires (ausserordentliche), qui sont nos professeurs adjoints ; 3° les doctores legentes ou privatdocenten, qui ressemblent fort à nos agrégés de médecine. Ces doctores legentes sont la pépinière, la force et la vie de l’université. » En Allemagne, les professeurs de la troisième classe ne sont pas astreints, pour arriver à leurs chaires, à subir la dure épreuve d’un concours. Il suffit qu’ils écrivent une dissertation latine et qu’ils fassent une leçon devant le sénat académique. Une fois admis, ils ont plusieurs années pour donner la mesure de leur talent, dans une chaire, à leur aise, en présence d’un public qui, de son côté, a tout le temps de les juger. L’université d’Athènes a adopté ce système ; elle est résolue à le maintenir dans ses statuts. « Que celui qui demande à enseigner publiquement, disait M. Rhally en quittant le rectorat, soit admis à le faire. S’il ne réalise pas les espérances qu’il a fait concevoir, s’il ne réussit point à attirer les auditeurs, lui seul en subira les conséquences. Aucune promesse ne nous engage envers lui, et lui-même, voyant la stérilité de ses efforts, abandonnera promptement une tâche au-dessus de ses forces. Si, au contraire, le succès répond à ses espérances, nous aurons un candidat éprouvé, prêt à remplacer, s’il le faut, un professeur titulaire. » L’excellence de ce mode de recrutement serait hors de contestation, si l’on en devait juger par la composition du personnel de l’université d’Athènes. Les professeurs y sont à la hauteur de leur tâche. Tous ceux aux leçons desquels nous avons assisté les avaient évidemment préparées avec un soin scrupuleux. A l’heure et au jour fixés, on est sûr de les trouver dans leur chaire. Ils nous ont semblé plus préoccupés du désir d’être utiles que du besoin de briller. Quand leur auditoire trop jeune ou trop peu préparé ne peut s’élever jusqu’à eux, ils abaissent de bonne grace leur cours au niveau d’une classe de collège. Quelques-uns d’entre eux qui ont fait leurs études en France, qui ont assisté aux leçons improvisées de la Sorbonne, et qui seraient, eux aussi, capables d’improviser avec rapidité, se condamnent à l’humble et lente dictée, et répètent plusieurs fois, s’il le faut, la phrase mal entendue ou mal comprise ; ils poussent même la patience et le dévouement jusqu’à dicter des cahiers destinés à remplacer les livres que leurs élèves n’ont pas les moyens d’acheter. Rentrés chez eux, c’est à de savans travaux qu’ils consacrent leurs loisirs. L’histoire, l’archéologie, la philologie, la philosophie, la rhétorique, leur doivent de très utiles ouvrages. Le temps qui leur reste encore, ils l’emploient soit à faire des voyages, soit à traduire les meilleurs auteurs de l’Europe, soit à se tenir au courant de la science en lisant les journaux et recueils publiés en France et en Allemagne.
