Shakespeare and Company
Shakespeare and Company est une librairie indépendante située au 37 rue de la Bûcherie dans le 5e arrondissement de Paris. Elle sert à la fois de librairie et de bibliothèque spécialisée dans la littérature anglophone. L'étage sert aussi de refuge à des voyageurs (des « tumbleweeds »), hébergés en échange de quelques heures quotidiennes de travail dans la librairie[1].
Histoire
[modifier | modifier le code]Sylvia Beach
[modifier | modifier le code]Le nom Shakespeare and Company fut d'abord celui d'une librairie antérieure, fondée et dirigée par l'Américaine Sylvia Beach, et située au 8, rue Dupuytren (de 1919 à 1921), puis au 12, rue de l'Odéon (de mai 1921 à 1941). Cet établissement fut considéré pendant l'entre-deux-guerres comme le centre de la culture anglo-américaine à Paris. Il était souvent visité par des auteurs appartenant à la « Génération perdue », tels qu'Ernest Hemingway, Ezra Pound, F. Scott Fitzgerald, Gertrude Stein et James Joyce. Considéré comme étant de haute qualité, le contenu de la librairie reflétait les goûts littéraires de Sylvia Beach. Shakespeare and Company, tout comme ses habitués littéraires, sont continuellement mentionnés dans Paris est une fête d'Hemingway. Les clients pouvaient acheter ou emprunter des livres comme le controversé L'Amant de lady Chatterley de D. H. Lawrence, interdit en Angleterre et aux États-Unis.
C'est Sylvia Beach qui a publié, en 1922, la première édition du livre de James Joyce, Ulysse[2], qui a par la suite été interdit aux États-Unis et en Angleterre. Shakespeare and Company publia plusieurs autres éditions d'Ulysse.
En , la librairie devient l'éditeur-distributeur de la revue d'avant-garde Transition fondée entre autres par Eugène Jolas.
Dans les années 1930, la librairie en difficultés financières obtient le soutien d'André Gide qui crée les Amis de Shakespeare and Co[3]. Il arrange notamment la venue à la librairie du fondateur de la Nouvelle Revue française Jean Schlumberger[3]. Ce dernier fait à son tour venir Jean Paulhan[3]. Elle reçoit également un soutien financier de riches Américaines telles que Helena Rubinstein et Anne Morgan[3].
Cette première Shakespeare and Company fut fermée en à cause de l'occupation allemande pendant la Seconde Guerre mondiale. Le magasin aurait été fermé parce que Sylvia Beach avait refusé de vendre le dernier exemplaire de Finnegans Wake de Joyce à un officier allemand. Le magasin de la rue de l'Odéon n'a jamais rouvert.
George Whitman
[modifier | modifier le code]En 1951, une autre librairie anglophone fut ouverte à Paris par l'Américain George Whitman (en), sous l'enseigne Le Mistral, au 37, rue de la Bûcherie[4]. Le magasin devint rapidement un centre de la culture littéraire. En 1964, le nom de cette seconde librairie fut changé en Shakespeare and Company lors du 400e anniversaire de la naissance de William Shakespeare et en hommage à la librairie de Sylvia Beach, qu'il admirait[5]. Dans les années 1950, beaucoup d'écrivains de la Beat Generation, tels qu'Allen Ginsberg, Gregory Corso et William S. Burroughs y logèrent. La fille de Whitman, Sylvia, s'occupe maintenant de la tenue de la boutique, près de la place Saint-Michel et à deux pas de la Seine. Jim Morrison la fréquenta assidûment en 1971[6].