Aussi le nombre des élèves de l’université d’Athènes s’accroît-il chaque année ; les chiffres en font foi. Et pour bien juger de la valeur de ces chiffres, il faut se transporter un instant en Grèce et passer en revue les difficultés sans nombre que les jeunes gens ont à vaincre et pour se rendre à Athènes, et pour y vivre quand une fois ils y sont venus. La plus grande de toutes, et malheureusement la plus commune, c’est la pauvreté. Le gouvernement peut donner l’instruction aux étudians sans rien exiger d’eux ; mais, pauvre lui-même, il ne peut leur fournir ni le logement, ni la table, ni les moyens de se transporter des différens points de la Turquie ou de la Grèce à Athènes. La jeunesse grecque vit de peu ; elle n’a point de vices ; elle ignore encore, elle ignorera long-temps ces besoins factices et dispendieux dont sont dévorés la plupart des élèves de nos écoles supérieures. Pour achever ses études à Athènes, un Grec ne demande absolument que le strict nécessaire, et pourtant ce peu qu’il ambitionne, il ne le trouve pas toujours. Je connais un jeune Smyrniote auquel ses amis, en se cotisant, étaient parvenus à faire une pension de 27 drachmes, un peu moins de 25 fr., par mois. Cela suffisait à sa modeste existence, et il poursuivait avec ardeur ses études médicales. Ce faible secours lui a manqué tout à coup, et il a dû s’arrêter dans une carrière qu’il eût honorablement parcourue. Bien d’autres en sont là, et néanmoins on les voit arriver toujours plus nombreux à l’université au début de chaque année. Outre les étudians libres, qui ne figurent pas sur les registres et qu’on appelle simplement auditeurs, άχροαταί, le nombre des étudians inscrits et réguliers, qui se nomment οφιτηταί, s’est élevé en 1844 à 152, en 1845 à 182, en 1846 à 220. Cette progression croissante nous fait pressentir ce que deviendra l’instruction publique en Grèce quand cette nation sera délivrée du mal de la pauvreté, qui, s’il ne paralyse pas ses forces, gêne du moins et ralentit ses mouvemens. Du reste, telle est l’ardeur de cette intelligente jeunesse, qu’après les cours terminés, elle ne regagne pas toujours la province, mais demeure souvent à Athènes, travaillant pour subvenir aux frais de l’année suivante, et prélevant sur ce qu’elle gagne de quoi payer des professeurs particuliers. C’est là un consolant spectacle. Ceux qui luttent avec ce courage contre les embarras du présent ont en eux ce qu’il faut pour rendre l’avenir meilleur. Déjà l’université d’Athènes a fourni plusieurs sujets distingués au clergé, au barreau, au corps des médecins ; elle a formé des maîtres pour les établissemens d’instruction intermédiaire. Sa création est donc justifiée par les fruits qu’elle a portés, et ceux-là avaient raison qui, jugeant la nation grecque digne de ce grand bienfait, le réclamaient depuis long-temps pour elle.
Telles sont l’organisation de l’université d’Athènes et sa situation présente. Quand on eut reconnu qu’elle était nécessaire, elle ne tarda pas à recevoir du gouvernement une existence légale. Ce fut au commencement de 1837, sous le ministère de M. de Rudhart, qui avait succédé à M. d’Armansperg, que parut la loi par laquelle l’université était instituée. M. C.-D. Schinas en rédigea provisoirement les statuts, qui furent soumis ensuite à l’approbation du gouvernement. Il fut aidé dans cette tâche difficile par son ami M. Rizo-Rancavi, esprit solide à la fois et étendu, où se rencontrent sans se nuire le lexicographe, l’archéologue et le poète. Leur important travail ne se fit pas long temps attendre. M. C.-D. Schinas le compléta en organisant sur un pied convenable toutes les parties du service intérieur. Les entreprises s’exécutent vite et bien, qui répondent à un besoin réel et général et qui sont confiées à des mains habiles. Quand le roi Othon revint de son voyage d’Allemagne, il n’eut qu’à approuver les plans de MM. Schinas et Rancavi. L’université ouvrit ses cours le 15 mai 1837. Elle eût existé trois ans plus tôt, si un changement ne se fût opéré en 1834 dans le personnel de la régence. Ici, comme toujours, l’intelligence marchait devant, et, si elle s’arrêta un instant, ce fut en dépit d’elle-même.
L’université était constituée, mais il restait à la loger. Il fut un temps où des professeurs tels qu’Aristote et Platon donnaient leurs leçons immortelles en plein air, en face de la nature, sous les ombrages de l’Académie ou du Lycée, et où le peuple, oubliant les ardeurs du soleil, écoutait cinq heures de suite Démosthènes sur les roches nues du Pnyx. Je ne sais si les temps sont changés ou les hommes, mais aujourd’hui il n’est pas un moment de l’année où cette vie extérieure ne fût pleine de périls. Il fallait donc à l’université d’Athènes une maison qui ne fût pas seulement un abri sûr, mais un vaste établissement comme la Sorbonne ou le Collège de France, avec des salles, des amphithéâtres, un cabinet de physique, des bibliothèques, des collections. Il s’agissait d’une dépense énorme pour laquelle, à la lettre, on n’avait pas une obole. Dans cette pénurie absolue, tout autre peuple eût perdu courage ; mais les Grecs ont foi en eux-mêmes. Exaltés par ce sentiment irrésistible, ils ont fait, qu’on nous passe le mot, un véritable tour de force. L’université, sachant bien que pour vivre il faut d’abord être, se contenta dans le principe d’un bâtiment trop étroit et mal situé, dont le trésor public paya le loyer en même temps qu’il prenait à sa charge le traitement des professeurs et qu’il achetait les objets les plus indispensables. On était à peine dans cette maison, qu’on s’y sentit mal à l’aise ; d’ailleurs on n’était pas chez soi. On perdit patience et on voulut avoir un palais, ou du moins un hôtel beau, vaste et approprié à sa destination. Pourquoi pas ? On avait bien refait un peuple et une capitale. Vers la fin de 1838 et au moment où M. Schinas allait quitter ses fonctions de recteur, ceux à qui l’instruction publique était particulièrement chère, parce qu’ils l’avaient presque créée, s’inspirant d’une heureuse idée de M. Rhally, résolurent de faire un appel aux sympathies de la nation et de l’Europe. MM. Rhally, Gennadios, Brandis, Dokos et C.-D. Schinas, se formèrent en comité et ouvrirent une liste de souscription où s’inscrivirent sur-le-champ une centaine de personnes. Ces premiers souscripteurs se constituèrent en assemblée et nommèrent une commission composée d’hommes illustres ou considérables, à la tête de laquelle était M. Conduriottis, président du conseil d’état. Le brave Théodore Colocotronis en faisait partie. Le gouvernement s’empressa d’approuver toutes ces mesures, qui répondaient d’ailleurs aux vœux ardens et bien connus du jeune roi, et cette nouvelle hétairie, formée cette fois au grand jour et au sein de la paix, s’appliqua avec un zèle et une activité incroyables à grossir ses rangs. Le succès de ses démarches a été prompt et complet. Des dons de toute sorte ont été offerts à la commission. Les uns ont fourni de l’argent, d’autres des livres, d’autres des terres, d’autres des maisons. La seule famille des Ionides a envoyé 30,000 drachmes pour la construction d’une des ailes du bâtiment. M. Démétrius-Théodore Tyrkas, négociant grec établi à Vienne, homme qui joint à la profonde connaissance des affaires le goût des lettres et la savante curiosité d’un numismate, a souscrit pour une somme de 20,000 drachmes. Un simple domestique, nommé Démétrius Phaphâli, retrancha en une année de son modeste salaire 28 drachmes, qu’il vint apporter dans la caisse de l’université. Pendant que les richesses s’amassaient à Athènes, M. Schinas fit un voyage à Vienne, visita tous ceux qui ont à cœur l’avenir du nouveau royaume, et revint à Athènes avec 35,000 drachmes de plus, dont 25,000 ont été donnés par le prince Milosch de Servie. Le zèle patriotique des Grecs a d’ailleurs été soutenu et excité par un noble exemple. Plusieurs fois le roi Othon a puisé dans sa cassette particulière pour contribuer à la création de l’université, qui s’est appelée, de son nom, Université Othonienne. L’argent qu’on a jusqu’ici dépensé n’est pas venu en un jour, mais il est venu, et on savait bien qu’il viendrait. Plus d’une fois la caisse s’est trouvée vide. Personne ne s’en est effrayé. Ces crises n’ont fait au contraire qu’aiguillonner le dévouement des fondateurs. Ainsi, dans un moment où les fonds étaient épuisés, le gouvernement ordonna que les travaux fussent suspendus. M. Dokos, d’Hydra, secrétaire de l’université, et l’un de ses plus fermes soutiens, n’écouta pas cet ordre. Il engagea les entrepreneurs à continuer les constructions commencées. Ceux-ci poursuivirent en effet ; mais ils se lassèrent bientôt de ne recevoir aucun salaire, et, comme ils signifiaient à M. Dokos qu’ils allaient se retirer : « Que craignez-vous ? leur dit-il ; ma maison est là. Si l’argent manque, nous la vendrons et vous serez payés ! » On n’en fut pas réduit à cette extrémité. Une souscription nouvelle paya la dette de dix mille drachmes que M. Dokos avait contractée, et le généreux Hydriote conserva sa maison. Qui n’aimerait cette confiance en l’avenir et cette ardeur pour le bien poussée jusqu’à l’audace ?