« George Whitman tient depuis cinquante ans ce qu’il appelle « une utopie socialiste se faisant passer pour une librairie ». Sa boutique a longtemps été un centre littéraire attirant des gens comme Henry Miller, Richard Wright, et William Burroughs. Plus important encore, George invite, depuis ses débuts, les gens à y vivre. Il affirme que plus de 40 000 personnes ont dormi à un moment ou à un autre dans un des treize lits parmi les livres. Tout ce qu’il vous demande, c’est de faire votre lit le matin, de donner un coup de main à la boutique et de lire un livre par jour. Cinq mois de vie ici m’ont inspiré mon propre ouvrage sur l’endroit[7]. Jeremy Mercer's top 10 bookshops »
Sylvia Whitman
[modifier | modifier le code]La fille de George Whitman, Sylvia, reprend la boutique en 2001[8]. Elle a su donner un second souffle à la librairie en organisant plusieurs festivals culturels, qui remportent un franc succès. Par exemple, tous les deux ans depuis 2003 se tient le FestivalandCo qui fait se rencontrer à Paris les écrivains anglophones en vogue et à découvrir. La librairie est également devenue un asile pour les écrivains qui souhaitent rester pour quelques nuits. En contrepartie, il faut respecter certaines conditions : lire un livre par jour, aider deux heures à la boutique, et rédiger une page autobiographique en y joignant une photographie[9].
Sylvia Whitman dirige la librairie dans un souci de rencontre perpétuelle entre le livre et le lecteur.
« [...] les librairies indépendantes ne sont pas que des magasins où l'on vend et où l'on achète des livres. Ce sont des lieux de découverte, de congrégation, des espaces où l'on peut se perdre et musarder pendant des heures. Ce sont des endroits où l'on peut entendre des auteurs parler de leur travail et leur poser des questions, où l'on peut enrichir le dialogue, progresser et partager des histoires. Tant que ces attentes seront présentes, c'est-à-dire, tant que les humains resteront humains, les librairies indépendantes continueront d'exister[11]. »
L'agencement de la boutique, les animations organisées, telles que la création en 2010 d'un prix littéraire, le Paris Literary Prize (en), ou les lectures hebdomadaires, sont autant de moyens de favoriser cette rencontre.
Années 2010
[modifier | modifier le code]Le 14 décembre 2011, George Whitman meurt dans son appartement situé au-dessus de la librairie, deux jours après son 98e anniversaire[12].
En 2015, Shakespeare and Company ouvre un café en partenariat avec Bob's Bake Shop, dans ce qui fut un garage abandonné depuis 1981. Le café jouxte la librairie et donne une vue imprenable sur la cathédrale Notre-Dame. Il sert principalement des plats végétariens, avec des options vegan et sans-gluten. Depuis 1969, George Whitman avait déjà voulu ouvrir un café littéraire au même endroit[13].
Années 2020
[modifier | modifier le code]Fin octobre 2020, la librairie note que ses ventes ont chuté de 80 % depuis le mois de mars, conséquence de la pandémie de Covid-19. Lors du premier confinement, la librairie a été fermée pendant deux mois et n’a fait aucune vente en ligne, à la suite des conseils du Syndicat de la librairie française. La propriétaire se félicite toutefois d'offres de soutien et d'abonnements à sa formule Year of Reading : cette dernière consiste en l’envoi de douze livres sélectionnés par ses libraires et marqués du cachet de la librairie. Depuis, Shakespeare and Company compte davantage sur son site web pour la vente en ligne[14].
Hommages
[modifier | modifier le code]Références à la télévision et dans des films
[modifier | modifier le code]- Shakespeare and Company apparaît dans la troisième saison de Highlander comme une librairie parisienne tenue par le Guetteur Don Salzer. Dans la quatrième saison, l'Immortel Methos utilise une pièce cachée dans la cave de la librairie pour entreposer ses journaux anciens.
- Shakespeare and Company apparaît dans la scène d'ouverture du film Before Sunset où le protagoniste Jesse Wallace est interrogé à propos de son livre.
- George and Co, Portrait d'une librairie en vieil homme[15] est un portrait documentaire de 52 minutes sur la librairie, ses hôtes et son propriétaire, George Whitman. Il est réalisé par Gonzague Pichelin et Benjamin Sutherland.
- Les expériences de Jeremy Mercer à Shakespeare and Company sont centrales dans son roman Time Was Soft There.
- Shakespeare and Company apparaît dans le film Julie and Julia lorsque Julia Child cherche un livre de cuisine française écrit en anglais.
- Shakespeare and Company apparaît dans le film Minuit à Paris de Woody Allen.