Les premiers fonds trouvés, on songea aussitôt à en faire usage. Il y avait alors à Athènes un jeune architecte danois, M. Ch. Hansen, qui, étant venu en 1830 étudier le Parthénon, s’est oublié dix-sept ans auprès des rouvres de Phidias, et sous le beau ciel qui les a respectées. L’université le chargea de lui construire une demeure. C’est sur les dessins de M. Hansen que s’éleva le palais simple et gracieux qui est aujourd’hui le plus beau monument de la capitale grecque. Je ne sais pas de pays au monde où il soit plus difficile d’être architecte qu’à Athènes. Les matériaux y sont, il est vrai, magnifiques ; mais le voisinage des monumens antiques qui sont le dernier mot de l’art, les habitudes prises en Occident, et puis cet incomparable soleil de la Grèce qui donne aux défauts comme aux qualités une prodigieuse saillie, vous imposent de lourdes obligations et vous créent les plus grands embarras. M. Ch. Hansen a pris le vrai moyen pour résoudre ce problème. Il s’est fait Grec. Il s’est mis une bonne fois dans l’esprit qu’il était, non à Munich ou à Copenhague, mais en Attique, dans un pays où la neige est un phénomène et la pluie un événement, et où ce que l’art a de mieux à faire, pour produire des œuvres qui aient un sens, c’est de s’inspirer du passé. De là les mérites réels de son ouvrage. On y retrouve partout le respect intelligent de la tradition. Le style en est simple et pur. Les deux colonnes ioniques qui supportent un fronton de marbre comme elles, au centre de la façade, charment l’œil par leur légèreté et leurs proportions. Un portique soutenu par des antes s’étend des deux côtés de la façade, se termine par deux ailes sans ouvertures, et donne à l’ensemble de l’étendue et de la dignité. On sait aujourd’hui, à n’en plus douter, que les Grecs peignaient et doraient quelques-unes au moins des parties extérieures de leurs édifices. M. Ch. Hansen n’a pas craint de les imiter. Il a peint de couleurs brillantes et gaies les chapiteaux des antes et des pilastres, et a fait courir sur les volutes de ces colonnes et sur les ailes des sphinx qui ornent le fronton quelques rares filets d’or d’un goût exquis et d’un excellent effet. L’aspect général est élégant et distingué. J’ajouterai que l’édifice est à la taille du pays. Il est ici des proportions indiquées, imposées par la nature même du sol. Les nombreuses collines qui s’élèvent de tous côtés dans la plaine de l’Attique et l’embellissent sont, pour les monumens, comme des piédestaux ou des cadres. Trop petits, les monumens s’y perdent ; trop grands, ils les débordent ou les écrasent, et l’œil est blessé par cette absence d’harmonie entre l’architecture et le pays. C’est à l’art de consulter la nature et de bien s’entendre avec elle. M. Hansen est arrivé à cet accord. Placé au pied du mont Lycabette, le bâtiment de l’université s’encadre dans ses deux pentes et se couronne de son élégante cime, à laquelle l’astronome Méton avait donné dans l’antiquité une sorte de consécration scientifique. Ainsi, de toutes les manières, l’édifice convient aux lieux où on l’a élevé.
Les lieux aussi conviennent à l’édifice et à l’institution elle-même. En France, à la Sorbonne, dans cette vaste cour où l’architecture ne manque assurément pas, mais qui est sans horizon, où l’œil ne rencontre que des murs gris et mornes, où le soleil ne descend qu’à regret, et où pénètrent pourtant les bruits importuns de la rue, ce n’est que par un violent effort d’esprit qu’on arrive à se faire une idée des grandes scènes antiques. L’air, la lumière, l’espace, les aspects, tout vous manque. La vie moderne vous circonvient, vous enveloppe, ne vous laisse pas une issue par où votre imagination puisse lui échapper. Plus heureux que nous, les étudians d’Athènes n’ont qu’à s’arrêter sur l’escalier de marbre de l’université, et, de quelque côté qu’ils tournent leurs yeux, ils voient l’antiquité élever au-dessus des ruines sa tête immortelle, et leur apparaître toujours belle, toujours sage, toujours éloquente. En face, c’est le Parthénon, le temple de cette grande déesse sans terrestres amours, sans faiblesses, sans misères, en qui la raison grecque, mûrie par le temps, avait réuni tant de majesté, tant de perfections sublimes, que le Dieu de Platon semblait se cacher déjà sous le chaste front et rayonner dans les calmes regards de la Minerve de Phidias. A côté de l’Acropole est le rocher de l’Aréopage ; à côté de l’Aréopage, cet autre rocher si petit et si grand, si humble et si fier à la fois, le Pnyx, où Démosthènes enseigna aux hommes de tous les siècles le langage des peuples libres. Au midi, sur les flots, se dresse Égine, cette rivale utile qui força les Athéniens à apprendre la mer et à oser autant sur ses mouvantes plaines que sur le sol de Marathon ; au couchant, Salamine, qui a recouvré son vrai nom. A droite, l’Académie étend dans la plaine ses bois au pâle feuillage et ses jardins solitaires, mais poétiques encore comme au temps de Platon. Plus à droite encore s’arrondissent au-dessus de la plaine deux collines, ou plutôt deux tertres arides, couronnés l’un du tombeau d’Ottfried Müller, l’autre d’une chapelle, lieux sacrés encore comme autrefois, dominant la verte vallée où disparut OEdipe « sans que la foudre l’eût frappé, sans qu’une violente tempête l’eût englouti, » et où, « parmi les lauriers-roses, les oliviers et les vignes fécondes, » éclatent au soleil couchant les « blanches maisons de Colone[8]. » A gauche, du côté de l’Hymette, non loin de l’Ilissus, est l’emplacement du Lycée, et plus près, à côté de l’université elle-même, peut-être sous la terre qui porte ses murs, le tombeau ou dort Proclus, avec Syrianus son maître[9]. Voilà le spectacle dont on jouit du seuil de l’université, voilà les lieux qui l’environnent. Lue, expliquée, commentée en face de ces monumens, de ces rochers, de ces îles, de ces plaines, l’antiquité s’éclaire d’un jour ailleurs inconnu qui la ranime et la rend présente. Or, qui ne voit ce que cet auguste voisinage peut communiquer d’efficace aux leçons du passé ou d’autorité aux maîtres qui s’en inspirent et le continuent ? Et puis, sous le ciel pur d’Athènes, au sein de cette nature sereine et grave, près de ces grandes ruines, imposantes comme le visage d’un mort illustre qui vient à peine d’expirer, vous sentez votre ame se calmer, s’élever sans cesse, comme si l’air que vous respirez vous faisait une éducation nouvelle, comme s’il apportait de temps en temps à vos oreilles charmées les harmonieux discours de ces hommes presque divins qui ne séparaient ni le beau du bien ni le bonheur de la sagesse.