- Shakespeare and Company apparaît dans l'émission The Late Late Show with Craig Ferguson diffusée en sur CBS[16].
- Shakespeare and Company est mentionné dans la série Sense8.
- Shakespeare and Company apparaît dans le sixième épisode de la deuxième saison (2023) de la série télévisée britannique Heartstopper[17].
Références dans la littérature
[modifier | modifier le code]- Le romancier français Yannick Haenel a fait de Shakespeare and Company un des principaux points de chute pour le protagoniste et narrateur de son roman Cercle, paru aux Éditions du Seuil en 2007.
- Dans Les Optimistes de Rebecca Makkai, un des personnages principaux, Fiona, passe une journée dans la librairie à la recherche de sa fille.
Références
[modifier | modifier le code]- Hélène Franchineau, « Shakespeare and Co ou les dormeurs du livre », Lemonde.fr, (consulté le )
- « British Library », sur www.bl.uk (consulté le )
- (en) Ronald, Susan,, A dangerous woman : American beauty, noted philanthropist, Nazi collaborator : the life of Florence Gould, St. Martin's Press, , 400 p. (ISBN 978-1-250-09221-2 et 1-250-09221-3, OCLC 983559109, lire en ligne), p. 192
- Nicolas Ungemuth, « La grande histoire d'une petite librairie », LeFigaro.fr, (consulté le ).
- « A Brief History of a Parisian Bookstore », sur shakespeareandcompany.com (consulté le )
- Olivier Nuc, « Sur les traces parisiennes de Jim Morrison », Le Figaro, 17-18 octobre 2020, p. 30 (lire en ligne).
- George Whitman has been running what he calls "a socialist utopia masquerading as a bookstore" for 50 years. His store has long been a literary hub, attracting the likes of Henry Miller, Richard Wright, and William Burroughs. More importantly, George has been inviting people to live in his shop from its very first days. There are now 13 beds among the books, and he says that more than 40,000 people have slept there at one time or another. All he asks is that you make your bed in the morning, help out in the shop, and read a book a day. After living here for five months, I was inspired to write my own book about the place.
- Pour cette section voir : La librairie Shakespeare and Co de nos jours, sur L'Intermède
- Marianne Julia Strauss (trad. de l'anglais), Les plus belles librairies du monde, Vanves, EPA, , 269 p. (ISBN 978-2-37671-231-2), p. 124
- « Kate Tempest », sur shakespeareandcompany.com (consulté le )
- Marianne Julia Strauss (trad. de l'anglais), Les plus belles librairies du monde, Vanves, EPA, , 269 p. (ISBN 978-2-37671-231-2), p. 129
- « A Brief History of a Parisian Bookstore », sur shakespeareandcompany.com (consulté le )
- « En Français - En Francais - Shakespeare and Company », sur shakespeareandcompany.com (consulté le )
- (en) « Legendary Paris bookshop Shakespeare and Company begs for help in pandemic », sur the Guardian, (consulté le )
- Portrait of a Bookstore as an Old Man (2003) sur IMDB
- [1]. Consulté le 21 mars 2012.
- (en-US) Francisca Santos, « Where is 'Heartstopper' set? », sur We Got This Covered, (consulté le )
Annexes
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Sylvia Beach (trad. de l'anglais par George Adam), Shakespeare & Company, Paris, Mercure de France, (1re éd. 1960), 246 p. (ISBN 978-2-7152-2851-1, présentation en ligne).
- Hemingway at Shakespeare & Company, par John Affleck, sur Literary Traveler (anglais)
- The Beats go on, par Alix Sharkey, le , sur The Observer (anglais)
- Pascal Varejka, Paris britannique, Taride, 2014.
- Pascal Varejka, Paris américain, Taride, 2014.
Liens externes
[modifier | modifier le code]- (en) Site officiel de Shakespeare and Company (avec le programme des lectures du lundi soir)
- Site officiel du Festival littéraire Shakespeare & Company / Shakespeare and Company Literary Festival, sur festivalandco.com (avec des photos et des vidéos des manifestations de 2008 en ligne)