L’université d’Athènes a donc incontestablement, sur toutes les autres universités de l’Europe, l’avantage de la position. Si à d’autres égards elle leur est encore inférieure, ses commencemens montrent assez qu’elle est capable de progrès. La collation des grades ne s’y fait pas encore d’une manière arrêtée et régulière, mais on y subit des examens qui sanctionnent les études et qui servent à constater l’aptitude spéciale des jeunes étudians à telle ou telle carrière. Les statuts qui doivent la diriger attendent encore une rédaction définitive, mais l’ordre et la discipline y règnent. On y regrette un cabinet de physique plus complet et des collections scientifiques, mais elle possède déjà une bibliothèque de cinquante mille volumes, et dont l’histoire n’est pas moins curieuse que celle du bâtiment lui-même. C’est encore avec des souscriptions, avec les dons de la Grèce et de l’Europe, que l’habileté patriotique de M. Typaldos est parvenue à former en quelques années ce trésor d’ouvrages excellens. L’Autriche, la Bavière, le royaume de Naples, envoient annuellement à l’université des livres, des tableaux, des médailles. La France a mis la bibliothèque d’Athènes au nombre de ses bibliothèques nationales[10]. Des auteurs célèbres, des libraires, imitent leurs gouvernemens, et ces dons ne tombent pas entre des mains indignes ; la jeunesse d’Athènes sait ce qu’ils valent ; nous n’en voulons d’autre preuve que son assiduité constante : le salon de travail de la bibliothèque est ouvert tous les jours pendant l’année scolaire, et tous les jours on y trouve autant de lecteurs qu’il en peut contenir. Aux étudians se mêlent les professeurs eux-mêmes et les étrangers résidant à Athènes, qu’attirent et encouragent les manières affectueuses et l’empressement de l’éphore, M. Typaldos, et du bibliothécaire, M. Apostolidis. Ces deux hommes instruits et dévoués ont créé une bibliothèque européenne qui, comme l’université d’Athènes elle-même, est un foyer de lumières placé entre l’Occident et l’Orient. Ils l’ont créée sans argent, sans argent ils la rendront plus riche et plus variée encore. Rien n’égale l’art avec lequel ils provoquent ou stimulent la générosité des puissances amies. Grace à leur activité irrésistible, l’université aura bientôt, avec une bibliothèque, une collection d’antiques et un musée de peinture. Il ne lui faut pour cela que du temps.
Avec le temps aussi, l’université d’Athènes arrivera à tenir un rang élevé parmi les universités du monde. Aucune n’a plus d’avenir qu’elle ; aucune n’aura exercé une plus grande influence et dans le pays même et dans les pays voisins. Les destinées morales de la Grèce sont entre ses mains. Ce peuple est jeune ; il attend une direction ; il suivra docilement les voies qu’on lui aura tracées. Si la partie éclairée de la nation va droit au bien, le reste sera entraîné par elle, et la gloire en reviendra à ceux qui disposent de l’enseignement supérieur. Des considérations d’un autre ordre achèvent de faire sentir l’extrême importance du rôle auquel l’université est appelée. C’est depuis long-temps un axiome politique que la force d’une nation est en raison directe de son unité ; si l’unité est nécessaire à des nations toutes faites et dont la constitution puissante a résisté à l’épreuve des siècles, comment un royaume qui n’est que d’hier pourrait-il impunément s’en passer ? La Grèce a encore beaucoup à faire, non, Dieu merci, pour assurer son existence, mais pour la développer et la compléter. Il lui serait mortel d’éparpiller ses forces ou de les paralyser en les opposant. Cependant elle ne les a pas réunies encore autant qu’il est possible. Les provinces qui la composent, et qui formaient des états divers dans l’antiquité, sont séparées ou par des mers profondes ou par de hautes montagnes. De là des différences dans les mœurs, dans le costume, dans le langage. De là, dans plus d’un endroit, cette vie qui ressemble un peu à la vie des tribus indépendantes, et ces attachemens personnels qui font parfois que l’on préfère la cause d’un homme à celle du pays tout entier. Un gouvernement unique, une administration unique, des communications plus faciles, doivent sans doute, à la longue, abaisser ces barrières, effacer ces différences, rapprocher les extrémités du centre, et faire de tous les membres de la nation un seul et même corps ; mais c’est à l’université qu’il appartient de produire l’unité des esprits et par là celle des aines. Elle le peut, elle le fait. Déjà, depuis qu’elle est créée, elle a su, en l’absence d’une compagnie semblable à notre Académie française, s’emparer de la langue, la purger en partie des mots étrangers qui altéraient sa physionomie, l’enrichir, lui donner des règles et la répandre en même temps dans le pays par l’enseignement et par les livres. A l’aide de cette langue, pénètrent sous la même forme, dans un grand nombre d’esprits à la fois, les saines idées que l’université trouve, recueille, ordonne et explique tous les jours dans les ouvrages qu’elle publie et dans les cours qu’elle fait. Ces idées qu’ils reçoivent sur toutes les grandes questions qui intéressent l’homme, les étudians les emportent avec eux dans la Roumélie, dans le Péloponèse, dans les îles, où s’organise ainsi peu à peu la pensée publique. Et puis ces jeunes gens venus de tous les points du royaume apprennent sur les mêmes bancs à se connaître et à s’aimer. Ce droit qui leur est accordé à tous également de s’instruire auprès des mêmes maîtres leur rappelle qu’ils ont tous, d’où qu’ils arrivent, le même prix aux yeux de l’état. On aime à rencontrer aux portes de l’université ces groupes variés et pittoresques où se voient, à côté du simple costume qui est le nôtre, la fustanelle élégante de l’Athénien et l’ample et sévère pantalon des îles. Ainsi se mêlent et se confondent de plus en plus ces Hellènes qui formeront les générations futures. Cette fusion si heureusement commencée par une lutte de sept années, pendant laquelle tous ont couru les mêmes dangers, enduré les mêmes fatigues et soutenu les mêmes combats sous le même drapeau, cette fusion, l’université la consommera peu à peu. Elle poursuivra sans relâche le double but qui lui est marqué, c’est-à-dire l’éducation et l’union de la Grèce. Elle sera secondée par le gouvernement, par ceux qui sont chargés de l’enseignement élémentaire, par les sociétés savantes, par tous les bons citoyens. Les secours de l’Europe ne lui manqueront pas non plus. Elle y compte, elle a le droit d’y compter, puisqu’elle n’a jamais été ingrate, et puisque d’anciens bienfaits obligent les grandes nations comme les grandes ames à des bienfaits nouveaux.
CHARLES LÉVÊQUE.
- ↑ Voyez, dans la Revue des Deux Mondes du 15 octobre 1844, l’étude de M. Duvergier de Hauranne sur la situation de ta Grèce et son avenir.
- ↑ Voyez la livraison du 1er avril 1843.
- ↑ L’école française d’Athènes, fondée par ordonnance royale en date du 12 septembre 1846, sur un rapport de M. de Salvandy, ministre de l’instruction publique.
- ↑ Voyez le Cours d’histoire de la Littérature grecque moderne, par M. Rizo.
- ↑ « Ali-Pacha lui-même, dit M. Rizo dans son Histoire moderne de la Grèce, caressait les hospodars, leurs agens et les drogmans de la Porte. »
- ↑ Souvenirs de l’Orient, chap. XXIII.
- ↑ Rapport sur l’instruction publique dans quelques états de l’Allemagne, par M. V. Cousin.
- ↑ Sophocle : OEdipe à Colone.
- ↑ Marini, Vita Procli, 36. — Leake, Topography of Athens, t. I, p. 207.
- ↑ Par une ordonnance royale rendue en 1845 sur un rapport de M. de Salvandy, ministre de l’instruction publique.